COP 28 : quel bilan ?

La COP 28 s’est achevée mercredi 13 décembre à Dubaï par un engagement mondial des Etats à opérer une transition hors des énergies fossiles. Mais au-delà du signal essentiel envoyé par cette annonce, Oxfam regrette les fausses solutions mises sur la table ainsi que la trop faible place accordée à la coopération internationale, qui est pourtant un enjeu clé de justice et de réussite de l’action climatique. 5 points à retenir dans ce bilan de cette COP 28. 

Energies fossiles, pertes et dommages, transition juste : 5 points-clés à retenir de la COP28

Le (tout) début de la fin des énergies fossiles

Alors que cette COP 28 avait lieu dans l’un des plus grands pays producteurs d’hydrocarbures et que les projecteurs étaient fortement braqués sur le sujet des énergies fossiles, cette COP a débouché, au terme d’âpres négociations, sur un engagement historique des Etats à “opérer une transition en dehors des énergies fossiles”.

Aussi incongru que cela puisse paraître, c’est la première fois que les énergies fossiles, dont la production et la consommation sont la principale cause du dérèglement climatique, sont mentionnées explicitement avec l’objectif de s’en passer. Il s’agit donc d’un signal politique et économique inédit, qui acte le début de la fin des énergies fossiles. La preuve que la mobilisation de la société civile et de nombreux Etats commence à payer.

Peut-être encore plus significatif : les Etats se sont entendus à cette COP sur un objectif mondial de triplement des capacités d’énergies renouvelables et de doublement des gains en efficacité énergétique d’ici à 2030. Des mesures nécessaires pour faciliter la transition hors des énergies fossiles et permettre aux 700 millions de personnes encore privées d’électricité à travers le monde d’obtenir un accès à l’énergie.

Trop de place pour les fausses solutions 

Si les signaux positifs envoyés à la COP 28 vont avoir une forte portée politique et économique dans les années à venir, les engagements pris à Dubaï sont accompagnés d’un ensemble de fausses solutions, qui limitent en grande partie la crédibilité de l’engagement collectif. Non seulement aucun objectif clair et temporel de sortie des énergies fossiles n’est mentionné, mais le texte adopté à la COP prône des options plus douteuses les unes que les autres, telles que le recours à des dispositifs de capture et de stockage du carbone pas du tout matures, ou encore l’usage de “carburants de transition” tels que le gaz, alors que celui-ci est une énergie fossile très polluante.

A la recherche de la transition juste

Alors qu’elle est censée être la pierre angulaire de l’action climatique internationale, l’équité entre les pays du Nord et les pays du Sud est très peu présente dans le texte adopté à la COP 28. La décision ne dit rien ou presque du fait que les pays riches ont la capacité financière et la responsabilité de sortir les premiers des énergies fossiles au regard de leurs émissions historiques de gaz à effet de serre, alors que certains pays du Sud devraient disposer de davantage de temps étant donné qu’ils sont encore fortement dépendants de l’utilisation et des revenus issus de la production d’énergies fossiles.

Par ailleurs, il n’est fait presque aucune mention de la manière dont les pays du Nord vont soutenir financièrement les pays du Sud dans leur transition énergétique, alors que celle-ci va leur coûter extrêmement cher. L’Agence Internationale de l’Énergie estime par exemple que les investissements dans la transition coûteront environ 1900 milliards de dollars par an aux pays en développement, même lorsqu’on ne compte pas la Chine.

Un soutien insuffisant pour les pays du Sud face au changement climatique

Cette COP 28 a abouti à quelques avancées intéressantes en matière de réponse au changement climatique et à ses impacts. Mais à chaque fois, celles-ci pèchent par leur manque de précision et de financements associés.

La COP s’est ouverte avec un accord positif sur la mise en place du Fonds pour les pertes et dommages, qui permettra d’aider les communautés les plus vulnérables à se remettre de catastrophes climatiques. Celui-ci a été accompagné de premières promesses de financements, notamment de la part de la France ou des Emirats Arabes Unis. Mais avec seulement 700 millions de dollars promis au total alors que les besoins pourraient atteindre 500 milliards par an, le montant de ces premières contributions est dérisoire. 

Par ailleurs, les Etats se sont entendus à la COP 28 sur un Objectif Mondial pour l’Adaptation, un texte énonçant les principales mesures à prendre pour adapter nos systèmes agricoles, de gestion de l’eau ou encore nos infrastructures au changement climatique, en incitant à mettre en œuvre des plans d’action appropriés.

Si ce travail est bienvenu, l’Objectif Mondial pour l’Adaptation est dépourvu d’indicateurs précis et n’est accompagné d’aucun engagement financier des pays développés vers les pays du Sud. Les pays riches se sont contentés de rappeler leur promesse de doubler leurs financements pour l’adaptation d’ici à 2025 et ont donné moins de 200 millions de dollars au Fonds de l’ONU pour l’Adaptation.

COP 28 : et après ?

Financements pour les pays du Sud, plans de transition : les grands enjeux à venir

Après cette COP 28 en demi-teinte, de grands chantiers s’annoncent pour avancer dans la transition hors des énergies fossiles et la réponse aux impacts du changement climatique.

Maintenant que le signal est envoyé, charge aux Etats de mettre en œuvre concrètement cette transition hors des énergies fossiles, et ce dans une logique d’équité entre pays du Nord et pays du Sud. Les Etats devraient ainsi développer des trajectoires comprenant des dates claires de sortie des énergies fossiles, avec des échéances encore plus rapprochées pour les pays riches. Ils devraient intégrer ces trajectoires de sortie dans leurs prochaines contributions déterminées au niveau national, qui sont les plans de réduction de gaz à effet de serre que les Etats devront remettre d’ici la COP 30 au Brésil en 2025.

Par ailleurs, la question des financements climatiques pour les pays du Sud sera un sujet essentiel dès la COP 29, l’an prochain en Azerbaïdjan, où sera négocié le Nouvel Objectif Collectif Quantifié. Derrière ce nom un peu barbare se cache notamment le soutien financier que les pays riches s’engageront à fournir aux pays du Sud dans les prochaines années. Alors que les pays du Nord n’ont toujours pas tenu leur vieil engagement de fournir 100 milliards de dollars par an aux pays du Sud, il s’agira de revoir à la hausse le niveau de soutien au regard des besoins réels de ces Etats, qui pourraient atteindre 3000 milliards de dollars par an vers 2030.

Dans la continuité du Sommet pour un Nouveau Pacte Financier qui s’est tenu à Paris en juin dernier, les Etats vont discuter durant les prochains mois des mesures permettant d’augmenter les financements à destination des pays du Sud, par exemple via un meilleur accès aux capitaux ou encore la réforme des banques de développement. Si certaines initiatives sont pertinentes, à l’image de la taskforce lancée par la France et le Kenya à la COP 28 pour financer l’action climatique via des taxes internationales, il faudra s’assurer que ces différentes mesures ne renforcent pas l’endettement des pays du Sud et ne dédouanent pas les pays riches de leur devoir d’augmenter significativement leurs contributions, au maximum sous forme de dons.