La Commission européenne propose des réformes ambitieuses, la balle est désormais dans le camp des Etats.

La Commission européenne a publié aujourd’hui une feuille de route visant à s’assurer que les multinationales paient leur juste part d’impôt dans un document intitulé « Communication sur la fiscalité des entreprises au XXIe siècle ».

Alors que plus de 130 pays négocient actuellement les contours d’une réforme des règles de fiscalité des multinationales au sein de l’OCDE, cette publication montre comment l’Europe pourrait traduire en droit européen la proposition d’un impôt effectif plancher pour les multinationales mais surtout elle propose d’aller plus loin que ce qui est actuellement en discussion au niveau international en introduisant une taxation unitaire des bénéfices des multinationales.

La Commission propose en effet de taxer les bénéfices européens des entreprises là où elles ont une activité économique réelle (des ventes, des employés, des usines, des utilisateurs, etc.) plutôt que de laisser les entreprises délocaliser artificiellement leurs bénéfices dans les paradis fiscaux. Le document comporte également des pistes pour renforcer la transparence des entreprises.

La Commission doit désormais préciser les détails techniques de ces propositions. La balle sera ensuite dans le camp des Etats européens qui doivent se mettre d’accord sur ces propositions formulées.

Pour Quentin Parrinello, porte-parole de l’ONG Oxfam France : « L’ambition des propositions portées par la Commission européenne est une bonne nouvelle pour réformer en profondeur la fiscalité des multinationales, particulièrement alors que les scandales s’enchainent et montrent à quel point les règles internationales permettent trop facilement à ces entreprises d’échapper à l’impôt. Il est indispensable que les multinationales paient leur juste part d’impôt particulièrement pour financer la réponse à la crise économique et sanitaire provoquée par le coronavirus. »

« La balle est désormais entre les mains des Etats membres pour traduire les propositions de la Commission, alors que les paradis fiscaux européens risquent de tout faire pour affaiblir la proposition. La France ne pourra se permettre d’avoir une position moins ambitieuse que la Commission européenne. Or jusqu’à présent, sa position a été trop ambiguë en ne soutenant pas activement un taux d’imposition minimum de 21% comme défendu par le Président Biden aux Etats-Unis ou en utilisant des positions mensongères du Medef dans les négociations autour de la transparence fiscale. C’est l’heure de vérité. »

Contact presse

Pauline Leclère 07 69 17 49 63 pleclere@oxfamfrance.org

Note aux rédactions :

1. La commission européenne a publié aujourd’hui une « Communication sur la fiscalité des entreprises au XXIe siècle » comprenant 6 points d’attention :

    • Une proposition appelée Cadre d’imposition du revenu des entreprises européennes (CIREE ou BEFIT en anglais pour BEFIT pour Business in Europe : Framework for Income Taxation) visant à créer une base commune d’impôt sur les sociétés où les bénéfices sont répartis selon une formule tenant compte de l’activité économique réelle. Cette réforme, appelée taxation unitaire, est largement inspirée d’une autre proposition européenne nommée ACCIS (Assiette Commune Consolidée d’Impôt sur les Sociétés) ;
    • Une proposition législative visant à réviser les règles européennes pour introduire un impôt minimum effectif ;
    • Une proposition législative renforçant la transparence sur les taux d’impôts effectifs payés par les multinationales ;
    • Une proposition législative permettant de renforcer la régulation face à l’utilisation des sociétés écrans pour des raisons uniquement fiscales ;
    • Une proposition législative visant à égaliser le traitement fiscal de financement des entreprises entre dette et capitalisation ;
    • Une série de recommandations sur le traitement fiscal des pertes des entreprises dues à la crise du coronavirus

2. La Commission européenne a déjà proposé en 2011 puis en 2016 une réforme basée sur le principe de la taxation unitaire. Dénommée ACCIS, cette réforme a été bloquée par les paradis fiscaux européens.

3. Plus de 130 pays négocient actuellement au sein du Cadre Inclusif de l’OCDE une réforme de la fiscalité des multinationales répartie autour de deux piliers :
Un pilier visant à redistribuer plus équitablement les droits à taxer entre les pays: la réforme viserait à redistribuer une partie des bénéfices des multinationales aux pays de marchés (les pays où les ventes de produits et services ont lieu). La proposition de la Commission va plus loin en redistribuant l’ensemble des droits d’imposition aux pays où l’entreprise a une activité économique réelle, rendant obsolète le recours aux paradis fiscaux.
Un pilier visant à mettre en place un taux minimum effectif d’impôt payé par les multinationales, après toutes les exonérations reçues. La réforme permettrait d’appliquer une surtaxe aux entreprises payant un taux d’impôt très faible dans un pays. Alors que les négociations étaient bloquées autour d’un taux