Au Sahel, le défi de construire un avenir pour toutes et tous

LE SAHEL

Territoire couvrant notamment le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal et le Tchad, et représentant presque 100 millions d’habitants, la région du Sahel cristallise de très nombreuses crises et défis. Le Sahel reste une des régions les plus pauvres au monde où la moitié de la population n’a pas accès à l’eau potable et où 2,5 millions d’enfants ne vont pas à l’école.

Ces derniers mois le Sahel est au cœur de l’attention médiatique pour les violences qui martyrisent des pays comme le Mali ou le Burkina Faso, le Tchad ou le Niger. Elles rappellent au monde les vulnérabilités d’une région au cœur de l’Afrique.

Le Sahel : un territoire à la croisée de crises multiples

Le Sahel est le terrain de crises multiples et entremêlées. Territoire fragile, les populations sahéliennes font depuis longtemps preuve d’une exceptionnelle résilience face aux défis du quotidien.

Une crise alimentaire

Cette dernière décennie, le Sahel a connu la plus forte augmentation de la faim dans le monde. Le nombre de personnes sous-alimentées a augmenté de 13,1 millions en 11 ans, selon le dernier rapport des Nations Unies sur l’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde. En 2018, 1,3 million d’enfants âgés de moins de cinq ans souffraient de malnutrition aiguë. C’est le nombre le plus élevé depuis au moins une décennie, représentant une augmentation de plus de 50% par rapport à 2017.

Les causes structurelles de la faim dans le Sahel sont pourtant bien connues : pauvreté chronique, manque d’accès aux services sociaux de base, mauvaise gouvernance, inégalités ou encore inadéquation du modèle agricole. Ces causes structurelles sont aggravées par la présence de facteurs exogènes, tels que les conséquences du changement climatique ou la multiplication des conflits dans la région, poussant des millions de personnes à se déplacer.

Le nombre de personnes sous-alimentées a augmenté de 13,1 millions en 11 ans.

Une crise environnementale

Le Sahel est une des régions du monde qui subit le plus les inégalités climatiques mondiales. Les pays sont responsables d’une part infime des émissions mondiales de gaz à effet de serre, estimée à 0,25% avec les émissions par habitant de quatre pays (Burkina Faso, Tchad, Mali et Niger) parmi les 10 % les plus faibles au monde. Pourtant le Sahel est l’une des régions les plus vulnérables aux impacts des changements climatiques. Selon l’indice GAIN, les pays sahéliens d’Afrique de l’Ouest se classent parmi les 20% des pays les plus vulnérables au monde, le Niger étant considéré comme le pays le plus vulnérable du monde aux changements climatiques et le Tchad le 3ème.

Les changements climatiques sont déjà à l’œuvre au Sahel, devenu plus sec et plus chaud. La température a augmenté plus vite que la moyenne mondiale, et les précipitations moyennes ont diminué dans tous les pays. La mauvaise répartition des pluies dans le temps et l’espace provoque des épisodes de sécheresse suivis d’inondations, détruisant les cultures lors des crues, ou provoquant des déplacements de population importants. En 2009, l’inondation de la ville de Ouagadougou a par exemple forcé 150 000 personnes à quitter leur domicile.

La fréquence des tempêtes extrêmes a déjà plus que triplé ces 35 dernières années au Sahel. Et les prévisions climatiques sont alarmantes. La CCNUCC révèle des scénarios d’augmentation de températures de 4 degrés dans les pays de l’intérieur (Mali, Tchad, Burkina Faso, Niger) d’ici à 2100, l’augmentation des évènements climatiques violents, et la réduction globale des ressources en eau.

Les pays du Sahel sont responsables de 0,25% des émissions de gaz à effet de serre.

Ils font pourtant partie des 20% des pays les plus vulnérables au changement climatique.

Une crise sécuritaire

Au cours de la dernière décennie, l’héritage de situations politiques fragiles et d’une faible gouvernance s’est traduit par des conflits violents, dans le bassin du lac Tchad puis au Mali. Les revendications locales de la population du Nord se sont intensifiées parallèlement à l’émergence de groupes armés radicalisés. Les conflits se sont étendus sur des frontières instables dans plusieurs pays et menacent aujourd’hui de s’étendre encore plus largement dans la région.

Plus de 440 000 personnes ont été déplacées dans la région du Liptako Gourma et 5,1 millions de personnes ont besoin d’assistance humanitaire, un chiffre en hausse constante. Face à la dégradation de la situation sécuritaire, le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad, regroupés dans le G5 Sahel – une instance créée en 2014 pour apporter une réponse politique coordonnée sur les plans sécuritaires et de développement– et la communauté internationale ont intensifié leurs opérations militaires.

Cependant, malgré ces engagements militaires massifs, la situation sécuritaire et humanitaire continue de se dégrader. L’extension de l’insécurité montre la fragilité des États sahéliens dans de nombreux domaines et la frustration des communautés longtemps négligées. L’insécurité a poussé des millions de personnes à quitter leur domicile. Ces populations se retrouvent privées de leurs moyens de subsistance, d’un accès aux services de base d’éducation ou de soins, les exposant à de nouveaux risques et les rendant encore plus vulnérables aux chocs qu’auparavant.

Plus de 440 000 personnes ont été déplacées dans la région du Liptako Gourma et 5,1 millions de personnes ont besoin d’assistance humanitaire.

Des inégalités criantes au Sahel

Un sentiment d’injustice, terreau de tensions

Face à ce sombre tableau, le sentiment d’injustice est profond dans la région du Sahel. Il est notamment nourri par de fortes inégalités qui minent le vivre ensemble et alimentent les tensions. Nombre des crises qui secouent le Sahel aujourd’hui prennent racines dans ces inégalités, trop souvent ignorées par les gouvernements.

Ces inégalités sont diverses. Elles se traduisent par de fortes disparités de revenus : au Tchad et au Sénégal, les 10% de la population la plus riche possèdent deux fois plus de richesses que les 40% les plus pauvres.
Ce sont aussi des inégalités d’accès aux droits fondamentaux. Au Mali à peine 3 à 4% des enfants de pasteurs nomades sont scolarisés. Au Sénégal, le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans est 2,5 fois plus importantes chez les 20% les plus pauvres que chez les 20% les plus riches.

Les femmes sahéliennes, premières victimes

Comme souvent, ce sont les femmes qui en payent le prix le plus élevé. Dans beaucoup de familles, la décision d’envoyer les filles à l’école dépend de la situation économique de la famille, et passe après les choix éducatifs et professionnels des garçons. Les grossesses et mariages précoces et les obligations domestiques qui leur sont imposées les impactent également. Dans des sociétés sahéliennes encore très agricoles, et alors que les femmes représentent 40% de la main d’œuvre du secteur, seulement 10% des propriétaires de terres cultivables sont des femmes.

Plus de justice, plus de transparence, une meilleure répartition des richesses, le respect des droits

L’émergence de mouvements citoyens

Malgré cette situation, les populations du Sahel ne baissent pas les bras. Bien au contraire, les mouvements citoyens se sont multipliés ces dernières années. Leurs mots d’ordre ? Plus de justice, plus de transparence, une meilleure répartition des richesses et le respect des droits de toutes et tous.

Ainsi, en 2011 au Sénégal le mouvement Y’en a marre a émergé pour dénoncer la corruption et promouvoir la participation des jeunes dans la vie politique du pays. En 2014 c’est sur des aspirations similaires que le mouvement du Balai Citoyen mobilise à travers le Burkina Faso et pousse au départ l’ancien président Blaise Compaoré, après 27 ans de pouvoir. Au Tchad, en Mauritanie ou au Niger, les mouvements éclosent avec la jeunesse et les femmes en première ligne de ces combats.

Lutter contre les inégalités au Sahel, une urgence

Alors que la région possède d’énormes ressources naturelles : or, uranium, fer, pétrole, pêche, il est donc impératif de travailler à une meilleure répartition des richesses. Il est également nécessaire de travailler pour garantir à toutes et tous des services publics d’éducation et de santé inclusifs et de qualité. Le combat contre les inégalités est devenu une urgence pour répondre aux causes profondes des crises actuelles au Sahel.

Une mobilisation internationale nécessaire

La communauté internationale doit aussi prendre ses responsabilités. Elle doit mettre cette nécessaire lutte contre les inégalités au cœur de ses interventions et soutenir les pays sahéliens dans la mise en œuvre de politiques plus justes et solidaires. Il n’est pas question de faire à leur place, mais de soutenir ces efforts sous leur direction. C’est ensemble que nous pouvons construire un avenir pour tous et toutes au Sahel.