Crise alimentaire – Réaction au discours de Nicolas Sarkozy à la FAO : La France doit s’attaquer aux véritables cause de la faim

{Oxfam France accueille favorablement la proposition de Partenariat mondial pour l’alimentation et l’agriculture annoncée ce matin à Rome par Nicolas Sarkozy.} Le Président de la République a appelé à une coordination des acteurs internationaux, à la création d’un groupe international d’experts sur la sécurité alimentaire et à la mobilisation des financements internationaux pour investir dans l’agriculture.

Nous saluons également l’analyse de Nicolas Sarkozy, reconnaissant l’échec de la stratégie menée par les pays riches depuis des décennies, consistant à « fournir aux pays en développement des produits alimentaires au plus bas coût sur le marché mondial » et appelant à « développer les agricultures locales ». Le président de la République a enfin qualifié « d’erreur stratégique historique » le désintéressement de l’aide de la communauté internationale en faveur de l’agriculture et annoncé que la France consacrerait 1 milliard d’euros dans les 5 prochaines années pour l’agriculture en Afrique sub-saharienne.

Une analyse bienvenue, des promesses à préciser

« Reconnaître ses erreurs – ou au moins celles de son pays – n’est pas chose courante chez les chefs d’Etat. Dans la crise actuelle dont les causes sont structurelles, ce constat fait au nom de la France à quelques mois de la présidence française de l’Union européenne est un bon point de départ et il faut le saluer », affirme Luc Lamprière, directeur général de Oxfam France.

« Cependant, la France a déjà fait un certain nombre de déclarations d’aide financière au continent africain. L’année dernière, lors du G8 en Allemagne, Nicolas Sarkozy annonçait 1 milliard d’euros pour la santé en Afrique. Depuis, nous essayons de savoir où est concrètement passé ce milliard. Dans un contexte de recul de l’aide française au développement, et de reniement des engagements pris en la matière tant à Paris qu’au niveau européen, ces nouvelles promesses ne valent que si la France est transparente sur les montants qu’elle alloue réellement aux pays en développement. »

Commerce et agrocarburants : ne pas faire l’impasse sur les responsabilités

« Pour mettre les actes en cohérence avec le discours, l’Europe doit s’attaquer aux causes structurelles de la faim. Elle doit de toute urgence revoir en profondeur ses politiques agricoles et commerciales, et reconnaître leurs responsabilités dans la crise actuelle », explique Jean-Denis Crola, en charge du programme Justice économique à Oxfam France.

« Aujourd’hui, ce sont les Accords de partenariat économique (APE) et les objectifs de consommation d’agrocarburants qui mettent le feu au poudre. Sur ce dernier point, Nicolas Sarkozy a refusé de trancher alors que tous les éléments sont là. L’OCDE estime qu’entre 2005 et 2007, 60 % de l’augmentation de la demande de céréales et d’huile alimentaire est due à la production d’agrocarburants. Leur lien avec la sécurité alimentaire est donc aujourd’hui bien établi. La France et l’Europe doivent en tirer les conséquences », ajoute-t-il.

Les objectifs de consommation d’agrocarburants proposés par l’Europe exacerbent la concurrence entre alimentation et énergie. Maïs, blé, colza, tournesol sont détournés de leur usage alimentaire pour faire le plein des moteurs, attisant la pression sur les prix et la spéculation sur les denrées alimentaires. « Plus de 200 kg de maïs sont nécessaires pour faire le plein d’un 4X4 avec de l’éthanol, de quoi nourrir une personne pendant un an ! », rappelle Jean-Denis Crola.

Les pays de l’OCDE ont dépensé 14 milliards de dollars pour soutenir leur production d’agrocarburants en 2007. C’est la somme requise selon Oxfam International pour étendre l’aide alimentaire à plus de 290 millions d'hommes, femmes et enfants menacés par la flambée des prix alimentaires actuelle.

Les Accords partenariat économique (APE) sont négociés actuellement par l’Europe avec 76 pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) – dont une majorité sont touchés par la crise alimentaire. « S’ils sont signés en l’état, ils détruiront définitivement les capacités de ces Etats à produire et à nourrir leur population », explique Jean-Denis Crola. « Ils enfermeront davantage leurs économies dans l’exportation de matières premières et limiteront la capacité des Etats à apporter les réponses efficaces face à de telles crises », poursuit-il.

41 pays ont refusé tout forme d’accord l’année dernière ; mais l’Europe, défendant ses intérêts commerciaux, continue de mettre la pression pour leur signature en 2008, malgré l’opposition des Etats et de la société civile des pays ACP.

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