Réunis du 21 au 22 octobre à Bruxelles pour discuter notamment sur la situation sanitaire liée au Covid-19 et à seulement 1 semaine du sommet du G20 à Rome, les chef-fe-s d’Etat de l’Union Européenne doivent arrêter de bloquer les négociations au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur la levée des brevets sur les vaccins anti-covid, toujours peu distribués dans les pays en développement. Malgré des annonces positives en juin dernier, le président français Emmanuel Macron n’a presque rien faire pour convaincre ses homologues européens de l’importance d’une telle mesure pour augmenter l’accès aux vaccins à l’échelle de la planète.

Les pays en développement sont suspendus aux promesses non tenues des pays riches et des laboratoires pharmaceutiques qui ne parviennent pas à livrer les milliards de doses promises, tout en bloquant les vraies solutions pour lutter contre les inégalités vaccinales, selon un nouveau rapport publié aujourd’hui par The People’s Vaccine Alliance.

Le rapport, « Une dose de réalité », a révélé que sur les 1,8 milliard de dons de vaccins anti-covid promis par les pays riches, seulement 261 millions de doses – soit 14% – ont été livrées à ce jour, tandis que les laboratoires pharmaceutiques occidentaux, quant à eux, n’ont livré que 12% des doses qu’ils ont promises à COVAX, l’initiative conçue pour aider les pays en développement à avoir accès aux vaccins anticovid.

Dans le même temps, l’UE et d’autres pays riches s’opposent à la proposition de lever les brevets sur les vaccins et les technologies liées au COVID portée par l’Inde, l’Afrique du Sud et plus de cents pays en développement au sein de l’OMC. Les principaux laboratoires pharmaceutiques n’ont pas partagé leur technologie avec l’Organisation mondiale de la santé pour permettre aux pays en développement de fabriquer leurs propres vaccins et sauver des vies.

Winnie Byanyima, Directrice exécutive de l’ONUSIDA, déclare : « Les pays riches et les entreprises échouent honteusement à tenir leurs promesses tout en bloquant la solution réelle : veiller à ce que les pays en développement aient la capacité de fabriquer leurs propres vaccins. »

Sandra Lhote Fernandes, responsable du plaidoyer santé chez Oxfam France : « Ce n’est pas la charité de façade des pays riches et des nouveaux milliardaires du vaccin qui va permettre de vacciner la planète. Nous attendons toujours la concrétisation de l’annonce d’Emmanuel Macron de soutenir la demande de levée des brevets portée par nos partenaires africains. Cette semaine nous demandons à la France de peser de tout son poids pour convaincre ses homologues européens d’arrêter de bloquer les négociations au sein de l’OMC ».

Le gouvernement britannique, qui a activement bloqué les demandes de pays comme l’Afrique du Sud et l’Inde de fabriquer leurs propres vaccins, n’a livré que 9,6 millions – moins de 10 % – des 100 millions de doses qu’il avait promis aux pays les plus pauvres. Pendant ce temps et malgré la pénurie des vaccins dans les pays en développement, il a lui-même pris un demi-million de doses de COVAX. Le Canada en a pris 1,5 million de doses, tout en n’en fournissant que 3,2 millions – ou 8 % – des 40 millions de doses qu’il avait promises. Les États-Unis ont livré de loin le plus grand nombre – près de 177 millions de doses – mais cela ne représente que 16% des 1,1 milliard promis. Quant à la France, elle n’a pas délivré que 9% des 120 millions des doses auxquelles elle s’était engagée.

Les laboratoires pharmaceutiques, en plus de faire pression sur les Etats contre la levée des brevets, ne respectent pas leur engagement à COVAX. Sur les 994 millions de doses allouées à COVAX par Johnson & Johnson, Moderna, Oxford/AstraZeneca et Pfizer/BioNTech, seulement 120 millions -12%- ont été effectivement délivrées, soit quinze fois moins que les 1,8 milliard de doses délivrées aux pays riches. Johnson & Johnson et Moderna n’ont pas encore livré la moindre dose des 230 millions promises à COVAX

Pour Sandra Lhote-Fernandes : « La faiblesse des dons de doses des pays riches et les dysfonctionnements de COVAX ont la même cause profonde : nous avons cédé le contrôle de l’approvisionnement des vaccins à un petit nombre de laboratoires pharmaceutiques, qui donnent la priorité à leurs propres profits. »

« Ces entreprises ne peuvent pas produire assez pour vacciner le monde, elles limitent artificiellement l’offre et elles accorderont toujours la priorité à leurs clients riches. La seule façon de mettre fin à la pandémie est de partager la technologie et le savoir-faire avec d’autres producteurs qualifiés afin que tout le monde, partout, puisse avoir accès à ces vaccins. »

Lors de l’Assemblée générale des Nations Unies en septembre, le président Biden a fixé l’objectif de vacciner 70 % des personnes dans tous les pays d’ici septembre 2022. Bien que cet objectif soit pertinent, la People’s Vaccine Alliance affirme qu’il n’y a toujours pas de stratégie pour y parvenir.

Maaza Seyoum, de l’Alliance africaine et de la People’s Vaccine Alliance Africa, a déclaré : « Partout dans le monde, des agents de santé meurent et des enfants perdent leurs parents et leurs grands-parents. Avec quatre-vingt-dix-neuf pour cent des habitants des pays à faible revenu toujours pas vaccinés, nous en avons assez de ces gestes trop tardifs. Les gouvernements doivent mettre un terme à l’omnipotence des laboratoires pharmaceutiques qui engrangent des profits astronomiques, et commencer à prendre des mesures concrètes qui sauveront des vies. »

Notes aux rédactions :

Pour écarter la pression croissante pour qu’elles partagent leur technologie vaccinale sans restrictions de propriété intellectuelle, les principales laboratoires pharmaceutiques occidentales ont constamment exagéré leurs volumes de production projetés, affirmant qu’il y en aura bientôt assez pour tout le monde tout en livrant l’écrasante majorité de leur stock aux pays riches. Collectivement, les quatre sociétés ont affirmé qu’elles fabriqueraient environ 7,5 milliards de vaccins en 2021, mais avec moins de trois mois avant la fin de l’année, elles n’en ont livré que la moitié. Les prévisions suggèrent que les entreprises produiront 6,2 milliards de vaccins d’ici la fin de l’année, un déficit par rapport à leurs projections de plus de 1,3 milliard de doses.

À une semaine de la réunion des dirigeants pour le sommet du G20 à Rome et à quelques jours de la réunion des dirigeants de l’Union Européenne à Bruxelles pour débattre sur la pandémie du Covid-19, la People’s Vaccine Alliance – qui compte 77 membres, dont ActionAid, l’Alliance africaine, Global Justice Now, Oxfam et ONUSIDA – leur demande de :

  • Suspendre les droits de propriété intellectuelle pour les vaccins, tests, traitements et autres outils médicaux liés au COVID en acceptant la dérogation proposée à l’Accord sur les ADPIC de l’Organisation mondiale du commerce.
  • Exiger et utiliser tous leurs outils juridiques et politiques pour obliger les laboratoires pharmaceutiques à partager les données, le savoir-faire et la technologie liée au COVID-19 avec le groupe d’accès à la technologie du COVID-19 de l’OMS et le centre de transfert de technologie d’ARNm d’Afrique du Sud.
  • Investir dans des centres de fabrication décentralisés dans les pays en développement pour passer d’un monde de monopoles et de pénurie de vaccins à un monde de suffisance et d’équité des vaccins dans lequel les pays en développement ont un contrôle direct sur la capacité de production pour répondre à leurs besoins.Redistribuer immédiatement les vaccins existants de manière équitable dans tous les pays pour atteindre l’objectif de l’OMS de vacciner 40 % des personnes dans tous les pays d’ici la fin de 2021 et 70 % des personnes dans tous les pays d’ici-làmi-2022.