Comment imaginer une juste adaptation aux changements climatiques ?

Inondations, sécheresses, canicules… : le changement climatique est déjà une réalité en France et va continuer de s’accentuer. Il est donc urgent de prendre des mesures pour s’y adapter, sans laisser personne sur le bord de la route. Car l’adaptation aux conséquences du changement climatique est indissociable de la justice sociale.

S’adapter aux conséquences du changement climatique en France : une urgence

Quels sont les impacts du changement climatique en France ?

Le changement climatique et la hausse globale des températures causée par l’activité humaine sont des faits avérés. Même si la France parvient à respecter ses engagements de baisse de ses émissions de gaz à effet de serre, le changement climatique est déjà là et va s’accentuer.

Concrètement, les manifestations du changement climatique sont déjà visibles dans le pays et vont continuer de s’accentuer. Le changement climatique se caractérise notamment par :

  • La hausse des températures: l’été 2023 a été le plus chaud jamais mesuré sur Terre et le quatrième plus chaud mesuré en France. Avant 1990, la France connaissait en moyenne 2 jours de vagues de chaleur par an. Depuis 2000, ce chiffre est passé à 8 par an. Dans un scénario à +4°C, l’Ile-de-France pourrait connaître jusqu’à 94 jours de vague de chaleur chaque année.
  • Des sécheresses plus sévères et plus fréquentes qui entraineront des pénuries d’eau avec des conséquences sur la disponibilité et la qualité d’eau potable ainsi que sur de nombreux secteurs (agriculture, tourisme, industrie, etc).
  • Des feux de forêt plus importants et plus fréquents, et qui touchent des régions autrefois épargnées, notamment le Nord-Ouest de la France.
  • Des inondations plus fréquentes et plus imprévisibles, avec un impact important sur les personnes, les constructions et les infrastructures.
  • Des tempêtes et intempéries à une plus grande fréquence et plus intenses, qui feront des dégâts importants et que nos infrastructures ne sont pas prêtes à subir.

L’inadaptation aux changement climatiques renforce les inégalités

Oxfam a montré que le changement climatique et les inégalités s’alimentent réciproquement et forment un cercle vicieux. Si ce sont les plus riches qui polluent le plus et qui détraquent le plus notre climat, ce sont les plus vulnérables – ménages pauvres et modestes, femmes, enfants, personnes âgées, groupes marginalisés – qui en payent le prix fort.

Ces inégalités face au climat sont criantes :

Le rapport du GIEC observe que les ménages modestes et les groupes marginalisés sont plus durement touchés par les inondations, sécheresses, canicules, et maladies liées à la chaleur. Ils manquent aussi plus souvent de ressources ou de droits pour s’adapter avec succès au changement climatique

Changement climatique et droits humains

Si rien n’est fait pour inverser la tendance, les interactions entre le changement climatique et les inégalités déjà existantes vont mettre un péril un certain nombre de droits humains, en particulier ceux des groupes déjà marginalisés. Avec ses impacts directs sur la production alimentaire, sur la disponibilité en eau et sur les écosystèmes, Oxfam estime que le changement climatique menace directement ou indirectement au moins 26 des 50 articles de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne si l’UE ne s’adapte pas immédiatement et efficacement au changement climatique.

Il est donc urgent d’inverser la tendance et de briser le cercle vicieux entre changement climatique et inégalités. Pour un avenir socialement juste et équitable, il est urgent d’adapter la France au changement climatique.

 

Agir pour une adaptation socialement juste et ambitieuse

Le retard des politiques d’adaptation en France

Dans son rapport annuel de 2023, le Haut Conseil pour le Climat a alerté sur le fait que la France est loin d’être prête en matière d’adaptation. Les récentes inondations du Pas-de-Calais ont encore une fois révélé l’impréparation et le manque de coordination sur le sujet de l’adaptation. Le sujet reste cantonné au domaine technique et fait souvent l’objet d’une fausse concurrence avec l’atténuation.

Pourtant, l’Accord de Paris oblige les Etats à la fois à mettre en œuvre des actions d’atténuation et à définir des politiques d’adaptation. L’Etat a une responsabilité de garantie des droits fondamentaux qui l’oblige à agir contre le réchauffement climatique dans toutes ses dimensions. De plus, en matière d’adaptation, de nombreux outils et acteurs (CNRS, DRIAS, Météo-France, HCC, etc.) sont à la disposition de l’Etat pour anticiper les conséquences des scénarios et donc mesurer quelles seraient les mesures les plus pertinentes : l’expertise ne manque pas.

Or, chaque année d’inaction rend plus difficile notre transition vers une société résiliente. Ni le budget pour l’année 2024, ni les politiques d’adaptation, dont le principal instrument est le plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC), ne permettent pour l’instant d’atteindre les objectifs fixés en matière d’adaptation.

Le PNACC, c’est quoi ?

Depuis 2011, la France s’est dotée d’un PNACC ou Plan National d’Adaptation au Changement Climatique, qui vise à présenter des mesures concrètes pour limiter les effets négatifs du dérèglement climatique en France. Une deuxième version du PNACC a été publiée en 2018. Cette deuxième version était largement insuffisante, marquée par la quasi absence de mesures concrètes et le manque cruel d’ambition et de coordination. Le gouvernement devrait présenter à l’été 2024, la troisième version du PNACC qui présentera un plan d’action pour les 5 prochaines années.

Les attentes d’Oxfam pour le prochain PNACC

Jusqu’à présent, les deux premiers PNACC présentés par le gouvernement ont été un ensemble de mesures, parcellaires, peu ambitieuses et pas toujours cohérentes. Le gouvernement doit bientôt présenter la nouvelle version du Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC). Voici les attentes d’Oxfam pour une adaptation juste et efficace :

  • Des moyens humains et financiers à la hauteur de l’enjeu à différentes échelles et notamment à l’échelle des collectivités.
  • Une approche globale et coordonnée de toutes les politiques publiques afin qu’elles contribuent à l’adaptation, ou à défaut qu’elles n’aggravent pas la vulnérabilité au changement climatique.
  • La mise en place rapide de mesures « sans regret » (végétalisation, isolation du bâti existant, etc.) pour lutter efficacement contre le changement climatique, quel que soit le scénario de réchauffement envisagé.
  • Une prise en compte systématique et transverse de la question des inégalités pour ne laisser personne sur le bord de la route.
  • Doter le plan national d’adaptation d‘une réelle valeur juridique afin de légitimer son application et de permettre l’évaluation contraignante des objectifs et des moyens pour y parvenir, comme c’est le cas pour la stratégie nationale bas carbone.