La députée LRM Bénédicte Peyrol a présenté ce matin en Commission des Finances de l’Assemblée nationale les conclusions de la mission d’information sur l’optimisation et l’évasion fiscales [1] dont elle est rapporteure. Pour Oxfam, la France doit rapidement traduire leurs recommandations dans la loi.

Auditionnée par cette mission au mois de mai, Oxfam France salue le travail accompli et le niveau d’ambition des mesures concernant la transparence fiscale des entreprises, mais relève le grand écart entre l’analyse portée sur les paradis fiscaux _ notamment au sein de l’Europe _ et l’absence de recommandation d’envergure pour y remédier.

Pour Manon Aubry, porte-parole d’Oxfam France :

« Le rapport comprend de nombreuses propositions ambitieuses qui permettraient de faire passer la lutte contre l’évasion fiscale à la vitesse supérieure et démontre qu’il est possible d’agir à l’échelle française contre l’évasion fiscale sans attendre nécessairement les autres pays européens : il y a maintenant urgence à les traduire en propositions législatives, dès la loi fraude fiscale examinée la semaine prochaine en séance plénière et dans le prochain projet de loi de finances présenté à l’automne.

Le rapport rappelle l’importance de mettre en place la transparence fiscale (le « Reporting Public ») qui permettrait de savoir si les multinationales paient leur juste part d’impôts et propose l’adopter en France pour les ONG et journalistes pour faire face à la précédente censure du conseil constitutionnel. C’est un premier pas à l’heure où ce dossier est en train de s’enliser au niveau européen, mais il est impératif que chaque citoyen, salarié, actionnaire puisse avoir directement accès à ce type d’information. Aussi, nous invitons la France à porter activement la proposition d’un reporting public pays par pays accessible à tous dans le cadre des négociations européennes actuelles. La France était motrice jusque-là auprès de ses partenaires européens, elle doit poursuivre ses efforts et être cohérente ! Cette mesure s’applique déjà aux banques françaises et européennes et a permis d’établir que les 20 plus grandes banques européennes réalisaient un quart de leurs bénéfices dans les paradis fiscaux.

Sur le dossier de la taxation des géants du numérique, alors que deux propositions sont sur la table des négociations, le rapport de la mission préconise de privilégier la solution de long-terme à savoir une taxation sur l’établissement stable numérique : une proposition qui montre la volonté de la France de changer en profondeur la manière dont sont imposées les entreprises du numérique.

En revanche, nous sommes très déçus par les recommandations qui concernent la liste noire des paradis fiscaux. Tout en reconnaissant explicitement le rôle joué par les paradis fiscaux européens à l’image de l’Irlande, le rapport se contente malheureusement de proposer d’accompagner ces pays vers la transition. Pourtant une mesure simple aurait consisté à réviser les critères de la liste française de paradis fiscaux pour inclure l’ensemble des pays qui offrent des avantages fiscaux dommageables. C’est d’autant plus regrettable que le projet de loi contre la fraude fiscale prévoit de lister seulement 14 pays dont la Namibie ou le Botswana mais aucun paradis fiscal notoire, une liste qui ne couvre que 0,6% des filiales du CAC 40 situées dans les paradis fiscaux ».

Contacts

Pauline Leclère
pleclere@oxfamfrance.org
07 69 17 49 63

Notes aux rédactions

[1] La mission d’information commune sur l’optimisation et l’évasion fiscales a débuté ses travaux à l’Assemblée nationale en mars 2018. Composée de sept députés de tous bords politiques, elle est présidée par M. Jean-François Parigi député LR, et a pour rapporteure Mme Bénédicte Peyrol, députée LRM. Distincte de la mission d’information commune sur la lutte contre les procédures de poursuite des infractions fiscales, lancée au début de l’année 2018, elle a pour objectif d’étudier les opérations d’optimisation et l’évasion fiscale des entreprises internationales et de formuler des propositions concrètes pour lutter contre ces pratiques.

Plus d’informations : http://www2.assemblee-nationale.fr/15/commissions-permanentes/commission-des-finances/missions-d-information/optimisation-et-evasion-fiscales/(block)/48245

Oxfam a publié le 5 septembre 2018 un rapport sur le projet de loi PACTE et le projet de Loi contre la Fraude fiscale et porte auprès des députés et au Gouvernement 5 mesures prioritaires visant à réduire les inégalités qui prennent naissance au sein des entreprises. Lire le rapport « Loi PACTE et Loi Fraude fiscale : deux opportunités d’agir pour réduire les inégalités ».

Dans le projet de loi contre la Fraude fiscale, qui sera discuté en plénière à l’Assemblée nationale les 17 et 18 septembre, Oxfam appelle les parlementaires à adopter deux mesures prioritaires :

  1. Supprimer véritablement le verrou de Bercy – le monopole du Ministère des finances en matière de poursuites pénales pour fraude fiscale – pour juger l’ensemble des cas de fraude fiscale en particulier les plus graves, dans un contexte où la part des dossiers qui dépassent 100 000€ de fraude dans les dossiers répressifs du fisc a progressé de plus de 30% en cinq ans, pendant que le nombre de poursuites judiciaires était en baisse.
  2. Revoir les critères de la liste française de paradis fiscauxpour inclure les avantages fiscaux dommageables offerts par des Etats comme le Luxembourg, l’Irlande ou les îles Caïmans. Le projet de loi contre la fraude fiscale prévoit de lister seulement 14 pays dont la Namibie ou le Botswana mais aucun paradis fiscal notoire et la liste ne couvre que 0,6% des filiales du CAC 40 situées dans les paradis fiscaux.