D’après une nouvelle enquête menée dans le cadre de la People’s Vaccine Alliance dont Oxfam est membre, les monopoles des vaccins rendent au moins 5 fois plus cher le coût des vaccins anti-Covid. La France aurait payé 4,6 milliards d’euros de plus que le coût de production des vaccins Pfizer et Moderna. Pour l’Union européenne le surcoût atteindrait les 31 milliards d’euros.

Les monopoles du vaccin creusent encore les inégalités au détriment des plus pauvres

Le coût de la vaccination dans le monde contre le Covid-19 est gonflé artificiellement d’au moins cinq fois par les sociétés pharmaceutiques profitant de leurs monopoles sur les vaccins, selon Oxfam.

Selon les calculs de la People’s Vaccine Allliance dont Oxfam est membre, les entreprises Pfizer/BioNTech et Moderna facturent aux gouvernements jusqu’à 41 milliards de dollars de plus que le coût de production estimé des vaccins anti-Covid. L’analyse des techniques de production des principaux vaccins de type ARN messager produits par Pfizer/BioNTech et Moderna suggère que le cout réel de production de ces vaccins serait en réalité de 1,20 $ la dose.

« Alors que le nombre de cas et de décès continue d’augmenter dans les pays du Sud, comme l’illustre tragiquement la situation en Tunisie, Pfizer/BioNTech et Moderna ont jusqu’à présent vendu plus de 90 % de leurs vaccins aux pays riches, facturant jusqu’à 24 fois le coût réel de production estimé », déclare Nicolas Vercken, directeur des campagnes et du plaidoyer d’Oxfam France.

« Avec ces monopoles, nous sommes tous perdant-e-s. Les laboratoires pharmaceutiques font gonfler les prix des vaccins, les pays riches accaparent la grande majorité des doses et les pays en développement n’ont, eux, pas accès aux vaccins dont ils ont tant besoin », poursuit Nicolas Vercken.


La levée des brevets sur les vaccins permettrait de sauver des millions des vies :

La semaine dernière, Pfizer/BioNTech a annoncé vouloir accorder une licence à une société sud-africaine pour le flaconnage de 100 millions de doses à destination de l’Afrique. Cela reste une goutte dans l’océan eu égard aux  besoins des pays africains où moins de 2% de la population est pleinement vaccinée. Aucune des deux sociétés n’a accepté complètement de transférer leurs technologies et leur savoir-faire aux pays en développement, capables de produire le vaccin.

Alors que certains pays riches ont commencé à redistribuer une fraction de leurs doses excédentaires et ont pris des engagements de financement, cette charité n’est pas suffisante pour résoudre les problèmes d’approvisionnement mondial en vaccins. La People’s Vaccine Alliance appelle tous les gouvernements à insister pour que la technologie des vaccins soit transférée pour permettre à tous les fabricants qualifiés du monde entier, en particulier ceux des pays en développement, de produire ces vaccins. Les gouvernements devraient également approuver de toute urgence une dérogation aux règles de propriété intellectuelle liées aux technologies Covid-19, comme proposé par l’Afrique du Sud et l’Inde.

La dérogation aux règles de propriété intellectuelle, qui a été soutenue par plus de 100 pays, dont les États-Unis et la France, est maintenant entrée dans des négociations formelles à l’Organisation mondiale du commerce qui s’est réunie à nouveau cette semaine. Mais la proposition a été bloquée à plusieurs reprises par l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Union Européenne. Pourtant, lever les barrières liées à la propriété intellectuelle et partager les savoirs pourraient augmenter considérablement l’offre mondiale de vaccins anti-Covid, casser leurs prix et sauver des millions de vies.

Malgré l’urgence, l’accès au vaccin reste un privilège des pays riches :

Jamais dans l’histoire, les gouvernements n’ont acheté autant de doses de vaccins aussi rapidement pour lutter contre une maladie. La production à grande échelle devrait faire baisser les coûts, permettant aux entreprises de facturer des prix plus bas. Pourtant, l’UE aurait payé des prix encore plus élevés pour sa deuxième commande de Pfizer/BioNTech. L’escalade dramatique des prix devrait se poursuivre en l’absence d’action gouvernementale et avec la possibilité que des injections de rappel soient nécessaires pour les années à venir. Le PDG de Pfizer a suggéré des prix futurs potentiels allant jusqu’à 175 $ la dose, soit 148 fois plus que le coût potentiel de production. Et parce que les sociétés pharmaceutiques prévoient de facturer des prix aussi élevés pour les rappels, elles continueront à vendre des doses aux pays riches au détriment de la protection de vies dans le monde.

« Pour sortir de l’impasse actuelle et éviter l’apparition, chaque mois, de variants plus contagieux les uns que les autres, nous devons vacciner au plus vite l’ensemble de la planète » alerte Nicolas Vercken. « En France, nous venons d’atteindre le seuil de 40 millions de personnes ayant reçu une première dose, c’est plus que le double de l’ensemble de la population vaccinée en Afrique ».

COVAX, le programme mis en place pour aider les pays pauvres à accéder aux vaccins contre le COVID-19, a payé, en moyenne, près de cinq fois plus cher que le prix réel de production des vaccins estimé. Ce programme a également eu du mal à obtenir suffisamment de doses en temps et en heure, en raison de l’insuffisance de l’offre et du fait que les pays riches ont accaparé la majorité des doses en payant volontairement des prix excessifs.

L’Alliance de près de 70 organisations, dont l’Alliance africaine, Oxfam et ONUSIDA, affirme que l’échec de certains pays riches à soutenir la suppression des monopoles et à faire baisser ces prix excessifs a directement contribué à la pénurie de vaccins dans les pays les plus pauvres.

Winnie Byanyima, Directrice exécutive de l’ONUSIDA, a déclaré : « Chaque jour, des agents de santé meurent en première ligne partout dans le monde. L’Ouganda à lui seul a perdu plus de cinquante agents de santé en seulement deux semaines. Un rappel de l’époque où des millions de personnes mouraient du VIH dans les pays en développement parce que les médicaments qui pouvaient les sauver étaient trop chers. »

« Je vois des vies sauvées dans les pays vaccinés, alors même que le variant Delta se propage, et je veux la même chose pour les pays en développement. Il est criminel que la majorité de l’humanité soit toujours confrontée à cette maladie cruelle sans protection parce que les monopoles pharmaceutiques et les super profits sont mis en avant. »

Contact presse :

Pour toute demande d’interview, merci de contacter Nicolas Vercken au + 33 7 87 49 59 26

Vous pouvez trouver le nouveau brief sur ce lien.


Note aux éditeurs :

  • La France aurait payé 4,6 milliards d’euros de plus que le coût de production des vaccins Pfizer et Moderna.
  • L’UE aurait payé jusqu’à 31 milliards d’euros en trop pour ses 1,96 milliard de vaccins Moderna et Pfizer/BioNTech.
  • Pfizer/BioNTech est en train de facturer 6,75 $, son prix déclaré le plus bas, à l’Union africaine. Mais ce prix représente près de 6 fois plus le coût de production potentiel estimé pour ce vaccin. Une dose de vaccin coûte le même prix que celui que l’Ouganda dépensé par citoyen pour la santé en une année entière.
  • Moderna a facturé aux pays entre 4 et 13 fois le prix de production potentiel du vaccin et aurait proposé à l’Afrique du Sud un prix entre 30 et 42 dollars la dose – près de 15 fois plus élevé que le coût de production potentiel.
  • Le Sénégal, un pays à faible revenu, a déclaré avoir payé environ 4 millions de dollars pour 200 000 doses de vaccins Sinopharm, ce qui équivaut à environ 20 dollars la dose.
  • Le prix déclaré le plus élevé payé pour les vaccins Pfizer/BioNTech a été payé par Israël à 28 $ la dose – près de 24 fois le coût de production potentiel.
  • La Colombie, qui a été durement touchée par le COVID-19, a payé le double du prix payé par les États-Unis pour les vaccins Moderna. Pour Moderna et Pfizer/BioNTech combinés, le pays aurait payé jusqu’à 375 millions de dollars de trop.
  • Le Royaume-Uni à lui seul aurait payé 1,8 milliard de livres de plus que le coût de production des vaccins Pfizer et Moderna – assez d’argent pour payer à chaque travailleur de son système de santé publique une prime de plus de 1000 livres.