Alors que l’Agence Internationale de l’Energie appelle à ne plus investir dans de nouvelles installations pétrolières ou gazières (1), les Amis de la Terre France et Oxfam France publient, à l’occasion des assemblées générales de BNP Paribas et Société Générale, un nouveau rapport « Quoi qu’il en coûte – Les banques françaises au secours de l’industrie fossile ».Les ONG révèlent le rôle actif joué par les grandes banques françaises pour renflouer les entreprises des énergies fossiles depuis début 2020, avec notamment une augmentation de 22 % de leurs financements. Elles dénoncent un lien de dépendance à hauts risques entre ces banques et l’industrie fossile, et exhortent le gouvernement à prendre des mesures contraignantes afin de lutter contre la crise climatique.

 

Entre janvier 2020 et mars 2021, les grandes banques françaises – BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole et le groupe Banque Populaire Caisse d’Épargne – ont financé à hauteur de 100 milliards de dollars les entreprises actives dans le charbon, le pétrole et le gaz. Ces soutiens ont augmenté de plus de 22 % entre 2019 et 2020, une hausse qui s’explique notamment par une mobilisation massive de capitaux pour venir en aide à une industrie fossile impactée par la crise sanitaire.

Au cœur de ce grand sauvetage : les majors pétrolières et gazières [2] sont les premières clientes des banques. Elles ont bénéficié de près d’un quart de ces financements des banques françaises. BNP Paribas, Crédit Agricole et Société Générale ont également acheté de nouvelles actions de ces entreprises au cours de la crise, et cela en dépit des lourdes pertes de valeur essuyées par ces géants [3]. Elles en détenaient fin 2020 24 millions de plus que début 2020. Résultat des courses : les portefeuilles d’actions de ces trois banques dans les majors leur ont au total fait perdre 1,4 milliard de dollars en une année.

Pour Lorette Philippot, chargée de campagne Finance privée aux Amis de la Terre France« Alors qu’au plus fort de la crise les esprits et les discours se tournaient vers un « monde d’après » plus juste et soutenable, les grande banques françaises nous condamnaient en toute opacité à un avenir fossile. En accourant sans réserve au chevet des entreprises des pétrole et gaz et notamment des grandes majors, elles ont plus que jamais fait la démonstration de leur addiction à l’industrie des énergies fossiles. Ces entreprises nocives sont aujourd’hui « too big to fail » pour les banques, qui préfèrent ne rien leur refuser, quitte à s’enfoncer encore un peu plus dans cette dépendance ». 

Alors que Bruno Le Maire appelait publiquement les acteurs financiers français à mettre en œuvre une sortie des hydrocarbures non-conventionnels en octobre 2020 [4], l’étude montre que 17,7 milliards de financements ont été dirigés vers les 30 entreprises les plus agressives au monde dans le développement des pétrole et gaz de schiste [5]. En cause : les engagements volontaires lacunaires des banques dans ce secteur [6].

Selon Alexandre Poidatz, chargé de plaidoyer Finance et Climat chez Oxfam France« La hausse continue des financements aux énergies fossiles, dont les pétrole et gaz de schiste, explique la trajectoire de réchauffement à plus de 4 °C sur laquelle se situent les banques françaises [7]. Leur impact climatique est tel que l’État doit imposer les règles du jeu. Seul l’État a les moyens de rompre cette dépendance toxique et d’éteindre les braises sur lesquelles soufflent les banques françaises ».  

Les Amis de la Terre France et Oxfam France pressent le gouvernement d’inscrire une obligation légale pour les acteurs financiers à se conformer à une trajectoire contraignante de réduction de leur empreinte carbone et de sortie des énergies fossiles, sous peine de sanction financière. Le gouvernement doit en particulier garantir que son récent appel à en finir avec les hydrocarbures non-conventionnels se traduise en retrait effectif et total de la Place financière de Paris de ces secteurs.

 

Notes aux rédactions :

  1. L’Agence internationale de l’énergie appelle à ne plus investir dans de nouvelles installations pétrolières ou gazières. Le Monde.
  2. Les huit majors pétrolières et gazières sont BP, Chevron, Eni, Equinor, ExxonMobil, Repsol, Shell et Total.
  3. En 2020, la chute des prix du pétrole a eu des conséquences sévères sur la valeur boursière des plus grandes multinationales des pétrole et gaz : en moyenne le coût des actions des 8 des plus grandes entreprises extractrices d’énergies fossiles a baissé de 36,97 % en 2020. Par exemple, l’action du groupe Total a perdu 30 % de sa valeur en 2020. Calcul fait sur la base des cours de l’action des 8 entreprises citées ci-dessus, entre le 3 janvier 2020 et le 31 décembre 2020.
  4. Direction générale du Trésor (2020) Communiqué de presse de Bercy du 30 octobre 2020.
  5. Financements des grandes banques françaises aux 30 entreprises les plus actives dans l’exploitation des pétrole et gaz de schiste, en termes de réserves en cours de production et de production prévue entre 2021 et 2050 à partir de nouveaux puits. Données en date d’octobre 2020 fournies par Oil Change International, issues de Rystad Energy AS.
  6. Voir le Scan de la finance fossile, outil d’évaluation des politiques sectorielles des acteurs financiers français, qui sera mis en ligne par Reclaim Finance le 12 mai 2021.
  7. Oxfam (2020) Banques : des engagements climat à prendre au 4ème degré.