Y a-t-il des réfugiés climatiques en France ?

Le changement climatique a des conséquences dramatiques dans le monde, en particulier dans les pays les moins développés, et entraîne une augmentation croissante du nombre de “réfugiés climatiques”. En 2022, les catastrophes environnementales ont provoqué le déplacement de 32 millions de personnes dans le monde, et on estime que ce nombre pourrait atteindre 1,2 milliards en 2050. Pour autant, peut-on déjà le constater en France ?

L’intensification des conséquences du changement climatique en France provoque des migrations forcées

Les impacts du changement climatique en France 

Les données scientifiques sont claires, le changement climatique a de fortes répercussions sur notre territoire. Actuellement, 62% de la population française est exposée de manière forte ou très forte aux risques climatiques. Selon le Global Climate Risk Index, classement établi par l’ONG Germanwatch, la France est au 40e rang des pays les plus touchés au niveau mondial en 2021. En plus de la hausse des températures, la France connaît une multiplication des événements extrêmes susceptibles de provoquer des déplacements forcés  : 

  • L’élévation du niveau de la mer qui s’associe à une érosion des côtes ; Entre 1993 et 2019, le niveau moyen de l’ensemble des mers et océans du globe s’est élevé de 9 cm. À l’horizon 2100, l’élévation se situerait, dans le scénario le plus pessimiste d’évolution de concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, dans une fourchette comprise entre 61 et 110 cm. Plusieurs cartes permettent de montrer l’impact progressif de l’élévation, dont celle du BRGM.
  • Les feux de forêts, favorisés par les sécheresses accrues, qui ont augmenté de 18% entre 1960 et 2008 ;
  • Les inondations dues aux pluies intenses ou aux submersions marines ; Plus de 17,1 millions de personnes en France sont notamment exposées aux inondations par débordement de cours d’eau, soit environ un habitant sur quatre.
  • Les tempêtes, plus intenses et plus fréquentes, auxquelles nos infrastructures sont particulièrement vulnérables.
Source : Rapport annuel du Haut Conseil pour le Climat (2021)

Des déplacements forcés inévitables

Les aléas climatiques extrêmes empêchent parfois les populations de rester, même temporairement, sur le territoire où elles se trouvent, pour échapper à une catastrophe ou parce que les infrastructures (logements, réseaux, etc) ont été détruites. Les déplacements en France sont essentiellement dus aux inondations et aux incendies. 

  • En 2022, l’Internal Displacement Monitoring Centre estime qu’en France 45 000 personnes ont été forcées de se déplacer à cause de désastres, ce qui la place en 3ème position des pays  avec le plus de déplacements internes en Europe et en Asie centrale du à des désastres environnementaux, juste après l’Ukraine et le Kirghizistan. 
  • En 2022, deux incendies majeurs dans le département de la Gironde ont causé l’évacuation et le déplacement de 38 000 personnes.

Un système assurantiel inadapté

En France, l’état de “catastrophe naturelle” permet une indemnisation des victimes des aléas climatiques extrêmes. Cependant, ce modèle est inadapté au changement climatique : il ne couvre pas les tempêtes, par exemple. De plus, il est menacé, car la multiplication des événements extrêmes va le rendre économiquement insoutenable. Pourtant, le coût des sinistres climatiques est estimé à 10 milliards d’euros pour la seule année 2022 en France, contre 3,6 milliards d’euros en moyenne annuelle sur la décennie 2011-2021.

Les événements autrefois rares et exceptionnels deviennent de plus en plus fréquents et normaux. Le système assurantiel doit donc être réinventé. 

Inondations à Cognac - © Pierre-Alain Dorange

Il existe également des déplacements climatiques qui ne sont pas consécutifs à un événement extrême violent et rapide lié au changement climatique. Par exemple, l’élévation du niveau de la mer, la fonte des glaciers qui fragilise les économies de la montagne, le manque d’eau sur certains territoires, ou la hausse des températures vont avoir des effets de déplacement de population lents et de long terme. Il est alors plus difficile de caractériser ces déplacements comme directement liés au changement climatique. 

Sur la conséquence de l’élévation du niveau de la mer, plusieurs communes sont déjà confrontées à ces enjeux de relocalisation, qui s’inscrivent dans la nécessité de planifier l’aménagement du littoral de la Manche ou de l’Atlantique, à Ault par exemple ou au sein des communes de la façade atlantique sinistrées après le passage de Xynthia (ex. La Faute sur mer et ses zones noires), les communes situées en arrière des cordons littoraux sableux (ex. Soulac ou certaines communes de la côte languedocienne).

Quel statut pour les déplacés climatiques ?

Depuis 1951, le droit international reconnaît le statut de réfugié. Ce statut est défini par la Convention de Genève en fonction de critères politiques : sont reconnues comme “réfugiées” les personnes contraintes de fuir leur pays car leur vie est menacée du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques. Les victimes du changement climatique ne sont, elles, pas prises en compte, a fortiori pour des déplacements qui ont lieu à l’intérieur d’un même territoire.

Anticiper les futures catastrophes : les recommandations d’Oxfam

Accélérer  les efforts d’atténuation

La Banque mondiale estime qu’une action immédiate pour réduire les émissions de gaz à effet de serre pourrait diminuer l’ampleur des migrations climatiques internes de 80%. Il est donc nécessaire que la France, qui compte parmi les responsables historiques du réchauffement climatique, s’inscrive dans une dynamique ambitieuse. Les efforts actuels sont loin d’être suffisants,  la France ayant été condamnée deux fois pour inaction climatique

Pour une adaptation juste et ambitieuse en France

Même si la France parvient à respecter ses engagements de baisse d’émissions, le changement climatique est déjà là et va s’accentuer. Or la France a déjà pris un immense retard en matière d’adaptation, et ce sont les plus vulnérables qui vont en payer le prix fort.  Ancrées dans une approche réactive, nos politiques échouent à anticiper les catastrophes pour limiter les dégâts et permettre de réduire les déplacements forcés. 

Pour une adaptation juste et efficace qui ne laisse personne de côté, Oxfam demande :

  • La mise en place d’une stratégie centralisée et coordonnée de l’Etat à partir des risques climatiques ; 
  • Des moyens humains et financiers à la hauteur de l’enjeu ; 
  • Un cadre juridique national qui permette un suivi contraignant ; 
  • La prise en compte systématique et transversale de la question des inégalités dans la création de politiques publiques en matière d’adaptation.  

Aller plus loin

Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés a calculé qu’en moyenne, depuis 2008, 21,5 millions de personnes ont été déplacées chaque année de force dans le monde, à cause d’événements liés au climat. Une triste tendance qui ne cesse de prendre de l’ampleur, partout.

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