Le « Sommet pour un Nouveau Pacte Financier » : un résultat très loin des besoins

Les 22 et 23 juin 2023 ont eu lieu un Sommet pour un « Nouveau Pacte Financier » Mondial à Paris. Par cette initiative, Emmanuel Macron souhaitait répondre entre autres à Mia Mottley, Première ministre de la Barbade, qui avait exhorté les pays riches à transformer radicalement le financement du développement pour aider les pays du Sud à faire face à la crise climatique. Le Sommet devait donc permettre de discuter de solutions innovantes et structurelles pour financer des enjeux allant de l’adaptation et l’atténuation face au changement climatique, à la lutte contre la pauvreté ou encore la réduction du surendettement qui étouffe de nombreux pays du Sud. Oxfam dénonce l’échec de ce sommet, conséquence du manque de volonté indécent des pays riches de redistribuer leur richesse et leur pouvoir en faveur des populations les plus pauvres de la planète.

Un sommet qui n’aura pas permis le « choc de financements » annoncé  

En avril 2023, une analyse d’Oxfam a révélé que les pays à revenu faible et moyen sont confrontés à un besoin abyssal de 27 000 milliards de dollars – culminant à environ 3 900 milliards de dollars par an jusqu’en 2030 – lorsqu’il s’agit de répondre aux besoins en matière de dépenses climatiques et sociales.

Dans ce contexte, Oxfam France et d’autres associations engagées pour la justice climatique avaient appelé les leaders politiques présents à taxer les super-pollueurs : les entreprises du pétrole, du gaz et du charbon qui condamnent la planète tout en continuant à s’enrichir, mais aussi les ultra-riches, aux modes de vie et investissements extrêmement polluants, ainsi que les superprofits indécents des grandes entreprises.

Un grand nombre de propositions de financements innovants avait été mis sur la table, et les enjeux de financements climatiques étaient au cœur du Sommet. La possibilité de taxes internationales sur les transactions financières, sur les billets d’avion (comme c’est le cas en France depuis 2008) ou sur les transports maritimes ont d’ailleurs été évoquées par les organisateurs du Sommet. Aucune de ces propositions n’a avancé.

Fati N’zi-Hassane, directrice d’Oxfam en Afrique : « Nous ne pouvons pas maintenir un système qui protège l’extravagance et les excès des plus riches au détriment de la vie des plus pauvres. Nous devons mettre fin à un système qui remplit les poches des milliardaires et des grandes entreprises tout en vidant les budgets publics des pays les plus pauvres, les laissant dans l’incapacité de financer les services publics ou de lutter contre les effets du changement climatique ».

Dans le même temps, les pays riches n’ont décidé d’aucun effort supplémentaire pour soutenir les populations les plus vulnérables de la planète. Pourtant, depuis 1970, les Nations unies ont adopté une résolution demandant aux pays riches de consacrer tous les ans 0,7% de leur revenu national brut à l’aide publique au développement. Mais ces derniers sont très loin d’avoir honoré leurs engagements, avec un déficit accumulé de 6 500 milliards de dollars par rapport à ce qu’ils auraient dû verser.

Le sommet a donc échoué à apporter une réponse à la hauteur des besoins colossaux des pays du Sud pour faire face au changement climatique et fournir à leurs populations des services essentiels comme la santé. Par exemple, 62 pays dépensent plus pour assurer le service de leur dette extérieure (somme que l’emprunteur doit payer chaque année pour honorer sa dette) que pour leur système de santé. Il y a dix ans, ce chiffre était de 34. Dans le cas des six pays sahéliens francophones, le remboursement annuel de leurs dettes est équivalent à 140 % des sommes allouées à leurs budgets de santé.

La dette au cœur des discussions mais absente des décisions 

Dans cette optique, il n’y a eu aucune discussion sur une résolution globale des problèmes de surendettement des pays en développement. Les ONG ont pourtant appelé en amont les créanciers extérieurs, y compris les prêteurs privés et les prêteurs multilatéraux, à annuler massivement les dettes actuelles pour tous les pays qui en font la demande, y compris les pays à revenu intermédiaire, afin de ramener ces dettes à un niveau qui permette de satisfaire les droits et les besoins fondamentaux. Le sommet fut l’occasion également d’appel politique allant en ce sens. Le président Tchadien Mahamat Idriss Deby a pourtant été très clair : « Je demande la suppression pure et simple de la dette des pays africains pour compenser les dégâts causés par les effets du changement climatique et alléger le fardeau sur les pays africains ».

Malgré cette mobilisation, aucune solution globale n’a été proposée. Seul le cas de la Zambie a avancé. Les pays créanciers de la Zambie (notamment la Chine) ont accepté de restructurer 6,3 milliards de dollars de dette (soit environ 5,8 milliards d’euros), plus de deux ans après le défaut de paiement du pays. Le pays tout entier reste dans l’incertitude, l’accord obtenu restant très insuffisant avec une simple grâce de 3 ans sur les intérêts, l’extension des échéances mais une possible remontée des taux d’intérêt à l’avenir. Aucune annulation n’a été envisagée et surtout les créanciers privés ne se sont toujours pas joints à cet effort.

L’agence de notation Fitch Ratings, elle-même, a précisé « Un traitement de la dette auprès de créanciers privés demeure indispensable pour que la Zambie puisse sortir de sa situation actuelle de défaut de paiement ».

Seul point positif sur cet enjeu, la Banque mondiale, comme d’autres créanciers dont la France, a par exemple fait part de son intention d’intégrer à ses accords avec les pays les plus vulnérables une nouvelle clause de suspension du paiement de la dette en cas de catastrophe naturelle. Il s’agit d’une proposition positive, mais qui n’aurait qu’un impact limité sur les difficultés financières des pays les plus pauvres. Les clauses relatives aux catastrophes ne réduiraient pas la valeur nette des dettes, ce qui signifie que le pays endetté devrait rattraper ses remboursements peu de temps après. Elles ne contribuent en rien à combler les énormes déficits de financement dans les pays à revenu faible ou intermédiaire.

Un recyclage de vieilles promesses et un recours excessif au secteur privé

Face aux 27 000 milliards de dollars nécessaires aux pays à revenus faibles et moyens d’ici à 2030 pour répondre aux besoins en matière de dépenses climatiques et sociales, les 100 milliards de dollars par an promis depuis la COP15 de Copenhague en 2009, et qui devraient finalement être réunis cette année, sont très loin d’être suffisants. Un constat d’autant plus préoccupant que les pays les plus pauvres sont également confrontés aux effets les plus dramatiques du changement climatique alors qu’ils en sont les moins responsables. Rien qu’en Éthiopie, au Kenya, en Somalie et au Sud-Soudan, il est estimé qu’une personne meurt de faim toutes les 28 secondes environ, en grande partie parce que la région connaît la pire sécheresse de son histoire.

De même, l’annonce de la réallocation par les pays riches de l’équivalent de 100 milliards de dollars de droits de tirages spéciaux à destination du Sud n’est que la confirmation d’un engagement pris en 2021, à l’époque pour faire face à la pandémie…

Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France : « Alors que la richesse des ultra-riches explose, les vies et les moyens de subsistance des populations les plus pauvres du monde sont mis à mal par un enchaînement de crises. Ils avaient besoin que ce sommet permette de dégager des milliers de milliards de dollars. Ce qu’ils ont obtenu, c’est un recyclage de vieilles promesses non tenues et la perspective de nouveaux prêts qui pousseront les nations les plus pauvres vers un endettement désastreux. Ce sommet n’a rien fait pour les deux milliards de personnes – représentant un quart de l’humanité – qui vivent dans des pays qui ne peuvent pas se permettre de s’endetter davantage »

Oxfam regrette également le manque de représentativité lors de ce sommet – ayant été essentiellement façonné par des acteurs des pays du Nord et des institutions financières internationales – ainsi que le rôle excessif accordé au secteur privé. Une fois de plus, les pays riches se dispensent de leurs responsabilités et laissent le secteur privé s’en charger.

En conclusion de ce sommet, Emmanuel Macron a proposé un mécanisme de suivi en annonçant également l’organisation dans « deux ans », juste avant la COP25 prévue en Amazonie, d’une nouvelle rencontre avec tous les acteurs présents en juin 2023. Dans ce contexte Oxfam continuera de travailler pour que la communauté internationale prenne enfin des décisions ambitieuses pour permettre au pays en développement de faire face à leurs besoins de développement mais aussi aux changements climatiques.

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