L’Afrique escroquée de milliards de dollars par les multinationales basées dans les pays du G7

Dans son rapport « Parlons argent : l’Afrique invitée du G7 », publié aujourd’hui, Oxfam révèle qu’en 2010, la dernière année pour laquelle des données sont disponibles, des multinationales et des investisseurs basés dans les pays du G7 ont escroqué l’Afrique de 6 milliards de dollars, rien qu’en comptant les manipulations liées aux transferts de bénéfices entre filiales. Cette somme correspond à sept fois les fonds nécessaires pour combler le déficit de financement de la santé en Sierra Leone, au Liberia, en Guinée –  les trois pays touchés par l’épidémie d’Ebola.

Ce constat intervient alors que les chefs d’État et de gouvernement des sept pays les plus industrialisés s’apprêtent à rencontrer leurs homologues africains lors du sommet annuel du G7, en Allemagne. Les discussions porteront sur la façon dont le G7 peut soutenir la croissance économique et le développement durable du continent africain. Pour permettre à l’Afrique de lutter contre l’extrême pauvreté et les inégalités et de poursuivre son essor économique, il est essentiel de réformer les règles internationales concernant la fiscalité des entreprises de façon à ce que les États africains puissent réclamer les sommes qui leur sont dues.

À l’occasion du sommet du G7, Oxfam appelle les chefs d’État et de gouvernements des pays membres à se pencher sur les mesures à entreprendre pour une réforme fiscale ambitieuse. L’ONG internationale demande également aux dirigeantes et dirigeants du G7 d’assister à la Conférence sur le financement du développement en juillet, en Éthiopie, ou d’y dépêcher leur ministre des Finances. La conférence d’Addis sera déterminante pour le financement international du développement dans les vingt prochaines années, en offrant aux États une occasion de commencer à mettre en place un système fiscal international plus démocratique et plus équitable.

L’Afrique subit une hémorragie de milliards de dollars à cause des tours de passe-passe fiscaux des multinationales, dont bon nombre ont leur siège dans un pays du G7. Beaucoup d’entreprises françaises ont ainsi profité de conditions très avantageuses pour leurs activités dans les pays africains. Ce que dénonce Nicolas Vercken, Nicolas Vercken, Directeur du Plaidoyer d’Oxfam France, présent au G7 :« Areva a bénéficié pendant des décennies d’exemptions de TVA, continue de négocier ses avantages fiscaux derrière des portes fermées au Niger et refuse de rendre publics les revenus de l’uranium pour les Nigériens. La France, actionnaire d’Areva à 86 %, a ainsi une responsabilité directe dans le manque à gagner de l’Etat nigérien, qui demeure à la dernière place de l’indice de développement humain ».

En 2010, des entreprises et des investisseurs basés dans les pays du G7 ont soustrait à l’impôt 20 milliards de dollars de bénéfices réalisés en Afrique au moyen de la manipulation des prix de transfert, qui permet à une entreprise de fixer artificiellement les prix auxquels ses filiales s’échangent des biens ou services dans le but d’échapper à l’impôt. Le taux d’imposition des sociétés s’établissant en moyenne à 28 % dans les pays africains, cela correspond à un manque à gagner fiscal de près de 6 milliards de dollars.La manipulation des prix de transfert n’est que l’un des procédés mis en œuvre par les multinationales pour éviter de payer leur juste part d’impôt. Selon les évaluations de la CNUCED, les pays en développement perdent au total 100 milliards de dollars par an du fait d’une autre série de stratagèmes d’optimisation fiscale passant par les paradis fiscaux.

« Les dirigeantes et dirigeants du G7 ne doivent pas se contenter de resserrer les mailles du filet dans leur propre pays et laisser les multinationales se soustraire à leurs obligations fiscales en Afrique, ajoute Nicolas Vercken. Le G7 doit associer l’Afrique aux efforts internationaux de réforme d’un système fiscal dysfonctionnel sur un pied d’égalité. Alors seulement l’Afrique pourra-t-elle percevoir les recettes fiscales qui lui sont dues et dont elle a cruellement besoin pour vaincre l’extrême pauvreté et les inégalités. »

Les initiatives internationales en cours pour mettre un frein à l’évasion fiscale des entreprises, comme le projet BEPS de lutte contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, piloté par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à la demande du G20, laissera des failles béantes que les multinationales pourront continuer d’exploiter dans les pays en développement. Nombre de pays africains ont été exclus des discussions menées dans le cadre du processus de réforme BEPS ; ils n’en bénéficieront donc pas. « La France continue d’apporter un soutien sans faille au projet de l’OCDE et de s’opposer à une réforme fiscale plus ambitieuse et démocratique. La conférence sur le financement du développement à Addis Abeba sera une occasion unique de soutenir la mise en œuvre d’un organe intergouvernemental ouvert à tous les membres de la communauté internationale et doté des ressources adéquates, sous les auspices des Nations Unies » conclut Nicolas Vercken.

 

Contact

Caroline Prak – Oxfam France :  06 30 46 66 04 – cprak@oxfamfrance.org

Twitter : @carolineprak

 

Notes aux rédactions

Pour plus d’informations, Nicolas Vercken, directeur Plaidoyer Etudes Oxfam France sera présent au G7 du vendredi 5 juin au lundi 8 juin. Il est disponible et joignable pour des interviews :

Tél. français : 07 87 49 59 26 Tél. allemand : +49 1577 0691495.

Le sommet annuel du G7 se tiendra les 8 et 9 juin en Bavière, en Allemagne. Le 8 juin, des chefs d’État et de gouvernement africains prendront part à une séance de dialogue dans le cadre du sommet du G7 : Haile Mariam Desalegn, premier ministre de l’Éthiopie, Ellen Johnson Sirleaf, présidente du Liberia, Muhammadu Buhari, président du Nigeria, et Macky Sall, président du Sénégal.

Selon le rapport du Groupe de haut niveau sur la question des flux financiers illicites en provenance d’Afrique (http://www.uneca.org/iff), en 2010, la manipulation des prix de transfert a entraîné la fuite de 40 milliards de dollars en Afrique. Avec des taux d’imposition des sociétés tournant autour de 28 % en moyenne sur le continent africain, cela correspond à un manque à gagner fiscal de près de 11 milliards de dollars. Étant donné que les multinationales et investisseurs basés dans les pays du G7 représentent plus de la moitié des investissements étrangers directs en Afrique subsaharienne, avec un seul procédé d’évasion fiscale, ils pourraient voler aux États africains environ 6 milliards de dollars par an.

Selon les estimations, les pays en développement perdent 100 milliards de dollars par an du fait des pratiques d’optimisation fiscale : http://investmentpolicyhub.unctad.org/Upload/Documents/FDI,%20Tax%20and%20Development.pdf (en anglais)

Ce communiqué a été produit avec le soutien financier de la Commission européenne. Son contenu relève de la seule responsabilité d'Oxfam France et ne reflète pas nécessairement les positions de la Commission européenne et de ses services.