Oxfam nous donne le pouvoir de nous informer

Pauline est responsable de la campagne « Inégalités et justice fiscale » d’Oxfam France. A l’occasion du trentième anniversaire de l’association, elle nous parle de sa rencontre avec celle-ci et du rôle qu’Oxfam joue et doit continuer de jouer dans la société. Car en donnant à chaque personne le pouvoir de s’informer et de faire entendre sa voix, Oxfam nous dit un peu ce qu’est la démocratie.

Les changements s’obtiennent quand la société civile se mobilise

Avant de rejoindre l’équipe d’Oxfam France, je travaillais à l’Assemblée nationale, en tant qu’attachée parlementaire. C’est là que j’ai observé à quel point les changements sociétaux, en faveur de l’intérêt général, s’obtenaient lorsque la société civile se mobilisait. Les combats dont se saisissent les responsables politiques ont été portés des années durant par des coalitions d’ONG et c’est ce qui fait toute la différence.

Au final, ce que j’ai pu observer, c’est que les débats qui ont lieu à l’Assemblée nationale se jouent réellement en dehors de l’hémicycle, dans cette société civile.

Avec Oxfam, un travail sur le fond pour changer les règles du jeu

J’ai rencontré Oxfam lorsque j’étais attachée parlementaire, autour de l’enjeu de régulation des marchés de matières premières agricoles pour lutter contre les activités spéculatives des banques. La fameuse campagne « Banques, la faim leur profite bien ! ». En parallèle, le député avec qui je travaillais soutenait également les demandes concernant la lutte contre les paradis fiscaux et notamment le « reporting public pays par pays ». J’ai donc eu la chance de « rencontrer » Oxfam sur ces deux campagnes et de voir tout de suite l’étendue de son action.

C’est ce je suis venue chercher en rejoignant les équipes d’Oxfam France en septembre 2017, cette très forte expertise qui explique son influence et sa crédibilité. Oxfam France possède une expertise sur le fond des sujets, des enjeux de justice fiscale à la question climatique, mais a également cette capacité de convaincre les citoyen-ne-s, les responsables politiques et économiques, afin de faire concrètement avancer les demandes qu’elle défend. L’association met véritablement en œuvre toutes les dimensions de la mobilisation citoyenne pour parvenir à peser dans le débat public.

En tant que responsable de la campagne « Inégalités et justice fiscale » et de par mon expérience précédente à l’Assemblée nationale, je le vois bien : pour gagner des arbitrages politiques, pour convaincre une majorité d’élu-e-s ou le gouvernement, la pression de la société civile peut réellement être décisive.

L’objectif poursuivi par Oxfam France, et que je partage entièrement, nécessite cette approche globale. Car Oxfam est une association profondément politique. Pas dans un sens partisan, mais dans la vision qu’elle a depuis toujours qu’il faut changer les règles du jeu pour parvenir à réellement lutter contre la pauvreté. S’attaquer à la racine du problème.

Dans cet objectif, Oxfam parvient à impulser des solutions visionnaires et pourtant très crédibles, réalistes, avec une perspective à plus long terme, en ayant toujours en tête les prochaines étapes. Je suis persuadée que la politique doit être ce qui impulse les changements sociétaux, économiques. Dans le cas contraire, on laisse le secteur privé le faire, et je ne suis pas sûre que l’intérêt général soit toujours préservé !

A Oxfam, j’ai rencontré une équipe

En m’engageant avec Oxfam, j’ai rencontré des personnes fantastiques. Parce qu’Oxfam est une équipe, et sur ce point nous avons beaucoup de chances. Il y a une vraie dynamique, une ouverture, de la solidarité entre chaque personne. Oxfam regroupe une palette de métiers différents, d’engagements différents, une complémentarité indispensable pour porter efficacement nos messages et notre vision. Mais c’est fort de savoir que toute une équipe, tout un mouvement, travaille ensemble à une cause commune. Je retrouve cela également avec l’ensemble des partenaires associatifs avec qui j’ai la chance de travailler.

Nous avons le pouvoir de nous informer

Lorsque je pense à ce que m’apporte mon engagement avec Oxfam, je dirais assez naturellement qu’il me donne le pouvoir de m’informer. Cela transparaît dans toutes les activités d’Oxfam France. Dans nos rapports de recherche bien sûr, l’expertise développée sur chaque sujet, le suivi constant de l’actualité. Il y a une véritable exigence intellectuelle que l’on retrouve chez toutes les personnes impliquées, pour être toujours certain-e-s que ce que l’on avance repose sur des bases solides. Cette exigence ne s’arrête pas là, mais se retrouve aussi dans l’effort constant de pédagogie et de redevabilité autour de nos actions.

En travaillant avec l’ensemble de la confédération Oxfam, nous avons accès à un très grand nombre d’étude riches, d’exemples concrets de terrain, de témoignages, et ensemble, nous avons le pouvoir de les raconter, de les transmettre. Nous parvenons à mettre en lumière des dysfonctionnements mais également des solutions. C’est un rôle fondamental.

Aujourd’hui, je suis fière de prendre part à l’action d’une association qui parle des terribles conditions de travail dans les usines au Vietnam ou de la situation de celles et ceux qui souffrent de malnutrition dans la Corne de l’Afrique et au Sahel. Ces situations humaines inacceptables sont révélatrices d’un système qui dysfonctionne profondément. Le message d’Oxfam va au-delà du constat pour remonter jusqu’au choix politiques et économiques qui ont conduit à cette réalité.

Oxfam nous démontre aussi ce qu’est la démocratie

Finalement, en se donnant pour mandat d’informer et de mobiliser le public dans l’objectif d’infléchir les décisions politiques, Oxfam s’inscrit pour moi au cœur de l’enjeu démocratique. Oxfam nous dit simplement que l’on a toutes et tous une voix, et surtout que nous avons le pouvoir de la faire entendre. En jouant ce rôle de « poil à gratter », Oxfam prouve à chaque citoyen-ne-s que sa voix peut faire une réelle différence.

Je me doute bien qu’en lisant cela, on pourrait trouver cette vision naïve. Parce que, bien sûr, le défi est de taille, à l’heure où l’on parle chaque jour de la montée des populismes, où les modèles politiques sont questionnés face au pouvoir des entreprises multinationales. Mais je ne pense pas que nous soyons naïfs. Au contraire, nous sommes complètement dans les combats d’aujourd’hui. Et face à l’ampleur du défi, nous n’opposons que plus fermement encore notre détermination.

30 ans, un point de bascule vers ce que tu es profondément

Oxfam France passe cette année le cap des 30 ans d’existence, comme moi ! Cet anniversaire m’évoque un point de bascule, un moment où tu sais d’où tu viens et qui tu es. Cela te donne un certain recul qui te permet d’être prêt-e à te lancer dans de nouvelles aventures, vers ce qui fait sens pour toi. Et tu sais que tout est possible. Finalement, ces 30 ans correspondent très bien à Oxfam France et à la dynamique de toute l’association !

Nous nous projetons bien sûr déjà pour les 30 prochaines années. Pour moi, Oxfam porte aujourd’hui les principaux enjeux de demain. Reste aux gouvernements de tendre l’oreille pour voir que notre analyse est juste. J’espère qu’Oxfam France continuera de grandir, de rallier de plus en plus de personnes à son mouvement, convaincues par l’exigence constante qui porte notre travail. Et si de nouveaux défis apparaissent dans les prochaines années, j’espère qu’Oxfam aura la capacité de s’en saisir.

Face à la situation de certains pays à travers le monde, il est important qu’une organisation comme Oxfam ait les moyens de s’exprimer, que des personnes soient toujours là pour l’entendre, pour porter une alternative à des choix qui se révèlent injustes.

Quand on me dit qu’on n’y arrivera pas, je ne cède pas

Je suis une personne naturellement positive. Alors lorsque l’on me dit que notre vision est naïve, que nous n’y arriverons pas, je ne cède pas ! Simplement parce qu’un grand nombre d’exemples nous prouvent le contraire. En dehors des victoires obtenues par Oxfam, il suffit de regarder, des victoires majeures ont été remportées ces dernières années : le devoir de vigilance des multinationales, l’interdiction de la pêche en eau profonde…

Mais ces acquis sont le résultat d’années de lutte. Si nous n’obtenons pas les changements auxquels nous aspirons cette année, ou l’année d’après, cela ne signifie pas que ça ne marchera pas. Seule la ténacité, l’endurance, la détermination, sont vectrices de changements réels, durables. Surtout lorsque l’on regarde les adversaires auxquels s’oppose Oxfam, car les messages, la vision que nous portons, ne sont pas anodins.

Face à cela, face aussi à un certain sentiment de résignation, d’impuissance, qui est bien réel chez certaines personnes, Oxfam doit continuer, plus que jamais, de jouer son rôle. Démontrer, jour après jour, que même face au pouvoir des plus grandes multinationales, face à l’ampleur des dérégulations économiques et financières, nous avons une voix citoyenne à faire entendre. Dans le même temps, l’actualité est parsemée de notes d’espoir. Nous reverrons surement des mouvements tels que les Indignés ou Occupy Wall Street. Alors, à choisir, je resterais toujours optimiste.

Dans cette perspective, nous pouvons nous fixer un objectif pour 2048, dans 30 ans : faire en sorte que vivre dans l’extrême pauvreté ne soit plus une réalité pour personne. Et se dire dès aujourd’hui que cette vision n’est pas naïve ou utopiste, mais belle et bien réaliste.