Le 27 août 1994, l’Algérie fermait sa frontière avec le Maroc suite à une dispute diplomatique entre les deux pays engendrée par les attentats de Marrakech du 24 août 1994. Vingt ans plus tard, la frontière est toujours fermée et les tensions qui perdurent entre les deux pays, y compris celles liées à la question du Sahara occidental, sont un obstacle considérable à toute véritable initiative de construction d’un Maghreb uni.

A l’occasion des 20 ans de fermeture de la frontière Algérie-Maroc, Oxfam a souhaité donner la parole à six jeunes maghrébin-e-s né-e-s l’année où la frontière a été fermée. Interviewé-e-s par Oxfam entre juin et juillet 2014, ces jeunes reviennent sur leur vie, leurs aspirations et sur leur perception d’un Maghreb Uni et des obstacles qui bloquent cette intégration. Parmi eux, Mahmoud Salem Baoussa, 20 ans, Libyen.

Mon histoire, mon engagement

J’habite à Agedabia dans le Nord-est de la Libye. Je finis le lycée cette année et je souhaite étudier le journalisme à l’université. J’évolue dans le milieu médiatique depuis mes 15 ans. Je travaille pour deux journaux : Akhbar albadia et Sahifet Al Raqib et couvre toutes sortes de thématiques.

Le milieu associatif m’intéresse aussi. Je suis le président de l’association Al Badia littourat qui œuvre en faveur de la protection du patrimoine matériel et immatériel. Je veux protéger les vieilles bâtisses et nos précieux monuments. Je m’engage également pour faire connaitre nos coutumes et traditions. Avec l’association "la voix de la femme" j’ai aussi participé à une campagne de sensibilisation contre la violence. Nous avons parcouru 65 écoles publiques et 45 écoles privées pour que les jeunes entre 14 et 18 ans aient conscience de la violence à la maison, qu’ils soient conscients de leurs droits. J’ai par ailleurs milité pour que les personnes atteintes du sida soient considérées comme des personnes normales, et soient intégrées dans la société libyenne.

 Mon rêve ? Devenir un animateur à succès sur une chaine arabe comme MBC et animer une émission comme "Sabah AE Khir Ya Arab" (une émission de divertissement matinale, sur le modèle de l'émission américaine "Good morning America").

Je voudrais aussi monter un petit projet comme une petite boutique qui m’apporterait un peu d’argent. Mon objectif serait par la suite de me payer une formation en Jordanie, en Egypte ou à Dubaï, sur l’animation et la production d’émission. Ce qui est dommage en Libye, c’est que le milieu médiatique est très fermé, ce n’est pas les meilleurs qui réussissent. Il faut souvent être pistonné pour y arriver, ça me révolte.

Quelle Union pour le Maghreb et quid de la fermeture de la frontière ?

Je déplore la fermeture de la frontière entre l’Algérie et le Maroc qui, en plus de bloquer les relations bilatérales, nuit au climat général au Maghreb. La fermeture a un impact négatif sur les relations entre les peuples surtout en termes d’échanges culturels. Je voudrais que le Maghreb uni soit une réalité et non pas seulement des paroles en l’air.

Je n’ai jamais été dans un pays du Maghreb. C’est dommage car je suis passionné par le patrimoine de la région et j’aimerais énormément découvrir les us et coutumes des autres pays du Maghreb. Il y a beaucoup de Libyens qui se soignent en Tunisie et en Algérie. On est proches des Tunisiens. Les jeunes Libyens se sentent bien en Tunisie, mais c’est vrai que nos interactions se limitent souvent au domaine de la santé.

Je souhaite que le Maghreb soit intégré pour faciliter la mobilité, favoriser les échanges culturels et accroitre les échanges économiques entre les pays de la région au bénéfice de tous. Cela encouragera aussi le tourisme. J’aimerais aussi un paysage médiatique commun et des relations inter-maghrébines apaisées.

Je pense que la question d’un Maghreb uni n’est pas utopique, surtout que l’islam nous unit. Je suis optimiste. Il faudrait juste en finir avec les contextes actuels difficiles qui ont suivi le printemps arabe. La situation actuelle en Libye ne permet pas d’intégration maghrébine. Les Libyens sont d’abord préoccupés par les problèmes internes.