Nouveau rapport d’Oxfam publié en amont des réunions annuelles du FMI et de la Banque mondiale à Marrakech du 9 au 15 octobre.

Télécharger le rapport « Moyen-Orient et Afrique du Nord : une région aux deux visages » (en anglais)
Télécharger le résumé exécutif du rapport en français.

 

Les ultra-riches du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord ont presque doublé leur fortune en trois ans seulement, alors que la région la plus inégalitaire du monde croule sous la dette et l’austérité

La pandémie de COVID-19 et la crise du coût de la vie ont été une aubaine pour les ultra-riches du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA), qui ont vu leur richesse presque doubler entre 2019 et 2022, révèle un rapport d’Oxfam publié aujourd’hui à la veille des réunions annuelles de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) à Marrakech.

Les 0,05 % les plus riches – 106080 personnes – disposant d’une fortune supérieure à 5 millions de dollars ont vu leur richesse bondir de 75 %, passant de 1 600 milliards de dollars en 2019 à 3 000 milliards de dollars d’ici la fin de l’année 2022. En outre, les 23 milliardaires de la région ont accumulé plus de richesses au cours des trois dernières années que pendant toute la décennie qui les a précédés.

Ce boom de l’ultra-patrimoine intervient alors que tous les pays de la région MENA s’enfoncent dans l’endettement. En Tunisie, la dette publique est passée de 43 % du PIB en 2010 à 80 % en 2021, en Égypte de 70 % à 90 % et au Maroc de 45 % à 69 %. Le Liban a vu sa dette augmenter jusqu’à un niveau stupéfiant de 151 % en 2020, lorsque le pays a été contraint de se mettre en défaut de paiement.

Le FMI fournit une assistance financière à trois pays de la région, et au moins deux autres sont en train de négocier des prêts. Au cours de la dernière décennie, le FMI a incité à des politiques d’austérité néfastes dans ses programmes de prêts, ce qui a contribué au sous-financement de services publics essentiels à la réduction des inégalités, tels que les soins de santé et l’éducation.

« Ces dernières années ont été stupéfiantes pour les riches. Ils ont prospéré alors que la pandémie et l’inflation ont réduit les finances des familles et ont fait tomber des millions de personnes dans la pauvreté », a déclaré l’auteur du rapport et responsable plaidoyer d’Oxfam International, Nabil Abdo.

« Les mesures d’austérité ne sont pas une réponse à la multiplication des défis que traverse le Moyen-Orient ; elles ne servent qu’à protéger les personnes les plus riches de la population pour qu’elles n’aient pas à supporter le fardeau des réformes économiques, alors qu’elles renforcent les inégalités et la pauvreté », a déclaré M. Abdo.

Même avant la pandémie, la région MENA était l’une des plus inégalitaires au monde, les pays étant confrontés à des défis complexes tels que les conflits, les changements climatiques, la hausse du chômage et le sous-financement des services publics.

Oxfam appelle les gouvernements à récupérer ces richesses extrêmes pour l’intérêt général. Un impôt de 5 % sur les fortunes supérieures à 5 millions de dollars au Liban, en Égypte, au Maroc et en Jordanie pourrait générer 10 milliards de dollars de recettes. Cette somme pourrait être utilisée pour investir dans des services publics de qualité, dans la paix et la sécurité et dans la lutte contre le changement climatique.

Un tel impôt sur la fortune permettrait à l’Égypte de doubler ses dépenses en matière de soins de santé, à la Jordanie de doubler son budget de l’éducation et au Liban de multiplier par sept ses dépenses en matière de soins de santé et d’éducation. À lui seul, le Maroc pourrait collecter 1,22 milliard de dollars, alors qu’il doit faire face à une facture de 11,7 milliards de dollars de réparations suite au récent tremblement de terre dévastateur qui l’a frappé.

« Les gouvernements de la région doivent stopper leurs politiques d’austérité et les conséquences dévastatrices qu’elle entraîne, et s’efforcer au contraire de répondre aux aspirations de leurs populations. Le FMI doit permettre aux gouvernements de mener des politiques économiques qui redistribuent les revenus et les richesses et qui investissent dans l’intérêt général. Il est temps de taxer la richesse et de commencer à combler l’énorme fossé qui sépare les plus riches du reste de la population », a déclaré M. Abdo.

Contact presse

Marika Bekier, responsable presse
mbekier@oxfamfrance.org / 06 24 34 99 31

Notes aux rédacteurs

Télécharger « The MENA Gap : Prosperity for the Rich, Austerity for the Rest » et les notes méthodologiques.
Les calculs d’Oxfam sont basés sur les sources de données les plus récentes et les plus complètes disponibles. Les chiffres concernant les plus riches de la société proviennent de la liste des milliardaires de Forbes.
Le plan de reconstruction du tremblement de terre au Maroc coûtera 11,7 milliards de dollars.
Les 0,05 % les plus riches sont calculés à partir de 106 080 personnes disposant d’un patrimoine net de 5 millions de dollars et plus au Bahreïn, en Égypte, en Jordanie, au Koweït, au Liban, au Maroc, à Oman, au Qatar, en Arabie saoudite et dans les Émirats arabes unis.
Les réunions annuelles de la Banque mondiale et du FMI se tiendront du 9 au 15 octobre à Marrakech. Ce n’est que la deuxième fois que ces réunions se tiennent dans la région MENA depuis Dubaï en 2003.
Les pays de la région MENA bénéficiant actuellement de prêts du FMI sont l’Égypte, la Jordanie et le Maroc.
La Tunisie et le Liban négocient actuellement des prêts avec le FMI.