La pandémie actuelle et la récession économique risquent de plonger dans la pauvreté un demi-milliard de personnes. Oxfam estime que jusqu’à 12,200 personnes pourraient mourir chaque jour de la faim avant la fin de 2020.

Ce rapport intitulé « Le virus de la faim » révèle comment 121 millions de personnes supplémentaires pourraient être exposées à la famine à cause des répercussions sociales et économiques de la pandémie, notamment le chômage de masse, des chaînes d’approvisionnement perturbées et une aide humanitaire sur le déclin.

Hélène Botreau, chargée de plaidoyer Sécurité Alimentaire et Agriculture à Oxfam France a déclaré :
« La crise du COVID-19 se superpose à des crises existantes: conflits, changements climatiques et inégalités d’un système alimentaire défaillant qui a appauvri des millions de productrices et producteurs alimentaires et de travailleuses et travailleurs agricoles. C’est la goutte qui fait déborder le vase pour des millions de personnes supplémentaires qui risquent de basculer en situation de crise alimentaire, et d’en mourir. Les acteurs qui entretiennent les inégalités du système alimentaire sont ceux qui, au cœur de la crise, continuent d’engranger les profits : huit des géants de l’agroalimentaire ont versé plus de 18 milliards de dollars à leurs actionnaires depuis janvier et ce, malgré la propagation de la pandémie à l’échelle mondiale. C’est 10 fois le montant demandé par les Nations Unies pour financer une aide alimentaire d’urgence ! »

Le rapport présente les dix foyers de famine extrême dans le monde, comme le Yémen et le Sahel où la crise alimentaire est encore accentuée et aggravée par la pandémie. Elle mentionne également des foyers émergents comme dans des pays à revenu intermédiaire (Inde, Afrique du Sud, Brésil) où des millions de personnes déjà fragilisées ont basculé dans la faim à cause de la pandémie.

· Au Yémen, les transferts d’argent provenant de l’extérieur qui représentaient jusqu’à 13% de son PIB (soit 3,8 milliards de dollars) en 2019, ont chuté au cours des quatre premiers mois de l’année 2020. Cette baisse drastique est liée aux nombreuses pertes d’emplois dans le Golfe, au Royaume Unie ou encore aux Etats Unis. La fermeture des frontières et des routes de ravitaillement a provoqué des pénuries alimentaires et une flambée des prix des denrées alimentaires dans ce pays qui importe 90 % de sa nourriture. Lors de la récente conférence de bailleurs, les Etats présents se sont engagés à hauteur de 1,35 milliards de dollars, ce qui ne représente que la moitié des besoins humanitaire d’ici la fin de l’année. La France quant à elle, n’a mobilisé que 8,5 millions d’euros.

· Dans la région du Sahel, les restrictions de déplacement ont empêché les éleveurs de déplacer leur bétail sur de nouveaux pâturages, mettant en péril les moyens de subsistance de millions de personnes. Dans cette région qui a connu la plus grande augmentation d’insécurité alimentaire au cours des 11 dernières années, plus de 50 millions de personnes risquent de basculer en situation de crise alimentaire d’ici la fin de l’été. Seulement 26 % des 2,8 milliards de dollars requis pour faire face au COVID-19 dans la région ont été mobilisés.

· Au Brésil, des millions de travailleuses et de travailleurs pauvres, qui n’ont ni épargne ni aide sur lesquelles compter, ont perdu leurs revenus à cause du confinement. Seulement 10 % de l’aide financière promise par le gouvernement fédéral avait été distribuée fin juin, et les grandes entreprises sont privilégiées au détriment des travailleuses, des travailleurs et des PME plus vulnérables.

“Endiguer la crise alimentaire relève avant tout d’une volonté politique. Les gouvernements doivent opérer une transition vers des systèmes alimentaires plus justes, plus résilients et plus durables, qui placent les intérêts des productrices et producteurs alimentaires et des travailleuses et travailleurs agricoles au-dessus des profits des géants de l’agroalimentaire. La transition vers un modèle agricole basé sur des approches agro-écologiques, qui peuvent répondre à ces enjeux, est urgente. », conclut Hélène Botreau.

Kadidia Diallo, productrice de lait au Burkina Faso, confie à Oxfam : « Le COVID-19 nous fait beaucoup de mal. J’ai toutes les peines du monde à nourrir mes enfants. Nos seuls revenus proviennent de la vente du lait. Avec la fermeture des marchés, nous ne pouvons plus en vendre. Nous n’avons donc plus de quoi manger. »

Les femmes sont davantage exposées à la faim alors que leur rôle de productrices et travailleuses est essentiel dans le secteur alimentaire. Les femmes sont déjà marginalisées en raison d’une discrimination systémique qui les condamne à gagner moins et à posséder moins d’actifs que les hommes. Elles font partie des populations les plus impactées par les conséquences économiques de la pandémie, notamment par une surreprésentation des femmes dans l’économie informelle. La maladie et la fermeture des écoles augmentent également leur charge de travail non rémunérées.

Pour Jon Cerezo, responsable de campagne humanitaire à Oxfam France « Que ce soit au Yémen, dans le Nord-Ouest de la Syrie ou au Burkina Faso, le COVID19 est une nouvelle crise dans la crise. Pour les personnes qui vivent déjà en contexte de crise ou de conflit, il est impossible de prendre les mesures nécessaires si les bombes continuent de tomber et que les personnes doivent quitter leur foyer. Les pays déjà en difficulté ne peuvent pas faire face à la crise si les engagements en matière de réponse humanitaire ne sont pas à la hauteur. La France a contribué aux réponses humanitaires dans les pays du Sahel avec 14 millions d’euros en 2019, ce qui représente moins de 1% des besoins exprimés dans les plans de réponse humanitaires. Ce n’est tout simplement pas suffisant »

Depuis le début de la pandémie, Oxfam est venue en aide à plus de 4,5 millions de personnes parmi les plus vulnérables au monde en leur fournissant de la nourriture et de l’eau potable, avec le concours de plus de 344 partenaires dans 62 pays. Nous ambitionnons d’atteindre un total de 14 millions de bénéficiaires en levant 113 millions de dollars supplémentaires pour soutenir nos programmes.

Contacts presse :

Hélène Botreau, chargée de plaidoyer Sécurité Alimentaire et Agriculture, 06 85 26 01 08

Notes à la rédaction :

• Le rapport « Le virus de la faim : Comment le coronavirus sème la faim dans un monde affamé ».
• Des témoignages, photos et vidéos illustrant les conséquences de la pandémie de Covid-19 sur la faim dans le monde sont disponibles sur demande.
• Le PAM estime qu’il y aura cette année environ 121 millions de personnes supplémentaires qui souffriront de la faim à un niveau critique (phase 3 de l’IPC ou au-delà) du fait des impacts socio-économiques de la pandémie. Le taux de mortalité journalier pour la phase 3 de l’IPC (et au-delà) est estimé à 0,5-1 pour 10 000 personnes, soit 6 050 à 12 100 décès quotidiens à cause de la faim et en lien avec la pandémie avant fin 2020. Le taux de mortalité journalier causé par le COVID-19 à l’échelle mondiale a enregistré des records en avril 2020, avec un peu plus de 10 000 décès quotidiens. Il est de 5 000 à 7 000 décès quotidiens depuis d’après les données de l’université Johns Hopkins. Si aucune projection ne peut être établie avec certitude, cette tendance devrait se poursuivre sur le reste de l’année. Et si les estimations du PAM indiquant une hausse du nombre de personnes souffrant de la faim à un niveau critique se confirment, il est probable que le nombre de décès quotidiens imputables à la famine causée par les impacts socio-économiques de la pandémie soit supérieur au nombre de personnes décédant de la maladie d’ici fin 2020. Il convient de préciser qu’une partie de ces chiffres se recoupe, car certains décès du COVID-19 pourraient être associés à la malnutrition.
• En France aussi, la faim est une réalité qui s’est exacerbée avec le COVID 19: selon le gouvernement, 8 millions de personnes auront besoin d’ici fin 2020 d’une aide alimentaire soit 2,5 millions de personnes en plus. En France, 69% des bénéficiaires de l’aide alimentaire sont des femmes.
• Oxfam a réuni des informations sur les versements de dividendes de huit des plus grandes entreprises de l’agroalimentaire au monde jusqu’à début juillet 2020, en compilant des données provenant des sites Web des entreprises, du NASDAQ et de Bloomberg. Les chiffres sont arrondis au million le plus proche : Coca-Cola (3,522 milliards de dollars), Danone (1,348 milliard de dollars), General Mills (594 millions de dollars), Kellogg (391 millions de dollars), Mondelez (408 millions de dollars), Nestlé (8,248 milliards de dollars sur l’année entière), PepsiCo (2,749 milliards de dollars) et Unilever (estimation de 1,180 milliard de dollars).
• Voici la liste des 10 foyers de famine extrême : Yémen, République démocratique du Congo (RDC), Afghanistan, Venezuela, Sahel et pays d’Afrique de l’Ouest, Éthiopie, Soudan, Soudan du Sud, Syrie et Haïti. Les trois foyers émergents sont l’Inde, le Brésil, et l’Afrique du Sud.