Oxfam met en garde contre l’aggravation de la crise de la faim dans les régions du Tigré et d’Amhara, les familles ayant recours à des mesures extrêmes pour survivre.

Les familles qui subissent encore les conséquences d’un conflit de deux ans dans le Tigré ont recours à des mesures de plus en plus désespérées pour survivre. Le conflit et les précipitations irrégulières dans tout le nord du pays, ont encore aggravé la saison des semailles qui menace de plonger la région dans une catastrophe humanitaire plus profonde si rien n’est fait, prévient Oxfam.

Hareyat (50 ans), mère de quatre filles à Kola Tambien à l’école préparatoire Meles qui abrite maintenant des personnes déplacées, a déclaré :

« Nous avons faim, nos enfants n’ont rien à manger, parfois pendant toute une journée. Les femmes enceintes et les mères de jeunes enfants souffrent. La faim est si insupportable que les mères obligent leurs enfants à dormir plus longtemps pour éviter les douleurs de la faim, puisqu’il n’y a rien à leur donner à manger. Les mères doivent également nourrir leurs enfants avec des racines destinées aux animaux afin de survivre ».

Selon le médiateur national, près de 400 personnes dans la région du Tigré et d’Amhara- principalement des enfants et des personnes âgées – sont déjà mortes de faim au cours des six derniers mois. 3,5 millions de personnes dans la région du Tigré ont un besoin urgent d’aide alimentaire et un million d’entre elles souffrent d’une faim aiguë. Si les efforts humanitaires ne sont pas considérablement renforcés, la région risque de sombrer dans une famine encore plus grande.

Gezahegn Kebede, directeur national d’Oxfam en Éthiopie, a déclaré :
« C’est une faillite morale et politique que de regarder des gens mourir de faim. Ce n’est que la partie émergée de l’iceberg, des millions d’autres personnes doivent recourir à des moyens inimaginables pour lutter contre la faim et trouver leur prochain repas ».

Les pénuries alimentaires ont atteint un niveau critique, des millions de personnes étant confrontées à des difficultés extrêmes d’accès à la nourriture dans certaines parties de l’est, du sud et du centre du Tigré, et d’autres devraient suivre d’ici au mois de mai, selon FEWSNET.

Malgré le cessez-le-feu conclu entre le gouvernement éthiopien et les forces du Tigré en novembre 2022, le conflit en cours dans certaines parties de la région d’Amhara a forcé plus de 1,55 million de personnes à fuir leurs foyers, laissant 9,4 millions de personnes – soit une personne sur trois dans le nord de l’Éthiopie – dans une situation de faim extrême.

La sécheresse, la pénurie de semences et l’invasion de criquets pèlerins, qui a commencé à la fin de 2023 et s’est poursuivie jusqu’aux premières semaines de 2024, ont réduit de moitié la récolte, qui est passée de 1,32 million d’hectares prévus à 660 000 hectares. Pire encore, sur cette récolte réduite, au moins 132 000 hectares de cultures sont morts et des dizaines de milliers de têtes de bétail ont péri au cours de la saison sèche actuelle. Si la saison des pluies est encore retardée, des millions de personnes se retrouveront encore plus démunies.

La baisse de la production agricole a provoqué une flambée des prix des denrées alimentaires, qui n’ont jamais été aussi élevés depuis cinq ans, ainsi qu’une pénurie de main-d’œuvre agricole saisonnière, rendant la nourriture inabordable pour des millions de personnes. De nombreux agriculteurs ont également perdu leur principale source de revenus en raison de ces chocs successifs et cumulés.

Bien qu’il s’agisse de l’une des pires crises humanitaires au monde, la réponse humanitaire dans le nord de l’Éthiopie reste sous financée. Seuls 34 % des 4 milliards de dollars demandés par les Nations unies pour l’Éthiopie l’année dernière ont été financés.

L’USAID et le PAM ont suspendu l’aide alimentaire pendant six mois, en réponse à des allégations de détournement de nourriture en 2023, ce qui a détérioré la sécurité alimentaire, coupant la ligne de vie des approvisionnements alimentaires d’urgence pour des millions de personnes déplacées par le conflit et le changement climatique. Même si l’aide a repris, ce n’est qu’une goutte d’eau dans le désert face à l’immensité des besoins.

« Sans un afflux urgent et important d’aide et des efforts humanitaires accrus de la part des donateurs, la vie de nombreuses autres personnes est en danger », a déclaré M. Kebede.

Contacts presse:

En France : Louis-Nicolas Jandeaux, 06.49.15.58.60, lnjandeaux@oxfamfrance

Au Kenya : Fatuma Noor, +254 723944682, fatuma.noor@oxfam.org

Notes aux rédactions :

• L’insécurité alimentaire en Éthiopie est déterminée par le Plan de réponse humanitaire qui estime qu’en 2023, 20,1 millions de personnes seront en situation d’insécurité alimentaire.
• L’appel des Nations unies pour l’Éthiopie n’est financé qu’à hauteur de 34 %, soit 1,3 milliard de dollars sur les 4 milliards de dollars nécessaires en 2023.
• Le Programme alimentaire mondial des Nations unies et l’USAID ont annoncé la suspension temporaire immédiate de l’aide alimentaire pour la période allant d’avril à décembre 2023.
• Insécurité alimentaire aiguë en Éthiopie – Éthiopie | FEWS NET
• Oxfam a répondu aux besoins humanitaires de la population du Tigré, touchant plus de 400 000 personnes, par des interventions dans les domaines de l’eau, de l’assainissement et de l’hygiène (WASH), de l’aide alimentaire et de la protection, ainsi que des interventions en matière de genre.
• L’Éthiopie accueille plus de 4 millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays, soit l’une des populations de personnes déplacées les plus nombreuses au monde, dont plus d’un million viennent de la région du Tigré.