La presse étrangère a récemment annoncé la suspension des activités de construction de l’oléoduc entre l’Ouganda et la Tanzanie, destiné à transporter le pétrole en provenance du projet géant mené par Total et ses partenaires Tullow et CNOOC en Ouganda, suite à un différend avec l’administration fiscale ougandaise.

Les sommes en jeu sont à l’aune du gigantisme du projet pétrolier : si les informations publiques sur le désaccord restent parcellaires, il semblerait que celui-ci porte sur une taxe sur la plus-value à la revente de ses titres de 167 millions de dollars – contestée par le vendeur Tullow, et sur la demande par Total et CNOOC de pouvoir déduire fiscalement les 617 millions de dollars d’actifs récupérés– rejetée par l’administration ougandaise [1].

Pour Caroline Avan, chargée du plaidoyer sur les industries extractives chez Oxfam France : « Le manque de transparence autour des conditions fiscales des contrats pétroliers n’est pas un fait nouveau et n’est pas spécifique à l’Ouganda. Mais la récurrence des tensions entre l’administration ougandaise et les pétroliers présents dans le pays souligne un autre problème plus systémique : les contrats – et leurs provisions fiscales afférentes – ne sont toujours pas publics et par conséquent ne peuvent être analysés ni par la société civile, ni par les populations qui sont les premières concernées. Il en résulte un sentiment d’impuissance pour les citoyen-nes ougandais-ses. C’est d’autant plus regrettable quand on sait que Total est devenue en février 2018, la première grande entreprise pétrolière à se prononcer en faveur de la transparence de contrats [2]»

« L’Ouganda doit utiliser son droit souverain à taxer les transactions prenant place sur son territoire, dans un contexte d’optimisation fiscale agressive des entreprises transnationales » rappelle Caroline Avan porte-parole d’Oxfam France. Mais nous déplorons également des manquements sérieux aux droits des populations en Ouganda à être informées sur les décisions qui les affectent ».

Les communautés directement affectées par les travaux de construction de l’oléoduc n’ont pas été tenues informées quant à la suspension des travaux. Cet arrêt brutal intervient alors que des rapports montrent que les propriétaires de terres situées sur le tracé de l’oléoduc n’ont toujours reçu aucune précision au sujet de leur compensation pour future expropriation. Certains ont d’ores et déjà arrêté de planter – mettant ainsi en jeu leurs revenus futurs. Ici encore, le droit au consentement préalable, libre et informé des populations concernées est bafoué. L’étude d’impact sur les droits humains – commissionnée par les compagnies – n’a notamment pas été publiée.

« L’intérêt financier des pétroliers en Ouganda semble donc bel et bien primer sur les droits des communautés et servir de justification à des tactiques de coups de force dans un contexte où les informations restent dans les mains de ceux qui ont le pouvoir », ajoute Caroline Avan, porte-parole d’Oxfam France.

Oxfam appelle le gouvernement de l’Ouganda à publier les contrats pétroliers afin que les citoyens ougandais puissent enfin analyser les conditions fiscales de l’extraction des ressources naturelles de leur pays, ainsi qu’à exiger que l’étude d’impact sur les droits humains de la construction de l’oléoduc soit publiée. L’ONG appelle également les compagnies pétrolières à respecter le droit de l’Ouganda à taxer les transactions et à améliorer sa communication envers les communautés concernées, dans le respect de leur droit à l’information.

Contact presse

Pauline Leclère – 07 69 17 49 63 – pleclere@oxfamfrance.org

Notes aux rédactions

[1] D’après les informations publiées dans les médias et analysées par Oxfam, cet arrêt résulterait de l’expiration de l’offre de vente de 21,57% de ses parts par Tullow Oil à ses partenaires CNOOC et Total pour 900 millions de dollars. Après plus de deux ans de tractations, il n’a pas été possible de trouver un accord sur le traitement fiscal de cette vente entre l’administration fiscale ougandaise et les trois partenaires. Ceux-ci semblent donc décidés à faire jouer le rapport de force. Ce n’est pas le premier différend sur un sujet de fiscalité pétrolière en Ouganda : en 2018, un différend entre Total et l’administration fiscale avait été réglé auprès du Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements, par un accord resté secret.

[2] : Selon le FMI, la publication des contrats est maintenant devenue la norme globale pour une meilleure redevabilité dans l’utilisation des ressources (Fiscal Transparency Initiative : Integration of Natural Resource Management Issues, disponible ici en anglais). Il s’agit maintenant d’une obligation pour les nouveaux contrats pour les pays membres de l’Initiative pour la Transparence des Industries Extractives (ITIE). L’Ouganda ne fait cependant pas partie de l’ITIE, mais Total est membre de son Conseil d’administration.

Communiqué d’Oxfam le 13 février 2019 « Total se prononce en faveur de la transparence des contrats pétrolier : maintenant place aux actes ! »