Sommet des Nations Unies sur les Systèmes Alimentaires : une fausse bonne solution

Du 25 au 28 juillet 2021, les organisations de la société civile et des peuples autochtones organisent une contre-mobilisation mondiale pour protester contre le pré-sommet des Nations unies sur les systèmes alimentaires. Pourquoi les organisations de la société civile (associations, ONG, sydicats, etc.) sont-ils vent debout face à ce sommet onusien ? explications.

Une bonne intention pour lutter contre la faim dans le monde

Le 16 octobre 2019, lors de la journée mondiale de l’alimentation, le secrétaire général des Nations Unies a annoncé la tenue d’un Sommet des Nations Unies sur les Systèmes Alimentaires. Replacer les  enjeux de nos systèmes agricoles et alimentaires en haut de l’agenda politique était à l’origine bienvenu face au constat catastrophique de l’augmentation constante de la faim dans le monde. En effet nos systèmes agricoles et alimentaire créé et alimentent des inégalités, sociales mais aussi environnementales, puisque les plus petits producteur.trices sont à la fois les moins responsables de la crise climatique mais aussi celles et ceux en première ligne des catastrophes climatiques.

Malheureusement, dès son origine le sommet a été au centre des inquiétudes de la société civile (associations, ONG, collectifs citoyens…), son organisation étant très discutable à de nombreux niveaux. Explications.

Une gouvernance controversée désavantageant états, peuples et producteur.trice.s 

Ce sommet, à la différence de nombreux autres sommets des Nations Unies, dont les précédents sommets de l’alimentation de mondiaux de 1996 et de 2009 n’est pas porté par les Etats Membres des Nations Unies, qui n’ont jamais été réellement consultés. Alors que le Sommet est affiché comme « un sommet des peuples », les Etats sont ici au même rang que les autres parties prenantes, notamment les entreprises multinationales. Ainsi, l’envoyée spéciale des Nations Unies pour le sommet est Agnès Kalibata, présidente de l’Alliance pour une Révolution Verte en Afrique (AGRA), fondée en 2006 par les fondations Rockefeller et la fondation Gates. Cette organisation a pour but de transformer l’agriculture africaine vers des solutions technologiques avec une prédominance des intrants chimiques et un biais fort vers les biotechnologies.

Remettre en cause le cadre de gouvernance multilatéral, qui place habituellement les Etat au centre des négociations, est dangereux : ce cadre permet de garantir la représentativité des parties concernées dans les discussions et permet aux plus petits Etats, souvent au centre des enjeux alimentaires d’être mieux intégré dans les négociations.

Il existe déjà une plateforme multilatérale pour discuter de ces enjeux : Le Comité mondial pour la Sécurité Alimentaire (CSA) est la plateforme multilatérale la plus importante et inclusive au monde concernant les politiques alimentaires.

Le CSA organe des Nations Unies, créé en 1974, a été réformé après la crise alimentaire de 2007-2008 pour devenir la principale plateforme internationale et intergouvernementale inclusive permettant à toutes les parties prenantes de travailler ensemble pour assurer la sécurité alimentaire et la nutrition pour tous. Il a été réformé en 2009 afin de garantir que toutes les voix notamment celles de la société civile, soient entendues dans le débat mondial sur la sécurité alimentaire et la nutrition. Oxfam estime que le CSA doit avoir un rôle central à jouer dans la réponse politique mondiale à la crise alimentaire et dans la transformation à long terme vers un système alimentaire juste et durable. Le CSA a mis en place un Mécanisme de la société civile (MSC) qui joue un rôle clé en veillant à ce que la société civile, des mouvements paysans aux ONG, aient une voix forte au sein du Comité. Oxfam a participé activement au CSA depuis la crise alimentaire de 2007-2008 et soutient fermement le MSC pour faire entendre la voix des personnes marginalisées dans les systèmes alimentaires.

La place préoccupante des entreprises multinationales dans le sommet

En plus de cette gouvernance non-transparente, les grandes entreprises agroalimentaires se voient accorder un espace important sans garde-fou. Aucun mécanisme de protection  contre les conflits d’intérêt ou aucune structure de redevabilité n’est en place pour assurer la transparence et la clarté sur la manière dont les décisions sont prises, en fonction de quels intérêts. Le risque de capture politique par certains acteurs dominants du secteur privé dans le processus de l’UNFSS est donc réel et pourrait conduire à la promotion d’une consolidation accrue d’un modèle industriel de production agricole qui ne parvient pas à réaliser le droit à une alimentation adéquate et à atténuer les inégalités et les risques environnementaux.

Un changement de modèle impossible

Dans ce cadre, difficile d’espérer un changement de paradigme pourtant nécessaire à la transition de nos systèmes agricoles et alimentaires vers un modèle plus juste, plus égalitaire et soutenable pour la planète. La place de l’agroécologie dans cette transition est minime sous le poids donné aux solutions productivistes.

La majorité des 1200 « solutions qui change la donne » reçues par les organisateurs du sommet est bien éloignée des principes de l’agroécologie qui sont pourtant une solutions crédible et documentée pour  concilier les enjeux environnementaux et sociaux d’une transition de nos systèmes agricoles et alimentaires.

La société civile écartée

Afin d’illustrer les failles du sommet dans l’inclusion de la société civile à la table des discussions,  le rapporteur du droit à l’alimentation des Nations Unies Mikael Fakhri, utilise la métaphore suivante :

« Vous êtes invités à la table, certes, mais vous êtes les derniers invités, on vous dit à côté de qui vous asseoir et on vous impose le menu ! ».

En effet les organisateurs du sommet n’ont pas laissé la possibilité à la société civile de s’auto-organiser, notamment via le mécanisme de la société civile auprès du CSA. Seulement quelques grosses organisations ont été contactées, mais de nombreuses organisations de producteurs et productrices ont ainsi été délaissés. De nombreuses lettres ouvertes largement signées par la société civile ont été envoyées aux organisateurs, sans réponse satisfaisante.

Face à ces manquements, la société civile a décidé de s’organiser de son côté : elles organisent une contre-mobilisation mondiale pour protester contre le pré-sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires, du 25 au 28 juillet 2021.

Cette mobilisation est ouverte à toutes et tous, individuels et organisations de la société civile se sentant concerné.e.s par les enjeux globaux de nos systèmes agricoles et alimentaires, voulant protester contre ce sommet.

 

 

Ensemble, faisons entendre le droit des peuples à un système agricole et alimentaire vertueux, respectueux des humains et de l’environnement.