Étude Ademe sur les agrocarburants : la vérité est dans les annexes !

L’Ademe (Agence de l’environnement et de maîtrise de l’énergie) a publié hier soir en catimini une synthèse très édulcorée et largement tronquée du rapport qui lui a été remis en juin dernier par le bureau BioIS sur les bilans énergétiques et d'émissions de gaz à effet de serre (GES) des agrocarburants de première génération produits en France.

Cette étude « exhaustive et contradictoire » avait été demandée par le Grenelle de l’environnement fin 2008.

Selon les ONG membres du Réseau Action Climat, la synthèse présente les agrocarburants sous un jour très favorable sans préciser que les résultats obtenus en terme de réduction de GES (hors changement d’affectation des sols indirect – CASI) et bilan énergétiques sont nettement moins bons que ceux des études précédentes, sur laquelle se fondait la politique française de promotion d’agrocarburants.

Pour Diane Vandaele, chargée de mission au RAC-F, « même en sous-évaluant les dépenses énergétiques de plusieurs étapes de fabrication, ce rapport aboutit à des efficacités énergétiques et des réductions d’émissions de GES pour certaines filières très médiocres. À moins de trois mois du sommet de Copenhague sur le climat, ces nouvelles données doivent pousser la France à revoir d’urgence sa politique de promotion des agrocarburants ».

Les faibles efficacités énergétiques obtenues signifient aussi que le coût de production des agrocarburants est fortement corrélé aux coûts des énergies fossiles. La France se condamne donc à subventionner durablement les filières d’agrocarburants en détournant des fonds qui pourraient être dédiés au soutien d’énergies renouvelables réellement efficaces.

Pour Jean-Denis Crola, d’Oxfam France, la promotion des agrocarburants pour assurer la sécurité énergétique dans les pays riches entraîne une ruée vers les terres fertiles d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine, provoquant des catastrophes humaines dans les pays du Sud : « Les agrocarburants demeurent une fausse solution : en plus d'émettre beaucoup de CO2, leur développement a des conséquences catastrophiques sur les paysans des pays du Sud, qui sont expulsés de leurs terres, jusqu'ici utilisées à des fins alimentaires et détournées au profit de la production d’agrocarburants ».

Le RAC-F, qui a participé au comité technique de l'étude Ademe, déplore aussi que l’impact du CASI, c’est-à-dire la mise en culture de terres jusque-là non cultivées, ne soit simplement pas présenté dans la synthèse, alors que des chiffres précis sont disponibles dans la version complète et que ce facteur est déterminant dans le bilan gaz à effet de serre.

Pour Sébastien Godinot, des Amis de la Terre, « Si l’on intègre l’effet du changement d’affectation des sols indirect aux résultats de l’étude, le jugement est sans appel : l'huile de palme produite après avoir rasé des forêts, destinée à produire des agrocarburants ou à remplacer l'huile alimentaire de colza française détournée pour les agrocarburants, est une catastrophe climatique ! En intégrant les émissions dues à la déforestation en Indonésie, le bilan GES de l'huile de colza est le double de celui du diesel qu'il remplace Huile de colza (production en France + CASI – déforestation Indonésie) : 184 géqCO2 / MJ d'huile produite / Gasoil : 96 géqCO2 / MJ.] »

Selon l'Ademe, ce chiffre reflète une « situation maximale » L’étude évalue le CASI de la filière colza dans trois situations qu’elle qualifie de situation « maximale », « modérée » et « optimiste ». La situation « maximale » estime que la totalité de l’huile de colza détournée de son usage alimentaire est remplacée par de l’huile de palme, produite en défrichant de la forêt primaire, pour faire place à des plantations de palmier à huile.] alors que pour les ONG, elle est celle observée sur le terrain. Selon Jérôme Frignet, de Greenpeace, « le modèle industriel de l’huile de palme repose sur la conversion des forêts primaires en plantation, car la coupe des arbres anciens assure des profits importants et immédiats. Les forêts primaires marécageuses, riches en carbone contenu sur plusieurs mètres d’épaisseur de tourbe, sont particulièrement convoitées, car peu peuplées et moins exposées aux conflits sociaux, mais leur destruction entraîne des émissions considérables de C02 ».

Dans le cadre du Paquet énergie-climat, la Commission européenne doit proposer une méthodologie pour prendre en compte le CASI d’ici à 2010. La France ne peut plus ignorer les conséquences environnementales et humaines des politiques de promotion des agrocarburants et doit soutenir une prise en compte rigoureuse du changement d’affectation des sols de la production d’agrocarburant au niveau européen et international.

Notes aux rédactions

– Le Paquet énergie-climat, adopté fin 2008, impose aux nouvelles usines d'agrocarburants de réduire de 35 % minimum les émissions de GES par rapport aux carburants pétroliers. Ce seuil sera porté à 60 % en 2017. Les installations existantes ne seront soumises au seuil de 35 % qu’en 2013 et à 50% en 2017.

– Une note explicative de l’annexe portant sur le changement d’affectation des sols indirect est téléchargeable c.

Contact

Contacts presse :

-Les Amis de la Terre : aroline Pra 01 48 51 32 22 / 06 86 41 53 43

-Oxfam France : agali Rubin 01 56 98 24 45 / 06 30 46 66 04

iane Vandael (RAC-F) : 01 48 58 83 92

– Jérôme Frignet (Campagne Forêt, Greenpeace) : 06 79 93 15 30 / 01 44 64 02 30

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