Une économie centrée sur l’humain pour lutter contre les inégalités en Afrique

Alors que les leaders africains sont réunis cette semaine à Durban, au Forum Economique Mondial sur l’Afrique, pour parler de « croissance inclusive », Oxfam révèle dans son nouveau rapport « Starting with people », que les inégalités en Afrique sont encore plus élevées qu’on ne le croyait, malgré les décennies de croissance économique qui ont caractérisé le continent.

Aujourd’hui, 7 des 20 des pays avec le niveau d’inégalités le plus élevé sont africains. En tête le Swaziland, pays le plus inégal au monde, suivi du Nigéria, de l’Afrique du Sud – où seulement 3 milliardaires possèdent autant que la moitié la plus pauvre de la population du pays, soit environ 28 millions de personnes – et de la Namibie.

Ces chiffres éloquents nous montrent que les fruits de la croissance économique dont a bénéficié le continent africain dans les 20 dernières années sont loin d’avoir été équitablement répartis. Au contraire, ils ont principalement bénéficié aux tranches les plus aisées de la population, laissant de côté le plus grand nombre et creusant toujours plus les inégalités. En conséquence, la pauvreté a reculé plus lentement en Afrique que dans n’importe quelle autre région du monde. Selon les prévisions, dans 15 ans, environ 300 millions de personnes supplémentaires pourraient se retrouver sous le seuil d’extrême pauvreté.

Des solutions existent pour mettre fin aux inégalités

L’enjeu auquel les leaders africains doivent répondre est considérable. Pour éradiquer la pauvreté et parvenir à une réelle « croissance inclusive » en Afrique, il est indispensable de s’attaquer aux inégalités économiques et sociales et briser ce cercle vicieux. Les inégalités ne sont pas inévitables, mais elles découlent de choix politiques et économiques précis. Il est possible de mettre un terme aux inégalités, à travers une économie centrée sur l’humain qui profite à tous, pas seulement à une infime minorité. Des mesures concrètes existent et sont à portée de main des décideurs :

– La lutte contre l’évasion fiscale et contre la course à la concurrence fiscale entre Etats.

Les pays africains perdent chaque année des milliards de dollars en raison de la fraude et de l’évasion fiscale des grandes entreprises, mais aussi en raison des incitations fiscales fournies par les gouvernements pour les attirer sur leur territoire. Au Kenya, ces mesures privent le pays d’environ 1,1 milliard de dollars par an, soit près du double du budget national de la santé. Ce sont les citoyens, en particulier les plus pauvres, qui en paient le prix, avec l’augmentation des impôts sur le revenu et la réduction de services essentiels, comme la santé et l’éducation. Les gouvernements du monde entier doivent collaborer pour mettre fin à cette course à la concurrence fiscale et s’assurer que les entreprises payent leur juste part d’impôts.

– La promotion de modèles économiques plus solidaires

Basés sur un partage équitable des bénéfices avec les employés et la communauté dans son ensemble, les modèles économiques tels que les coopératives ou les entreprises sociales représentent une solution pour faire face à la pression croissante exercée sur les salaires dans le monde entier et à un partage toujours plus inégal de la valeur ajoutée. Dans le secteur du cacao par exemple, dans les années 1980 les producteurs recevaient 16% de la valeur d’une barre chocolatée, contre seulement 6 % aujourd’hui. Au contraire, les coopératives de cacao, comme Divine Chocolate, détenue à 44% par les producteurs, investissent dans les communautés locales et rémunèrent justement les producteurs.

– Le soutien aux agriculteurs et aux producteurs locaux

Alors que plus de la moitié de la population active en Afrique travaille dans le domaine agricole, notamment dans les petites exploitations familiales, le continent importe un tiers des produits alimentaires transformés et des boissons, beaucoup plus que l’Asie et l’Amérique Latine. Investir pour soutenir ces exploitations agricoles et les petits producteurs locaux permettrait de faire face à la croissante demande alimentaire provenant des centres urbains et de créer ainsi un cercle vertueux.

Ce dont l’Afrique a besoin, comme le souligne Winnie Byanyima, directrice générale d’Oxfam International, c’est d’ « une nouvelle économie qui crée des emplois plutôt que de se limiter à accroitre le PIB, une économie qui promeuve les entreprises qui enrichissent la société et non seulement les actionnaires, une économie qui soutienne les services essentiels comme la santé et l’éducation, et qui soit fondée sur un système fiscal juste, où chacun paie sa juste part d’impôts ».