Eau en bouteille : la grande soif du profit

Tandis que les changements climatiques et les sécheresses à répétition menacent l’accès de la population à l’eau, l’industrie de l’eau en bouteille continue de pomper et de contribuer à polluer cette ressource pour s’enrichir. Danone, Nestlé… Oxfam France dénonce ce business d’un petit nombre qui fait du profit avec un bien gratuit tout en portant atteinte aux droits humains.

Le changement climatique impacte nos ressources en eau douce, les multinationales l’aggravent

Dans son dernier rapport d’évaluation, le GIEC nous alerte sur le fait que, partout dans le monde, le changement climatique tend à rendre l’eau plus rare, les pluies plus imprévisibles, et les ressources plus polluées. Et la France est loin d’être épargnée

  • Depuis 1990, la ressource en eau a déjà baissé de 14% dans l’hexagone. 
  • Au cours de la sécheresse de 2022, plus de 1000 communes ont connu des restrictions d’eau, et 100 en ont été tout simplement privées. 
  • Les scientifiques prévoient que d’ici 2050 le débit moyen des cours d’eau aura diminué de 10 à 30% et que le niveau des nappes phréatiques aura baissé de 10 à 15%.

Dans ce contexte et alors qu’il est urgent de déployer des politiques fortes pour pallier le manque d’eau et la baisse de sa qualité, des multinationales épuisent nos nappes phréatiques et s’accaparent notre eau pour nous la vendre dans des bouteilles en plastique 150 à 1000 fois plus chère que l’eau du robinet.

Quel impact de l’industrie de l’eau en bouteille sur nos ressources ? 

L’industrie de l’eau en bouteille a d’abord un impact fort sur la quantité d’eau douce disponible localement. Souvent, les entreprises d’embouteillage pompent de l’eau bien au-dessus des niveaux à respecter pour que les réserves se régénèrent et sont responsables d’une diminution de la ressource. Par exemple, à Volvic, Danone pompe 2,3 milliards de litres chaque année et augmente ses prélèvements en été malgré les pénuries d’eau, portant atteinte aux riverains et aux eaux de surface, et affaiblissant le débit des rivières environnantes. 

Mais les activités de ces industries affectent aussi la qualité de nos ressources. A Vittel, dans les Vosges, des habitants ont découvert l’existence de 9 dépôts de déchets plastiques sur des terrains appartenant à Nestlé. Ces décharges sont responsables d’une pollution des sols et présente aussi un risque pour les nappes et les milieux aquatiques. Cette décharge a pu polluer la même nappe utilisée par la firme.

Les scandales à répétition de l’eau en bouteille

La célèbre multinationale Nestlé possède plusieurs usines dans les Vosges, à Contrexéville et Vittel, région régulièrement touchée par des sécheresses et dont la nappe affiche des niveaux toujours plus bas. Alors que les liens entre la baisse de la nappe et les prélèvements industriels se multiplient, les habitants accusent Nestlé de surexploiter la ressource en eau. En 2020, FNE et UFC-Que Choisir ont porté plainte contre Nestlé pour avoir illégalement prélevé plus de 10 milliards de litres d’eau. Depuis, les prélèvements ont baissé, mais c’est uniquement parce que Nestlé a arrêté l’exportation de ses bouteilles en Allemagne. Elle a donc du réduire sa production, pour éviter d’avoir de trop coûteux stocks.

En 2020, pour résorber le déficit chronique de la nappe dans laquelle est pompée l’eau pour les habitants, le Conseil municipal a défendu un projet de pipeline, une infrastructure qui aurait coûté plusieurs dizaines de millions d’euros d’argent public, plutôt que de freiner les prélèvements de la multinationale dans cette même nappe. Finalement, les opposants au projet ont gagné et une élue a été condamnée pour prise illégale d’intérêts

En 2021, une Commission d’Enquête Parlementaire a enquêté sur neufs décharges sauvages s’étendant sur plusieurs hectares, composée de plusieurs milliers de bouteilles en plastique. Ces dépôts auraient été utilisés pendant les années 60/70 par la firme, qui prétend “hériter” de cette décharge, mais qui a longtemps caché leur existence aux autorités et retardé le moment de traiter les lieux malgré le risque important de pollution. Alors que cela fait trois ans que ces décharges sont publiquement connues, seule une sur quatre aurait été nettoyée.

A Volvic, il est estimé que Danone consomme 10 fois  plus d’eau que la population locale. Il a d’ailleurs été révélé que l’entreprise a augmenté ses prélèvements pendant les mois les plus chauds (alors que tous les usagers du département connaissent des restrictions), portant atteinte aux riverains et aux eaux de surface, et ayant potentiellement contribué à la baisse du débit des rivières environnantes (le débit du Gargouilloux a été divisé par 7 en 5 ans).  L’Etat a permis à l’entreprise de doubler ses prélèvements en 20 ans. D’ailleurs, en 2020, la préfecture a validé par un arrêté l’augmentation temporaire des débits de forage, en pleine période de “vigilance sécheresse”

Nestlé a recours à des traitements interdits sur ses eaux minérales

Sur leur étiquette, les eaux minérales promettent une eau naturelle pure et non filtrée. La réglementation européenne interdit toute désinfection de l’eau minérale, qui doit être d’une qualité microbiologique naturellement élevée – contrairement à l’eau du robinet, qui est désinfectée avant de devenir potable.

Or, depuis des années, certaines eaux embouteillées sont traitées illégalement. Le groupe Nestlé et d’autres entreprises comme le groupe Alma (Saint-Yorre, Cristaline), ont été pointé du doigt, pour avoir utilisé des systèmes de filtration interdits. Ce traitement non conforme était indispensable, selon Nestlé, pour garantir la qualité de son eau de source. A la suite de ces révélations, Foodwatch France a d’ailleurs porté plainte en relevant neuf infractions liées à ces fraudes aux filtrations.

Les recommandations d’Oxfam pour la justice hydrique

Oxfam appelle à :

  • Engager un processus de régulation des multinationales de l’eau au niveau européen 
  • Améliorer la collecte et l’accès aux données sur les prélèvements 
  • Permettre un contrôle effectif en créant un dispositif judiciaire avec des moyens adaptés, en réduisant et limitant les autorisations de prélèvement à faire renouveler tous les ans.
  • Créer un référé environnemental, applicable en matière de l’eau et rendre opposable l’ensemble des documents de planification de la ressource en eau aux documents d’urbanisme et aux décisions individuelles. Prévoir la réduction des autorisations de prélèvements des eaux destinées à l’embouteillage avant et durant les périodes d’étiage, sauf lorsqu’il peut être démontré que ces prélèvements n’ont pas d’impact rapide sur les nappes et les milieux supérieurs.

Empêchons les multinationales d’accaparer l’eau !

Emmanuel Macron organise un sommet sur l’accès à l’eau en marge de l’assemblée générale des Nations Unies en septembre prochain. Interpellons-le et exigeons que les multinationales de l’eau soient davantage régulées !

Je signe la pétition