Tirer les leçons du coronavirus dans la politique de développement française

La crise du coronavirus a mis en lumière les inégalités mondiales à l’œuvre tout en les exacerbant. A l’occasion de la révision de la loi sur le développement international attendue cet automne, Oxfam France publie un document d’analyse de la politique de développement française et de recommandations pour que le combat contre les inégalités dans le monde y devienne un axe prioritaire.

La crise du coronavirus : une vulnérabilité accrue dans un monde inégalitaire

Dans un monde où plus de la moitié de la population mondiale n’a accès ni aux services de santé les plus essentiels, ni à des sources sûres en eau potable, ni à une protection sociale adéquate, les risques que fait peser la crise du coronavirus sur les populations les plus vulnérables, dont les femmes et les filles, sont énormes. Un demi-milliard de personnes risquent de basculer dans la pauvreté, consacrant ainsi un retour en arrière dramatique par rapport aux progrès des dernières décennies. Le Fonds mondial a d’ores et déjà alerté sur le fait qu’en l’absence actions urgentes, le nombre de décès liés au sida, à la tuberculose et au paludisme, doublerait dans les douze prochains mois. La faim s’aggrave dans le monde, près de 12 000 personnes pourraient en mourir chaque jour d’ici fin 2020.

Face à une crise sans précédent, la solidarité internationale a un rôle décisif à jouer dans la réponse à l’urgence comme dans la refondation d’un système d’aide permettant de construire des sociétés plus égalitaires et résilientes. La France, en tant que l’un des principaux bailleurs internationaux, a toute sa part à prendre dans ce processus. A ce titre, la future loi d’orientation et de programmation (LOP) sur le développement et la lutte contre les inégalités mondiales, annonce de campagne du président de la République mais repoussée depuis le début du quinquennat, constitue une opportunité décisive pour la France de respecter ses engagements et d’améliorer la qualité de son aide en vue de la réduction des inégalités mondiales.

Les dix règles d’or pour une aide au développement au service des inégalités

Dans le cadre des discussions entourant cette future loi, Oxfam a décrypté l’aide française au prisme de 10 règles d’or dont la mise en œuvre permettrait  de mettre l’aide au développement véritablement au service de la lutte contre les inégalités.

 

Les demandes clés d’Oxfam pour une loi sur le développement répondant aux défis des inégalités

Sur la base de ces 10 règles d’or, ont été formulées un ensemble de recommandations répondant aux exigences d’augmentation de l’aide, d’amélioration de sa qualité et de sa non-instrumentalisation au service d’intérêts nationaux, seules conditions permettant l’avènement d’une aide à fort impact positif sur les inégalités.

  • La France doit enfin rejoindre le « Club des 0.7 » : la France doit définir une trajectoire de l’aide permettant de mobiliser 0,7% de la richesse nationale en faveurs des pays du Sud dès 2022, tout en pérennisant et détaillant cette cible jusqu’en 2025 ;
  • Inscrire la réduction des inégalités, la lutte contre la pauvreté et la lutte contre le changement climatique comme les objectifs contraignants de la politique de développement de la France ;
  • Adopter une approche féministe de l’aide française: Oxfam demande qu’à l’occasion de la future LOP sur les inégalités mondiales la France adopte une APD féministe et fixe une cible d’au moins 85% de l’aide intégrant le genre (marqueurs 1 et 2 de l’OCDE) ;
  • Prioriser politiquement et financièrement l’aide vers les secteurs à fort impact sur la réduction des inégalités que sont la santé, l’éducation et la protection sociale, notamment en établissant une cible quantitative d’au moins 50% de l’APD totale orientée vers ces secteurs sociaux ;
  • Augmenter l’aide vers le renforcement de systèmes fiscaux justes dans les pays en développement pour un financement durable des services publics en favorisant notamment la mobilisation des ressources intérieures et l’établissement de règles fiscales internationales justes ;
  • Rééquilibrer les engagements financiers de l’aide vers les pays les plus pauvres : la France doit acter dans la future LOP sur les inégalités mondiales qu’au moins 50% de son aide au développement est à destination des pays les moins avancés ;
  • Faire du renforcement du contrat social entre citoyen-ne-s et Etats un objectif de la politique de développement française : Oxfam demande que la part d’APD bilatérale française transitant par les ONG double (environ 7,5%) d’ici 2022 ;
  • Réaffirmer les principes d’efficacité de l’aide notamment en privilégiant l’aide sous forme d’appui budgétaire qui permet de respecter au mieux le principe d’appropriation de l’aide par les pays récipiendaires ;
  • S’opposer à l’aide qui contribue à la privatisation des services essentiels tels que la santé et l’éducation en opposant des garde-fous face au rôle croissant du secteur privé ;
  • Ne pas détourner l’aide pour servir des objectifs politiques et commerciaux, notamment pour en faire un levier du dialogue sur les enjeux migratoires ;
  • Ne pas contribuer au renforcement du risque de surendettement des pays en développement en rééquilibrant notamment le ratio prêt/dons de son aide et en jouant un rôle moteur au niveau international en faveur de l’annulation et de la restructuration des dettes.

Il faut désormais sans plus attendre adopter la future LOP sur les inégalités mondiales pour établir les conditions d’une aide au développement française à fort impact sur la réduction des inégalités mondiales.

Retrouvez l’intégralité du document d’analyse et de recommandations « AIDE AU DEVELOPPEMENT ET INEGALITES – Tirer les leçons de la crise du Coronavirus dans la politique de développement française » ici.