Avec des superprofits de 1000 milliards de dollars par an, les grandes entreprises mondiales ont encore franchi un cap dans l’indécence.
Réaction d’Oxfam au classement « Global 2000 » de Forbes

Oxfam renouvelle son appel en faveur d’une taxation ambitieuse des superprofits. Les superprofits des grandes entreprises, des profits tombés du ciel, atteignent le chiffre indécent de 1 000 milliards de dollars par an en 2021 et 2022 alors qu’une forte inflation frappe en premier lieu les personnes les plus précaires depuis près d’un an. Dans ce contexte, Oxfam renouvelle son appel en faveur d’une taxation réellement ambitieuse des superprofits.     

A RETENIR

722 multinationales ont engrangé chaque année 1 000 milliards de dollars de bénéfices exceptionnels en 2021 et 2022.

Une taxe de 90 % sur les superprofits de l’année dernière aurait pu  générer 941 milliards de dollars – sommes qui pourraient être mobilisées pour lutter contre la pauvreté et le dérèglement climatique.

Oxfam appelle à une taxation permanente des superprofits dans tous les secteurs.

Alors que les bénéfices ont augmenté, un milliard de travailleurs dans 50 pays ont subi une baisse de salaire à long terme de 746 milliards de dollars en 2022.

L’extrême richesse et l’extrême pauvreté ont augmenté simultanément pour la première fois en 25 ans.

 

Des profits tombés du ciel et toujours aussi indécents

Au cours des deux dernières années, 722 des plus grandes entreprises mondiales ont engrangé ensemble des superprofits estimés à plus de 1 000 milliards de dollars annuels, dans un contexte de flambée des prix et des taux d’intérêt, alors que des milliards de personnes à travers le monde sont contraintes de réduire leurs dépenses et souffrent de la faim.

L’analyse par Oxfam du classement « Global 2000 » de Forbes montre que ces entreprises ont réalisé 1090 milliards de dollars de dollars de profits tombés du ciel en 2021 et 1010 milliards dollars en 2022, soit un bond de 89 % des bénéfices totaux par rapport à la moyenne des bénéfices totaux de 2017-2020. Pour cette analyse, les bénéfices exceptionnels sont définis comme ceux qui dépassent de plus de 10 % les bénéfices moyens de la période 2017-2020.

45 entreprises du secteur de l’énergie ont réalisé en moyenne cumulés 237 milliards de dollars de bénéfices exceptionnels par an en 2021 et 2022. Les gouvernements auraient pu augmenter de 31 % les investissements mondiaux dans les énergies renouvelables s’ils avaient taxé à 90 % les superprofits que les producteurs de pétrole et de gaz ont versés à leurs riches actionnaires l’année dernière. En France, en 2022, TotalEnergies a engrangé environ 19 milliards d’euros de bénéfice net dont environ 10 milliards versés aux actionnaires. On compte aujourd’hui 96 milliardaires de l’énergie dont la fortune cumulée s’élève à près de 432 milliards de dollars (soit 50 milliards de plus qu’en avril 2022). Oxfam et plusieurs associations demandent d’ailleurs dans une pétition collective la taxation immédiate des entreprises des énergies fossiles.

En 2021 et 2022, 18 entreprises du secteur alimentaire ont réalisé chaque année en moyenne 14 milliards de dollars de superprofits, soit suffisamment pour combler plus de deux fois le déficit de financement de 6,4 milliards de dollars nécessaire à la fourniture d’une aide alimentaire vitale en Afrique de l’Est.

Pour Stanislas Hannoun, Chef du pôle Justice fiscale et inégalités :

« Il est plus que temps que les grandes entreprises prennent leur part dans la réduction des inégalités car il est maintenant établi qu’elles jouent un rôle crucial dans l’accélération de l’inflation en profitant de la crise du coût de la vie pour augmenter leurs marges. L’étude du FMI souligne que ces profits tombés du ciel étaient responsables de près de la moitié de l’augmentation de l’inflation en Europe au cours des deux dernières années. Bruno Le Maire serait bien inspiré de lire cette étude durant ses vacances d’été. »

La France doit revoir sa copie en étant plus ambitieuse que l’UE

La contribution européenne exceptionnelle votée fin 2022 a été une occasion ratée pour l’Union européenne de protéger ses citoyens qui subissent des hausses de prix massives notamment sur les biens alimentaires et l’énergie depuis 7 mois. Trop peu ambitieuse, cette contribution s’applique uniquement aux énergéticiens alors que de très nombreux autres secteurs ont profité des crises pour augmenter leurs marges. L’Union européenne a par ailleurs pris soin de ne proposer qu’une contribution exceptionnelle et non une taxe pérenne qui garantirait pourtant des recettes fiscales sur la durée.

Pour Stanislas Hannoun, Responsable de campagnes Justice fiscale et inégalités :

« Ces montants faramineux de superprofits sont une nouvelle illustration de l’accélération du creusement des inégalités qu’on observe depuis 3 ans maintenant. En choisissant de s’aligner sur la contribution européenne exceptionnelle, la France n’est pas à la hauteur de l’enjeu. Une taxation ambitieuse des superprofits des grandes entreprises françaises pourrait contribuer à protéger les personnes les plus fragiles grâce au financement de services publics de qualité. »

« Oxfam France et l’Alliance Écologique et Sociale ont estimé qu’une taxation ambitieuse des superprofits des grandes entreprises françaises permettrait de dégager entre 10 et 20 milliards d’euros par an, soit 50 à 100 fois ce qu’a prévu le gouvernement dans le Projet de Loi Finances 2023. »

 

Des recettes pour financer les services publics et la transformation écologique

Pour Stanislas Hannoun :

« Une des réponses aux émeutes et à la crise sociale qui frappent les quartiers populaires doit être un investissement massif dans les services publics délaissés dans ces quartiers. Une taxation ambitieuse de ces profits tombés du ciel est une des solutions que Bruno Le Maire et Emmanuel Macron doivent envisager pour réduire les inégalités et financer la transformation écologique »

Nos recommandations

 

Une taxe ambitieuse sur les superprofits devrait être:

– Dans le cas de la France, sur les ventes (ou sur une distribution du bénéfice global en fonction des ventes nationales) pour permettre de capter les entreprises comme Total qui délocalisent leurs bénéfices.

– Applicable à tous les secteurs. Un impôt exceptionnel devrait être appliqué à toutes les grandes entreprises réalisant des superprofits, quel que soit le secteur. Plusieurs secteurs ont enregistré des bénéfices supplémentaires et le fait de limiter le prélèvement à un ou deux secteurs limiterait le potentiel d’un impôt exceptionnel.

– Activable automatiquement. Une taxe sur les superprofits des grandes entreprises devrait s’appliquer automatiquement pendant les périodes de bénéfices excessifs afin de garantir une mise en œuvre rapide et efficace. Elle ajouterait de la certitude au cadre fiscal pour les entreprises et les investisseurs et encouragerait les multinationales à réinvestir les bénéfices excédentaires dans les employés, les investissements productifs ou la réduction des prix.

– Applicable sur les superprofits réalisés sur le territoire. L’impôt s’appliquerait sur les superprofits d’une société dans une juridiction spécifique, plutôt que sur les bénéfices consolidés dans le pays du siège social. Cette approche est plus facile à mettre en œuvre et permet d’éviter les situations de double imposition. Des mesures devraient être mises en place simultanément pour éviter la délocalisation artificielle des bénéfices vers des pays n’appliquant pas une telle taxe.

– Ambitieuse. Le champ d’application, le taux d’imposition et l’assiette fiscale doivent être suffisamment larges pour générer des revenus et corriger les effets de distorsion du marché. Il faut s’assurer que le montant payé au titre de l’impôt ne sera pas déductible de l’impôt sur les sociétés et ne sera pas compensé par l’activation d’actifs d’impôts différés. L’aspect rétroactif de la taxe doit également être pris en compte afin de prendre en compte le maximum de superprofits réalisés pendant la crise. En France, cela passe par l’adoption d’une telle taxe dans un budget rectificatif pour être appliqué en 2022.

– Affectée sur des dépenses précises. Les recettes d’un impôt exceptionnel devraient être utilisées pour soutenir, mais pas uniquement, les personnes les plus touchées par la crise, afin d’accroître les effets distributifs de la mesure, tant au niveau national qu’international. Les recettes d’un impôt exceptionnel pourraient financer, par exemple, des régimes de protection sociale visant à minimiser l’effet disproportionné de l’inflation ou des réductions sur les factures des ménages pauvres pour compenser l’augmentation des prix de l’électricité et du gaz.

 

 

NOTES AUX RÉDACTIONS

Taxer les superprofits : pourquoi c’est indispensable – Oxfam France

Oxfam et plusieurs associations demandent d’ailleurs dans une pétition collective la taxation immédiate des entreprises des énergies fossiles.

Consultez la note méthodologique 

 L’institut des politiques publiques estimait en décembre dernier que la « contribution temporaire de solidarité » rapporterait « entre 1,15 et 3,9 milliards d’euros » au budget 2023, tandis que le gouvernement tablait lui sur 200 millions d’euros de recettes dans le Projet de Loi de FInances 2023.

CONTACTS PRESSE :

Stanislas Hannoun :  shannoun@oxfamfrance.org /  07 69 17 49 63