L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) publie aujourd’hui les chiffres préliminaires du montant de l’Aide Publique au Développement (APD). Au niveau mondial, l’Aide Publique au Développement stagne (très légère hausse de 1,8%), à 223,7 milliards de dollars. Dans le même temps l’aide Française baisse drastiquement de 11%, atteignant les 15,4 milliards de dollars et 0,50% de sa richesse nationale brute, alors que cette publication intervient moins d’un mois après l’annonce de coupes de l’aide sans précédent par le gouvernement, à hauteur de 742 millions d’euros.

Louis-Nicolas JANDEAUX, expert Financement du développement d’Oxfam France, a réagi à cette publication :

« Ces dernières années, l’Aide Publique au Développement française connaissait une trajectoire à la hausse que nous avons régulièrement saluée. Or, depuis l’an dernier nous observons un désinvestissement terrible pour notre solidarité internationale et 2024 sera donc une année de plus dans ce grand renoncement. Un retour en arrière tragique. Pourtant en 2021, le gouvernement d’Emmanuel Macron, après la mobilisation de la société civile, avait inscrit dans la loi l’ambition de porter notre coopération internationale à 0,7% de notre Revenu National Brut d’ici 2025.»

Ce désinvestissement de la France intervient à un moment où les crises se multiplient et les besoins humanitaires explosent. Au Sahel, un quart de la population a besoin d’une aide humanitaire soit près de 24 millions de personnes. La Corne de l’Afrique connait l’une des pires sécheresses de son histoire où plus de 37 millions de personnes ont besoin d’assistance en eau. La France semblait pourtant avoir pris conscience de ces enjeux en adoptant sa nouvelle stratégie humanitaire pour 2024-2027 ou bien en organisant une conférence humanitaire pour le Soudan le 15 avril prochain.

« Cette coupe budgétaire est intervenue moins de 3 mois après que la France ait adopté sa nouvelle stratégie humanitaire où elle annonçait doubler son aide humanitaire. Cette dissonance entre les textes adoptés et les actes illustre le double discours français au sujet de solidarité internationale où des considérations purement mathématiques l’emportent sur notre sens de l’humanité. Derrière ces chiffres, ce sont des vies que nous sacrifions. Le montant de cette coupe budgétaire est équivalent aux besoins alimentaires pour toute l’année 2024 d’un demi-million de foyer en Afrique de l’Est victime de la crise de la faim, soit environ 3 millions de personnes. » ajoute Louis-Nicolas Jandeaux

« Ces économies faites sur l’APD sont présentées par le gouvernement comme une fatalité face à des difficultés économiques. Non, cette coupe budgétaire est le résultat d’un choix politique. Nous faisons le choix de réduire notre contribution à la solidarité internationale alors que c’est cette même aide qui soutient les populations victimes des conflits en Ukraine ou à Gaza par exemple. Il faudra se souvenir que lorsque les besoins humanitaires explosaient, la France brandissait son taux de croissance pour justifier son inhumanité. Et pourtant des solutions existent, une taxe de 5% sur la fortune des milliardaires et multimillionnaires de l’ensemble des pays les plus riches de la planète permettrait de financer le triple des objectifs d’APD de ces mêmes pays.» conclu Louis-Nicolas Jandeaux

Contact :

Louis-Nicolas Jandeaux – Responsable de campagne et plaidoyer Humanitaire et Financement du Développement
lnjandeaux@oxfamfrance.org
06 49 15 58 60 / @JandeauxL

Notes aux rédaction :

Le montant des APD des pays membres du CAD (les Etats riches donneurs d’aide) s’est élevé à 223 milliards dollars en 2023. Les membres du CAD ont en moyenne consacré 0,37 % de leur richesse nationale brut (RNB) au financement de l’aide, ce qui représente une hausse par rapport au 0,36 % alloué à l’aide en 2022. Ce pourcentage est bien en deçà de l’engagement pris de longue date d’allouer 0,7 % du RNB à l’aide. En 2023, seuls le Luxembourg, la Norvège, l’Allemagne, la Suède et le Danemark ont respecté leur engagement.

L’APD à destination des pays les moins avancés (PMA) est également insuffisante puisqu’elle n’a représenté que 37 milliards USD, à peine 16,7% de l’aide totale.
Les dépenses consacrées aux « coûts des réfugiés au sein des pays donneurs », qui font des pays du CAD les bénéficiaires de leur propre aide, ont représenté 13,8 %de l’APD (31 milliards de dollars), ce qui constitue une stagnation par rapport au 14 % fournis en 2022. En France, les « coûts des réfugiés au sein des pays donneurs » représentent 8,3% de notre aide totale.

D’après les calculs d’Oxfam, un impôt annuel sur la fortune allant jusqu’à 5 % pour les multimillionnaires et les milliardaires des pays du CAD pourrait rapporter 1 230 milliards de dollars par an. Cette somme représente près du triple de l’objectif de 0,7 % d’APD/RNB, elle équivaut à environ 2 % des RNB agrégés des pays membres du CAD. Conformément à la méthodologie du CAD, Oxfam s’est basée sur les données sur le PIB provenant des bases de données de l’OCDE comme indicateur pour ses calculs, les données relatives aux RNB des pays pour 2023 n’étant pas encore disponibles.

Concernant la coupe budgétaire, Bruno Le Maire a affirmé initialement une coupe de 800 millions pour l’aide publique au développement. Le décret a par la suite précisé que 75% de la coupe allait reposer sur le ministère des Affaires étrangères, c’est-à-dire impacter le cœur de l’aide au développement française qui s’assure de soutenir les secteur de la santé, l’éducation mais aussi et surtout les budgets d’aide humanitaire. Il est donc fort probable que ces économies remettent en question la nouvelle stratégie humanitaire française.

La crise de la faim en Afrique de l’Est impacte plus particulièrement l’Ethiopie, le Kenya, la Somalie et le Soudan du Sud qui viennent d’enregistrer 6 années d’affilées de sécheresse puis des inondations records. En semptembre dernier Oxfam publiait, UNFAIR SHARE: Unequal climate finance to East Africa’s hunger crisis, un rapport qui montre que les nations les plus polluantes ne fournissent pas suffisamment de fonds climatiques et humanitaires dont les pays d’Afrique de l’Est ont besoin pour se remettre de la crise de la faim alimentée par le climat.