Aujourd’hui, le Comité d’aide au développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (CAD de l’OCDE) a publié ses chiffres préliminaires sur le montant de l’aide au développement pour 2022. L’aide mondiale augmente de 13,6%, s’élevant à 204 milliards de dollars (une augmentation liée en grande partie aux sommes dédiée à l’accueil des réfugiés au sein des pays donneurs, plus que multipliée par 2). Dans le même temps l’aide Française augmente de 12.5 %, atteignant les 15,9 milliards de dollars et 0,56% de sa richesse nationale brute, cette évolution est partiellement dû à des décaissements sur le territoire français et non pas dans les pays en développement.

Louis-Nicolas JANDEAUX, expert Financement du développement d’Oxfam France, a réagi à cette publication :

« La hausse de l’aide publique au développement française est à saluer. La cible de consacrer 0,55% de notre richesse nationale Brute (RNB) à l’aide au développement (APD) est respectée. Il faut désormais continuer de renforcer ces investissements afin d’atteindre la promesse vieille de 50 ans de consacrer 0,7% de notre RNB à l’APD, et ainsi respecter la loi de 2021 relative à la lutte contre les inégalités mondiales. »

« En 2022, les pays riches ont conservé 14,4 % de leur aide internationale sur leur propre territoire via les budgets dédiés à l’accueil des réfugiés. Dans le cas de la France, si l’on ajoute les Bourses et frais d’études des étudiants étrangers, 15% de ce qu’elle reporte en aide n’a pas dépassé ses frontières. Des décisions privant les populations les plus pauvres du monde d’un soutien financier nécessaire en cette période de crises multiples. Par exemple en 2022, à peine 62 % des besoins de financements humanitaires estimés par l’ONU ont été comblés dans les régions du Sahel et de la Corne de l’Afrique pour faire face aux crises alimentaires, contexte dans lequel la France ne fournit pas sa juste part, n’ayant financé que 1,2 % de la somme totale. »

« De plus, nous observons une tendance inquiétante avec la tentation de se tourner de plus en plus vers le secteur privé ; le sommet de juin organisé à Paris en est la parfaite illustration. L’utilisation des budgets d’aide publique au développement de la France pour des partenariats publics privés ou transitant par le secteur privé a été multipliée par 880 sur la période 2011-2021. Pourtant ces investissements n’ont prouvé aucune efficacité dans la réduction de la pauvreté mondiale et se limite en grande partie aux « centres urbains » dans les pays émergents, bien loin des populations les plus vulnérables. Un constat à relier par exemple à la stagnation de l’aide à l’éducation ou la santé sur cette même période. »

« Le sommet organisé par la France au mois de Juin afin d’atterrir sur un nouveau pacte financier avec les pays en développement constitue par conséquent un rendez-vous à ne pas manquer pour Emmanuel Macron et oblige à l’exemplarité des financements français pour le climat, le développement et en réponse aux crises humanitaires » ajoute Louis-Nicolas Jandeaux.

Notes aux rédactions

Les chiffres de l’aide pour 2022 sont disponibles sur le site web de l’OCDE. Les données montrent que les dépenses d’aide globales des 30 membres de l’OCDE s’élèvent à 204 milliards de dollars en 2022. Les pays riches ne se sont engagés à consacrer que 0,36% pour cent de leur revenu national brut (RNB) à l’aide au développement, soit le même pourcentage qu’en 2020. Ce chiffre est inférieur aux 0,7 % qu’ils avaient promis en 1970. En 2022, seuls cinq pays – le Luxembourg, la Norvège, l’Allemagne, la Suède et le Danemark – ont tenu leur promesse.

Plus de 50 ans après que les pays riches se sont mis d’accord sur l’objectif de 0,7 %, seuls sept d’entre eux l’ont atteint ou dépassé. Oxfam estime que cela a coûté aux pays à faibles et moyens revenus 6,5 billions de dollars en aide non fournie entre 1970 et 2021.

Dans ce cas de la France en 2022, 1,4 milliards ont été consacré à l’accueil des réfugiés sur notre territoire auquel on peut ajouter les Bourses et frais d’études des étudiants étrangers (code 1500 du Creditor reporting system de l’OCDE) qui sont stable à 900 millions de dollars. Ces deux sommes restent sur le territoire français et représentent 15% de notre aide publique au développement.

Les pays donateurs qualifient à tort les éléments suivants d’aide au développement (destinée à lutter contre la pauvreté) :

  • Les coûts liés aux réfugiés : La Suède a annoncé la réorientation de près d’un cinquième de son budget d’aide pour financer l’accueil des réfugiés en provenance d’Ukraine. Le gouvernement a depuis fait marche arrière (bien qu’environ 430 millions de dollars soient toujours réorientés vers l’accueil des réfugiés) en raison de la forte pression publique exercée par la société civile et du fait qu’il a surestimé le nombre de réfugiés. Il ne s’agit pas d’une aide au développement puisqu’elle est dépensée en Suède.
  • Les Bourses et frais d’études des étudiants étrangers sont des financements profitant directement aux système des d’éducations des pays donneurs et non pas des pays en développement
  • Profiter des prêts d’aide au développement : Depuis 2018, les membres du CAD utilisent une nouvelle méthodologie pour évaluer la concessionnalité des prêts à des fins de développement. Auparavant, ils devaient utiliser une approche fondée sur les flux de trésorerie. Cela signifiait que les pays donateurs pouvaient comptabiliser le montant total de leurs prêts en tant qu’aide au développement, mais qu’ils devaient soustraire les remboursements de prêts du total de leur aide. La nouvelle méthode utilise un taux d’intérêt fixe pour évaluer l’élément de subvention des prêts. Le taux d’intérêt fixe étant élevé, les donateurs obtiennent plus de crédit pour leurs prêts qu’ils ne le devraient, ce qui les incite à proposer davantage de prêts.

Oxfam calcule qu’un impôt progressif sur la fortune nette allant jusqu’à 5 % dans les seuls pays du CAD de l’OCDE ajouterait un peu moins de 1,1 milliard de dollars à leur budget chaque année. Ce n’est qu’un moyen parmi d’autres d’augmenter le pouvoir d’achat des pays riches pour lutter contre la pauvreté, les inégalités et la crise climatique, notamment en respectant leurs engagements en matière d’aide.

Contact 

Louis-Nicolas JANDEAUX, Chargé de plaidoyer Humanitaire et Financement du développement | lnjandeaux@oxfamfrance.org , 06.49.15.58.60