Réponse de la BNP Paribas à notre rapport « Les banques françaises spéculent-elles toujours sur la faim ? »

A l’occasion du lancement de la campagne Banques : la faim leur profite bien, en février 2013, Oxfam France a été amenée à entamer un dialogue avec les principales banques françaises. Le dialogue s’est poursuivi dans la durée, et de nouvelles rencontres ont pu avoir lieu avant la sortie du rapport « Les banques françaises spéculent-elles toujours sur la faim ? ».

A la veille du lancement du rapport, Madame Laurence Pessez, Déléguée à la Responsabilité sociale et Environnementale de la BNP Paribas, a adressé un courrier officiel à Oxfam France. A sa demande, nous publions cette réponse sur notre site (en téléchargement en bas de cet article).

Plusieurs éléments intéressants sont à noter dans cette réponse, et auxquels nous souhaitons apporter des éclairages complémentaires :

  • La BNP Paribas reproche à Oxfam France de publier le montant total des fonds indexés sur les matières premières agricoles qu’elle propose à ses clients, et non le montant réel des expositions directes aux matières premières agricoles. La raison est simple : l’opacité sur ce type de fonds est la règle, et la BNP Paribas a refusé de nous fournir les informations qui auraient pu nous permettre de calculer précisément le taux d’exposition de ces fonds aux matières premières agricoles. D’autres banques, comme la Société Générale, se sont pourtant prêtées à l’exercice. Quand les banques nous donnent les informations nécessaires pour pouvoir affiner nos calculs, nous diffusons des chiffres précis. Quand elles refusent de la faire, nous ne publions que les chiffres qui sont à notre disposition.
  • La BNP Paribas explique que cette opacité dénoncée par Oxfam France n’existe pas, puisque toute la gamme des fonds du groupe serait disponible sur le site internet de la banque. Pourtant, la composition des portefeuilles n’est pas accessible en ligne à quiconque souhaiterait obtenir des informations, et c’est le seul élément qui permette de calculer l’exposition des fonds aux matières premières agricoles. En outre, rappelons que les chercheurs indépendants de Profundo avaient été dans l’incapacité, lors de leurs premières recherches pour Oxfam France en 2013, de repérer au moins trois fonds spéculatifs gérés par la BNP Paribas. L’opacité de ces activités spéculatives sur les matières premières agricoles est donc toujours bel et bien de mise.
  • La BNP Paribas nous explique que les montants exposés aux matières premières agricoles ne représentent que 0.04% du montant total des actifs sous gestion du groupe. Raison de plus pour cesser immédiatement de promouvoir ces activités spéculatives ! Si les montants sont marginaux pour la banque, mais ont un impact négatif sur le droit à l’alimentation des populations vulnérables, pourquoi continuer à spéculer sur les matières premières agricoles ?
  • La BNP Paribas explique qu’elle vend à ses clients des produits financiers leur permettant d’investir sur le long terme. L’horizon de placement recommandé est de 5 ans, et les frais d’entrée décourageraient les clients à vendre et à racheter rapidement leurs parts. Nous ne pouvons que nous féliciter de constater que le BNP Paribas n’incite pas ses clients à spéculer eux-mêmes sur le court terme. De fait ce n’est pas nécessaire, puisque les gestionnaires de ces fonds s’en chargent pour eux – c’est dans la nature même de ces produits. Même investis sur 5 ans, les montants investis dans ces fonds, indépendamment de la durée du placement, permettent en effet une activité de spéculation constante sur les denrées agricoles. C’est cette activité qui est un facteur de volatilité et explique que ces fonds participent à la hausse des prix alimentaires sur le long terme.
  • La BNP Paribas explique également que l’exposition au secteur agricole de ses fonds matières premières est systématiquement inférieure à 35%. Oxfam France se félicite que la BNP Paribas aie adopté des normes internes sur cette question sensible. Néanmoins, cela ne suffit pas. Pour que cette mesure permette réellement de limiter la spéculation sur les matières premières agricoles, il faudrait également imposer un plafond sur le montant total des fonds, qui peuvent représenter plusieurs centaines de millions d’euros !

La BNP Paribas reste un acteur financier majeur sur les marchés agricoles et alimentaire, et Oxfam France lui demande d’assumer ses responsabilités et de se montrer exemplaire, en fermant l’intégralité de ses fonds indexés, même partiellement, sur le cours des matières premières agricoles. La BNP Paribas, doit, en outre, s’engager à ne plus ouvrir à l’avenir de nouveaux fonds exposés aux matières premières agricoles. Ces engagements doivent être intégrés dans sa politique sectorielle agricole.