Rio plus ou moins 20 : bilan et perspectives

Du 20 au 22 juin 2012, la communauté internationale se réunit à Rio de Janeiro pour discuter des possibilités qui nous permettraient à toutes et tous de poursuivre notre développement tout en protégeant la planète. Mais avant que les Etats ne multiplient les promesses lors de ce Rio+20, il est bon de tirer un bilan des actions et engagements passés.

En 1992, au sommet de la Terre de Rio, les chefs d’État et de gouvernement se sont accordés sur une série d’engagements pour mettre le monde sur la voie du développement durable, alliant croissance et efforts environnementaux. « Un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. » Quels progrès ont été réalisés en 20 ans ? Que nous réserve l’avenir ?

Sécurité alimentaire

Tout un chapitre du programme « Action21 » adopté en 1992 avait pour objectif « d’assurer un accroissement soutenu de la production alimentaire et d’améliorer la sécurité alimentaire ». Aujourd’hui, alors que nous continuons de produire largement assez de denrées alimentaires pour nourrir l’ensemble de la population mondiale, les personnes souffrant de la faim sont plus nombreuses qu’en 1992. Les prix alimentaires enregistrent une augmentation régulière depuis la fin des années 1990 et sont devenus bien plus instables et la volatilité des prix alimentaires constitue un facteur majeur à l’origine de la faim. – Entre décembre 2011 et mars 2012, les prix mondiaux des produits alimentaires ont augmenté de 8% en seulement quatre mois.

Accès à la terre

Le programme « Action 21 » fixait également des objectifs de gestion durable des terres, de renforcement des institutions et mécanismes de coordination concernant le foncier et d’amélioration de la prise en compte des populations locales. Malgré l’échéance fixée à l’année 2000, le manque de protection contre les effets de la récente ruée sur les terres est flagrant : trop d’investissements ont entraîné l’expropriation, la violation des droits humains et l’anéantissement des moyens de subsistance de personnes vivant dans la pauvreté et dépendant de la terre pour nourrir leurs familles. _ Si le Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA) a accompli en mai dernier un pas important en direction de la reconnaissance et du respect des droits fonciers prévus par le programme « Action 21 », rien ne laisse présager la fin prochaine de cette ruée sur les terres. Selon des estimations prudentes, compte tenu du ralentissement des rendements, de l’aggravation des pénuries d’eau et de l’intensification des effets du changement climatique, le rythme de conversion des terres devrait se maintenir, voire s’accélérer, jusqu’en 2030. – Jusqu’à 203 millions d’hectares, soit une superficie supérieure à celle du Mexique, ont été vendus ou loués dans le cadre de transactions foncières à grande échelle depuis l’an 2000, la plupart au cours des trois dernières années.

Accès à l’eau

Le programme « Action 21 » posait un objectif général visant à assurer que « … l’ensemble de la population de la planète dispose en permanence d’approvisionnements suffisants en eau de bonne qualité tout en préservant les fonctions hydrologiques, biologiques et chimiques des écosystèmes… » En 2000, les dirigeants mondiaux ont également adopté les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), dont celui de réduire de moitié, d’ici à 2015, le pourcentage de la population n’ayant pas accès à un approvisionnement en eau potable ni à des services d’assainissement de base. _ L’accès à un meilleur approvisionnement en eau s’est amélioré, la couverture passant de 77 % de la population des pays en développement en 1990 à 87 % en 2008. Quant à l’objectif de 2015 relatif à l’eau potable, il devrait être atteint, voire même dépassé. Ce sont certes de bonnes nouvelles mais la durabilité de l’approvisionnement en eau s’est peu ou pas améliorée, quand elle ne s’est pas détériorée. – 80 % de la population mondiale habite des régions où la sécurité de l’approvisionnement en eau est gravement compromise, les menaces les plus graves pesant sur 3,4 milliards de personnes.

Changement climatique

La Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), adoptée à Rio en 1992, avait pour objectif d’empêcher les activités humaines de perturber dangereusement le système climatique. _ Il est clairement établi que les États n’ont pas atteint l’objectif de la convention. Les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère ne se sont pas stabilisées et, malgré les engagements politiques pris par les gouvernements afin d’éviter une augmentation supérieure à 2°C de la température moyenne de la planète, les émissions continuent de croître rapidement.

 

Les émissions ont connu une forte hausse et atteint un record historique : à l’échelle mondiale, les gaz à effet de serre ont augmenté de 36 % entre 1992 et 2008.

Ressources financières

Le coût annuel de l’exécution du programme « Action 21 » a été estimé à 600 milliards de dollars, dont 125 milliards devaient être versés aux pays en développement, notamment aux pays les moins avancés, sous forme d’aide publique au développement (APD). Sans qu’aucun mécanisme de financement précis ne soit arrêté, les pays développés ont réitéré leur engagement de consacrer 0,7% de leur PNB à l’APD, chiffre que seuls une poignée de pays atteignent.

 

 

Entre 1983 et 2006, alors que l’APD consacrée à l’agriculture des pays en développement ne cessait de diminuer, les subventionsdes pays développés à leur propre secteur agricole ont atteint plus de 250 milliards de dollars par an, soit 79 fois l’aide à l’agriculture des pays en développement. Les scientifiques estiment que le monde a déjà franchi au moins trois des neuf seuils de tolérance planétaires ou environnementaux : changement climatique, charge en azote et perte de biodiversité. La répartition des revenus et des richesses est extrêmement inégale tant au sein des pays qu’entre eux : les 10% les plus riches de la population mondiale détiennent 57% des revenus, tandis que la part des 20 % les plus pauvres représente moins de 2%. 13% des êtres humains ne mangent pas à leur faim, 19% vivent sans électricité et 21% se trouvent en situation de pauvreté économique. Le monde ne garantit donc toujours pas les droits humains fondamentaux – les limites sociales – alors même qu’il a déjà dépassé certaines limites environnementales. _ Mais le plus frappant est que, pour éradiquer la pauvreté et assurer les droits fondamentaux de la personne, il n’est pas nécessaire d’exercer une pression significative sur les ressources naturelles limitées de la planète : – répondre aux besoins caloriques de toutes les personnes souffrant de la faim demanderait moins de 3% des actuelles disponibilités alimentaires mondiales ; – apporter l’électricité à toutes celles et ceux qui en sont dépourvus impliquerait une augmentation de moins de 1% des émissions mondiales de carbone ; – assurer que personne ne vive dans la pauvreté économique nécessiterait à peine quelques dixièmes de pour-cent du revenu mondial. Ce qu’il faut, c’est beaucoup plus d’équité dans la consommation des ressources et une utilisation beaucoup plus rationnelle des ressources pour répondre aux besoins de l’humanité.

LES DEMANDES D’OXFAM À RIO+20

Oxfam œuvre en collaboration avec un vaste mouvement de citoyens qui, de plus en plus nombreux, choisissent de construire une économie au service de l’être humain et garante de l’environnement, plutôt que l’inverse. Nous attendons des États qu’ils apportent leur soutien à cette vision en réorientant le développement économique de façon à éradiquer la pauvreté et à ne plus lier la croissance économique à une utilisation effrénée des ressources naturelles. Nous appelons les dirigeants réunis à la conférence de Rio+20 à adopter des mesures concrètes visant à mettre en place : – un système alimentaire durable, résilient et équitable, qui fournisse à toutes et tous une alimentation suffisante et de qualité en assurant aux plus démunis un juste accès à la terre, à l’eau et aux autres ressources naturelles limitées ; – une série unique d’« objectifs mondiaux pour le développement », guidant les efforts de développement de tous les pays après 2015 et intégrant des questions environnementales et sociales ; – des solutions énergétiques justes et durables, qui donnent la priorité aux populations pauvres et contribuent à réduire les émissions de gaz à effet de serre, et la suppression progressive mais rapide des subventions aux effets sociaux et environnementaux néfastes.