Pauvreté, conflits, climat : les femmes toujours en première ligne

Plus de 100 ans après la première journée des droits des femmes, l'inégalité de genre reste l'un des obstacles les plus omniprésents et les plus fondamentaux à surmonter pour espérer atteindre la vision d’Oxfam d’un monde sans injustices et sans pauvreté.

Duncan Green, responsable de la recherche chez Oxfam Grande-Bretagne l’explique dans son livre From poverty to power, la pauvreté n’est pas seulement "monétaire" (moins de 1 dollar par jour), c’est aussi l’inégalité et l’absence de capacités et de pouvoir. _ Les femmes sont plus touchées par la pauvreté, elles ont moins accès que les hommes au pouvoir, aux ressources, à la protection face aux violences, à l’éducation, aux services de santé et aux espaces politiques. Cet impact disproportionné de la pauvreté sur les femmes est le résultat de discriminations de genre et d’une inégalité femmes-hommes présente à différents niveaux dans l’ensemble des cultures et sociétés.

Et pourtant…

Partout dans le monde, les femmes assurent un rôle indispensable mais souvent "invisible" : la gestion des soins et de l’alimentation de la famille, suppléant les insuffisances des services publics. Un travail très important en quantité, mais non reconnu comme tel et non rémunéré, qui pourrait représenter, si c’était le cas ne augmentation de 20% des PN. _ Par ailleurs, les ressources humaines dans les systèmes de santé formels sont à majorité féminines et les femmes ont un rôle prépondérant dans les soins de santé informels, dispensés – souvent gratuitement- dans le cadre de la famille ou de la communauté. Les femmes jouent également un rôle crucial dans l’agriculture et dans l’alimentation dans le monde entier : elles produisent entre 60 et 80% des aliments dans la plupart des pays en développement. _ En dépit de leur très forte contribution à la sécurité alimentaire mondiale, les femmes ont un accès réduit aux ressources (terre – moins de 20% des détenteurs de terres dans le monde sont des femmes -, eau, technologies, information, crédit, marchés et ressources financières) et structures de représentation (organisations paysannes, coopératives, syndicats).

“Les femmes représentent 70%
des 1,3 milliard de personnes en situation
d’extrême pauvreté dans le monde.”

Les femmes en première ligne…

On estime que 250 000 à 500 000 femmes et filles ont été violées au cours du génocide rwandais de 1994. _ Les viols et les violences sexuelles augmentent en intensité et en fréquence en période de crise, de conflit ou de déplacement de population, et l’usage systématique de la violence sexuelle est désormais admis comme faisant partie des tactiques de guerre. Les violences de genre sont l’un des premiers facteurs de décès, de maladie ou d’handicap pour les femmes, et sont aussi un facteur important de pauvreté. Alors que les femmes sont aujourd’hui les premières victimes des conflits, leurs voix sont très peu prises en compte lorsque la paix est négociée. _ Moins de 10% des personnes qui négocient des accords de paix sont des femmes. Face aux catastrophes naturelles aussi les femmes sont plus en danger que les hommes : la pauvreté – au sens large – détermine, plus que tout autre facteur, la vulnérabilité face au changement climatique et les capacités d’adaptation. L’accès à la terre, aux ressources financières, au crédit, à l’information, aux services de santé, la mobilité et enfin l’éducation se combinent pour déterminer la capacité à faire face aux catastrophes naturelles et à mettre en place des stratégies individuelles d’adaptation sur le long terme. _ Les inégalités de genre et la pauvreté se surajoutent et ont pour conséquence la plus grande vulnérabilité des femmes face au changement climatique et leur moindre capacité à s’y adapter.

… Et au dernier rang

Les inégalités de genre ont un impact très fort sur la santé des femmes : 3 femmes sur 5 accouchent sans être assistées par un personnel de santé qualifié. Les femmes, à cause de leur position au sein de la société, de la communauté et de la famille, ont moins accès aux soins et sont moins en mesure de prendre les décisions sur les questions de santé qui les concernent. _ La féminisation de l’épidémie de VIH/sida est révélatrice de l’accès réduit pour les femmes aux moyens de contraception leur permettant de se protéger de manière autonome. Un autre exemple particulièrement frappant en matière d’inégalité de genre dans l’accès aux soins est la persistance d’une mortalité maternelle très forte dans de nombreuses régions du monde, alors même que les connaissances médicales sur le sujet ne manquent pas. Connaissances qui sont, de manière générale, détenus par des hommes : les deux tiers des 72 millions d'enfants non scolarisés sont des filles et les deux tiers des 759 millions d’adultes analphabètes sont des femmes. Malgré les importants progrès réalisés ces dernières années en matière d’éducation, le taux d'inscription des filles n'est jamais parvenu à parité avec celui des garçons, surtout dans l'enseignement secondaire. Plus de 100 pays dans le monde n’ont toujours pas atteint la parité dans l’enseignement primaire et secondaire. _ L’éducation est un droit fondamental, qui a un important potentiel de transformation sociale, et est un levier de lutte contre la pauvreté. La Banque mondiale estime qu’un an d'enseignement de toutes les femmes adultes dans un pays permet une augmentation du PIB par habitant d'environ 700 dollars.

Des politiques de développement en retard

L'égalité de genre est une condition préalable à tout progrès vers l'élimination de la pauvreté dans le monde. Malgré cela, seuls deux des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) abordent explicitement l'inégalité de genre : – L’OMD 5 vise à réduire la mortalité maternelle et, depuis 2005, à rendre universel l’accès à la santé reproductive. – L’OMD 3, "Promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes", est mesuré par l'évaluation de la parité hommes-femmes dans l'éducation, la part des femmes dans l'emploi salarié non agricole, et la part des sièges occupés par des femmes dans les Parlements nationaux. Un seul objectif pour l'égalité de genre a été intégré transversalement dans les OMD, à savoir la parité dans l’éducation d'ici 2005 (OMD 2). Les inégalités de genre sont présentes dans chacun des thèmes abordés dans les OMD, et ne pas les prendre en considération bloque leur réalisation. Il est donc essentiel que la perspective de l’égalité de genre y soit intégrée de manière transversale. Par ailleurs, 20% de l’aide publique au développement devrait être affectée à l’égalité de genre, selon les recommandations du Groupe d’experts des Nations unies pour le financement de l’égalité de genre. Sur le total de l’aide bilatérale au développement en 2006-2007 (59,2 milliards de dollars), seuls 10,2 milliards avaient l’égalité de genre pour objectif principal ou secondaire, soit moins de 12%. L’agence NU Femme, créée en janvier 2011 réunit les quatre agences existantes consacrées au genre : Division de la promotion de la femme (DAW), Institut international de recherche et de formation pour la promotion de la femme (INSTRAW), Bureau de la Conseillère spéciale pour la problématique hommes-femmes (OSAGI) et Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM). _ C’est une étape importante pour donner au genre une place centrale dans le développement, mais son budget initial de 500 millions de dollars est beaucoup trop faible : à titre de comparaison, le budget de l’UNICEF représente en 2009 3,6 milliards de dollars, celui du PNUD est de 5 milliards de dollars en 2008. La place d’ONU Femmes au sein du système onusien, son niveau de financement et son mode d’organisation influeront beaucoup sur l’ampleur et l’efficacité de la lutte contre les inégalités de genre au niveau mondial. La France doit contribuer à assurer à ONU Femmes une forte capacité d’action et un budget suffisant, dont le montant initial devrait être au minimum d’un milliard de dollars.

 


Sexe ou genre ?
 Encore peu utilisé en France, le terme "genre" est le terme de référence pour les organisations internationales et les ONG.

 Plus complète que la notion de "relation hommes-femmes", la notion de genre permet de rendre compte de 4 dimensions :
 – construction sociale : contrairement au sexe, le genre est construit par la société
 – approche relationnelle : le genre correspond à la relation socialement construite entre les hommes et les femmes
 – rapport de pouvoir : la relation hommes-femmes est hiérarchisée
 – intersectionnalité : la relation hommes-femmes est pensée en lien avec les autres catégories : la race, l’âge, la classe sociale, la sexualité.

En savoir plus

a justice de genre au centre des actions d'Oxfa[Note d'Oxfam France sur les inégalités de genre->/IMG/pdf/Inegalites_de_Genre_Oxfam_France.pdf] Paroles de femmes[Témoignage d’Irma Castillo->Revolution-c-est-mon-nom,957], membre d’une coopérative à Cuba – [Elham Sa’ah, directrice d’une coopérative en Cisjordanie->http://www.oxfam.org/fr/content/cisjordanie-cooperative-femmes-apiculture][Yema Gharti, agricultrice et mère célibataire au Népal->http://www.oxfam.org/fr/campaigns/climatechange/nepal-nouvelle-vie-yema-gharti-femme-autonome] – Femmes au Pakistan : ["Avec mon argent j’ai compris que je n’étais redevable à personne"->http://www.oxfam.org/fr/emergencies/inondations-pakistan-2010/pakistan-femmes-emancipation-argent-travail][Mamtaz Begum, veuve à cause du changement climatique, Bangladesh->Nouvel-article,970] – En 2008, à l’occasion de la journée internationale contre les violences faites aux femmes, Oxfam France rappelait que [les femmes sont les grandes victimes des conflits->Journee-internationale-contre-les,096][Tribune d’Helena Christensen->http://www.oxfam.org/fr/campaigns/climatechange/23-paragraphes-helena-christensen] sur les femmes et les conséquences du changement climatique, lors du sommet de Copenhague En anglais[Le blog de Duncan Green->http://www.oxfamblogs.org/fp2p/] – Rapport Oxfam : [La question Hommes/femmes dans la crise économique mondiale->http://www.oxfam.org/fr/policy/question-hommes-femmes-crise-economique-mondiale] – Rapport d’Oxfam et VSO UK : [A Blueprint for UN Women : la lutte contre les violences faites aux femmes doit être la priorité d’ONU Femmes->http://www.oxfamsol.be/fr/La-violence-doit-etre-une-priorite.html] _ Lire le [communiqué de presse en français->http://www.oxfamsol.be/fr/La-violence-doit-etre-une-priorite.html] sur le site d'Oxfam Solidarité _ Oxfam a participé a plusieurs réunions dans le cadre de la [Commission de la condition de la femme->http://www.unwomen.org/fr/how-we-work/csw/] (CSW) des Nations unies, à New York. _ Oxfam Novib a notamment organisé un événement autour de la présentation des résultats d'une enquête de la société civile sur la nouvelle agence des Nations unies "ONU Femmes".