Engie et le Luxembourg épinglés par la Commission européenne pour un montage d’évasion fiscale

La Commission européenne a révélé aujourd’hui qu’un accord fiscal conclu entre le Luxembourg et la société française d’énergie Engie était illégal.

Le montage d’évasion fiscale a permis à l’entreprise publique de faire chuter son taux d’imposition à 0,3 % au Luxembourg [1]. La commission a ordonné à Engie de verser les 120 millions d’euros d’impôts non payés au Luxembourg.

Pour Manon Aubry, porte-parole d’Oxfam France :

« Il est bon de voir la Commission poursuivre son combat contre l’évasion fiscale orchestrée par de grandes entreprises européennes. Lorsque ces entreprises multinationales ne paient pas leur juste part d’impôt, ce sont des millions d’euros en moins investis dans l’éducation ou la santé, des secteurs pourtant cruciaux pour réduire les inégalités. »

« Pour le moment, les investigations au cas par cas menées par la Commission européenne représentent le seul moyen de mettre en lumière ces accords fiscaux douteux passés entre les entreprises et les gouvernements européens. Cela ne suffit pas. Pour pouvoir exercer un contrôle réel, nous avons besoin de règles obligeant les grandes entreprises à rendre publiques des informations clés sur les bénéfices qu’elles réalisent et les impôts qu’elles paient dans chaque pays où elles opèrent. Malgré un accord au Parlement européen [2], les gouvernements des pays membre de l’UE sont malheureusement en train de faire obstacle à ces règles plus que jamais nécessaires pour mettre en lumière les accords douteux comme celui passé entre Engie et le Luxembourg. »

« Alors qu’Engie est détenue à un tiers par l’Etat français, cette affaire démontre la double responsabilité des Etats à la fois en tant qu’actionnaires et en tant que régulateurs. La France ne peut pas prétendre mener la lutte contre l’évasion fiscale sur la scène européenne tout en fermant les yeux sur les pratiques des entreprises dont elle est actionnaire. Cette situation illustre également une nouvelle fois le rôle joué par le Luxembourg dans les montages d’évasion fiscale des entreprises. Alors que le Parlement français s’apprête à examiner le projet de loi fraude fiscale, il est temps de faire évoluer la liste française de paradis fiscaux pour enfin y inclure les véritables paradis fiscaux comme le Luxembourg [3]. »

Contact

Caroline Prak
cprak@oxfamfrance.org / 06 31 25 94 74
Twitter : @carolineprak

Notes aux rédactions

[1] Pendant près de 10 ans, un montage financier complexe a permis à Engie de ne payer que 0,3 % d’impôts sur les bénéfices générés au Luxembourg par ses filiales Engie LNG Supply, Engie Treasury Management et Engie LNG Holding.

[2] A la suite de différents scandales d’évasion fiscale et d’une grande campagne de la société civile, la Commission européenne a proposé une directive en mai 2016 sur la transparence fiscale (le reporting pays par pays public), enrichie et votée par le Parlement européen en juillet 2017 avec néanmoins une clause d’exemption importante. Depuis, les Etats membres ne parviennent pas à trouver un accord face à la résistance de certains pays comme l’Allemagne, mettant en danger le projet de directive. Le reporting pays par pays public est une mesure de transparence qui contraint les grandes entreprises à rendre public le détail de leurs activités et de leurs impôts payés dans chaque pays où elles opèrent.

[3] La liste française de paradis fiscaux contient actuellement seulement 9 Etats dont Nairu et le Botswana mais aucun grand paradis fiscal. Le projet de loi fraude fiscale sera examiné dans les prochaines semaines par le Parlement et prévoit en l’état une simple traduction de la liste européenne de paradis fiscaux qui ne comprend que 7 Etats dont la Namibie et les Samoa mais aucun paradis fiscal notoire ni pays européen.