Pandémie, guerre, crise de la vie chère, la succession de crises a accéléré les inégalités : depuis 2020, les 1% les plus riches ont capté 63% des richesses produites, près de deux fois plus que le reste de la population mondiale. Au cours des dix dernières années, ils avaient capté environ la moitié des nouvelles richesses.

C’est le constat révélé par Oxfam dans son dernier rapport sur les inégalités mondiales intitulé « « La loi du plus riche  » et publié en marge du Forum économique mondial de Davos. Un constat partagé : d’après la Banque mondiale, les inégalités mondiales et la pauvreté connaissent leur plus forte augmentation depuis la Seconde Guerre mondiale.

En parallèle du rapport international, Oxfam France propose son focus France intitulé F(r)actures de la crise.

Chiffres clefs du rapport

Monde

  • Depuis 2020, deux tiers des richesses mondiales produites ont été captées par les 1% les plus riches.
  • Les milliardaires ont gagné 2,7 milliards de dollars par jour depuis 2020 grâce à l’intervention publique face au coronavirus
  • Un impôt allant jusqu’à 5% sur la fortune des multimillionnaires et des milliardaires du monde entier pourrait rapporter 1 700 milliards de dollars par an, soit une somme suffisante pour sortir 2 milliards de personnes de la pauvreté, combler le déficit de financement des appels humanitaires actuels et mettre en œuvre un plan d’éradication de la faim sur dix ans. .

France

  • La fortune des milliardaires français a augmenté de plus de 200 milliards d’euros depuis 2020 (+58%).
  • Les 10 premiers milliardaires ont gagné 189 milliards d’euros, l’équivalent de deux ans de factures de gaz, d’électricité et de carburant des Français.es.
  • Taxer la fortune des milliardaires français à hauteur d’à peine 2% permettrait de financer le déficit attendu des retraites.
  • Avec une fortune de 179 milliards d’euros, Bernard Arnault est désormais l’homme le plus riche de la planète. Sa fortune correspond à l’équivalent de celle de près de 20 millions de Français.es.

En France comme dans le monde, les milliardaires surfent sur les crises

L’intervention publique face au coronavirus a permis un enrichissement sans précédent des milliardaires à travers le monde qui ont gagné plus de 2,7 milliards de dollars par jour depuis le début de la crise. La France ne fait pas exception : les milliardaires français ont gagné plus de 200 milliards d’euros depuis 2020 (+58%).

Pour Quentin Parrinello, porte-parole d’Oxfam France :

« Les milliardaires ont été les premiers gagnants de la réponse au coronavirus. A eux seuls les 10 premiers milliardaires français ont engrangé 189 milliards d’euros depuis 2020, assez pour couvrir les factures de gaz, d’électricité et de carburant de tous les ménages français pendant deux ans. »

Alors que l’intervention publique pour faire face au coronavirus a progressivement pris fin, certains milliardaires ont continué de s’enrichir sur la crise de la vie chère. Rodolphe Saadé, propriétaire de la CMA-CGM, géant du fret maritime qui transporte des aliments du bout du monde jusque dans nos étals, a réalisé des superprofits en 2022. Il a multiplié sa fortune par cinq en deux ans, en gagnant 28 milliards d’euros.

Tout en haut, Bernard Arnault est désormais l’homme le plus riche au monde avec 179 milliards d’euros.

Pour Quentin Parrinello :

« Avec 179 milliards d’euros, Bernard Arnault possède désormais une fortune supérieure à près de 20 millions de Français.es. Difficile de se rendre compte de la magnitude de sa fortune. Pour donner un ordre d’idée, en gagnant au loto tous les jours depuis l’Armistice de 1918 vous ne posséderiez même pas la moitié de sa fortune ».

Et pendant ce temps les factures explosent

La crise n’a pas fait que des gagnants, loin de là. L’explosion des prix de l’énergie et des biens de première nécessité a frappé en particulier les plus précaires. Plus de 820 millions de personnes souffrent aujourd’hui de la faim. 60% d’entre elles sont des filles et des femmes. Ces prix sont tirés vers le haut par les superprofits réalisés par les entreprises de l’énergie et l’agro-alimentaire. Les profits de ces entreprises représentent la moitié de la hausse des prix dans plusieurs pays.

En France l’impact est visible : la fréquentation des Restos du cœur a augmenté de 12% en 6 mois. Quatre Français.es sur dix ont le sentiment de devoir restreindre leur alimentation tandis que deux Français.es sur dix n’ont pas réussi à payer l’ensemble de leurs factures en 2022.

Dans le cadre de son enquête statistiques annuelle, le Secours Catholique a rencontré un grand nombre de personne en situation de précarité victimes de la hausse du prix de l’énergie et des denrées alimentaires. Pour Valérie, « c’est un stress existentiel qui colle à la peau. Il y a des besoins vitaux qu’on ne peut pas satisfaire, pour manger, pour se chauffer, pour se soigner parfois. ».

Pour Christian, « Il y a l’angoisse de la prochaine facture, même si nous mettons tout en œuvre pour diminuer la consommation. Parfois, on finit par ne plus chauffer l’appartement du tout, ou chauffer une seule pièce. »

Avec la réforme des retraites, le gouvernement veut faire payer la facture de la crise aux plus précaires

Le gouvernement a dépensé des dizaines de milliards d’euros pour combattre la crise de la vie chère, les plus riches ont été les principaux bénéficiaires des mesures gouvernementales et les plus précaires n’ont pas été assez protégés. Selon l’Insee, les Français ont perdu 760 euros malgré l’intervention du gouvernement.

En annonçant un retour à la normale des comptes publics d’ici 2027, le gouvernement est pourtant en train de faire payer la facture de la crise aux premières victimes plutôt que faire contribuer ceux qui en ont le plus profité : baisse des indemnités chômage, restriction des critères d’allocation, report de l’âge de départ à la retraite à 65 ans, etc.

« La réforme des retraites est profondément injuste : repousser l’âge de départ, c’est priver de retraites les plus précaires : à 62 ans, un quart des hommes les plus pauvres en France sont déjà morts contre 5% des plus riches »

« Avec cette réforme, le gouvernement fait le choix de faire payer la facture de la crise à des Valérie ou des Christian, qui subissent la crise de la vie chère de plein fouet, plutôt que de mettre un Bernard Arnault à contribution. On pourrait financer nos retraites avec une contribution d’à peine 2% sur la fortune des milliardaires ».

La France n’est malheureusement pas une exception. Plus de 75% des gouvernements à travers le monde prévoient des mesures d’austérité en réduisant leurs dépenses de santé, d’éducation, ou de protection sociale afin d’économiser plus de 7 500 milliards d’euros (7 800 milliards de dollars).

Comment protéger les Français-e-s de la crise ?

Oxfam appelle le gouvernement à mettre en place des aides plus importantes ciblant celles et ceux qui subissent le plus la crise de la vie chère. Des investissements structurels sont également nécessaires pour renforcer notre résilience face à des prochaines crises. Ces investissements, dans le logement, les transports en commun, les services publics, l’eau, etc. permettraient un double bénéfice : réduire notre dépendance aux énergies fossiles tout en réduisant nos factures.

Pour Quentin Parrinello « Une aide d’urgence est nécessaire, pour celles et ceux qui subissent le plus la crise de la vie chère. Mais sans investissement structurels pour réduire notre dépendance aux énergies fossiles, dans l’isolation thermique, pour faire baisser nos factures de chauffage, dans des services publics de proximité, pour faire baisser notre dépendance à la voiture, la France sera condamnée à dépenser chaque fois plus pour faire face aux crises. »

« Protéger les plus précaires, investir pour réduire notre dépendance aux fossiles, ces mesures ont un coût, qui vient s’ajouter à la facture du coronavirus, et de la réponse à la vie chère. Pour y faire face, Oxfam appelle à une augmentation des impôts sur les ultra-riches une vraie taxe sur les superprofits et des mesures de lutte contre l’évasion fiscale afin de faire contribuer ceux qui ont profité de la crise. »

Gabriela Bucher, directrice générale de Oxfam International, rajoute :

« L’imposition des personnes riches est une condition préalable stratégique si l’on veut réduire les inégalités et éviter d’affaiblir la démocratie. Nous devons la réinstaurer pour soutenir l’innovation, renforcer les services publics et favoriser le bien-être et la santé des sociétés »

D’après une nouvelle analyse publiée par Fight Inequality Alliance, l’Institute for Policy Studies, Oxfam et Patriotic Millionaires, un impôt annuel allant jusqu’à 5 % sur la fortune des multimillionnaires et des milliardaires du monde pourrait rapporter 1 700 milliards de dollars par an. Cette somme suffirait pour sortir 2 milliards de personnes de la pauvreté, combler le déficit de financement des appels humanitaires actuels et mettre en œuvre un plan d’éradication de la faim sur dix ans.

Le détail des recommandations d’Oxfam France pour faire face à la crise est disponible en note.

Contacts presse

Stanislas Hannoun | shannoun@oxfamfrance.org | 07 69 17 49 63

Marika Bekier I mbekier@oxfamfrance.org I 06 24 34 99 31

 

Les recommandations d’Oxfam

Taxer les plus riches

  • Rétablir un impôt de solidarité sur les grandes fortunes repensé, qui prenne en compte les failles du précédent dispositif et intègre un malus indexé sur l’empreinte carbone de leurs investissements.
  • Mettre fin à la flat tax de manière à appliquer le même barème aux revenus du travail et du capital.
  • Réformer les droits de succession qui simplifie le système et cible les super-héritages : introduction d’un abattement unique à vie, suppression des niches fiscales, etc.

Taxer les superprofits

  • Taxer les superprofits en couvrant l’ensemble des secteurs ayant profité de la crise, avec une base fiscale moins vulnérable à l’évasion fiscale.[i]

Lutter réellement contre l’évasion fiscale

  • Instaurer impôt minimum effectif ambitieux pour les multinationales : supérieur à 15% des bénéfices et sans exonération, pour lutter contre les paradis fiscaux.
  • Mettre en place une taxation unitaire qui permet de taxer les multinationales là où elles ont une activité économique réelle (salariés, ventes, actifs).
  • rétablir une exit tax pour lutter contre les riches particuliers qui délocalisent leurs actifs.

Ces mesures fiscales permettraient de récolter entre 60 et 80 milliards d’euros et financer des mesures d’urgence et des mesures structurelles :

Protéger les Français-e-s de la crise

  • Augmenter le salaire minimum et convoquer une conférence des salaires pour protéger les bas salaires des impacts de la crise de la vie chère
  • Mettre en place des aides ciblées en complément des hausses de salaires pour les plus vulnérables : chèque énergie, chèque alimentaire.

Diminuer les dépenses contraintes et sortir de notre dépendance aux fossiles

  • Dégager des moyens supplémentaires pour la rénovation thermique des logements et limiter la dépendance au gaz : au moins 3 milliards de plus chaque année. Cibler les aides vers les plus modestes pour leur garantir un reste à charge de 0€.
  • Investir dans la maintenance et le développement de transports en commun du quotidien et la mobilité douce pour limiter la dépendance à la voiture : au moins 3 milliards d’euros par an pour le train (lignes de desserte fine, RER métropolitains), et 1 milliard d’euros pour les autres transports en commun et le vélo (plan vélo ambitieux, bus à haut niveau de service).
  • Mettre en place des tarifications progressives de l’eau et de l’énergie pour garantir à chacun un accès de base tout en désincitant les abus. Des mesures particulières doivent être prises pour les passoires thermiques.
  • Garantir un accès de proximité aux services publics et lutter contre les déserts médicaux à travers la construction de structures de proximité (en matière de santé, d’éducation, de service à la personne, etc.), en recrutant et en revalorisant les carrières.

>Notes aux rédactions

Téléchargez La loi du plus riche et la note méthodologique expliquant comment Oxfam a compilé les statistiques du rapport.

Rapport en anglais : https://www.oxfamfrance.org/app/uploads/2023/01/Davos_2023_full-report_English_EMBARGOED.pdf

Note méthodologique du rapport : https://www.oxfamfrance.org/app/uploads/2023/01/Note-methodologique-Oxfam-International.pdf

Note méthodologique du Focus France « Les f(r)actures de la crise » : https://www.oxfamfrance.org/app/uploads/2023/01/Note-methodologique-Davos-France-2023-2.pdf

 

Les calculs d’Oxfam sont fondés sur les données les plus complètes et les plus actuelles disponibles. Les données sur les personnes les plus riches proviennent du classement des milliardaires de Forbes au 30 novembre 2022. Elles ont été ajustées de l’inflation en utilisant l’indice CPI et converties en euros.

Gabriela Bucher sera présente au Forum Economique de Davos pour répondre aux questions médias.

D’après la Banque mondiale, l’extrême pauvreté a augmenté en 2020 pour la première fois en 25 ans. Parallèlement, l’extrême richesse a augmenté de manière spectaculaire depuis le début de la pandémie.

D’après les données du Crédit Suisse, si les 1 % les plus riches ont capté 54 % des nouvelles richesses mondiales au cours de la dernière décennie, ce chiffre est passé à 63 % durant les deux dernières années. 42 000 milliards de dollars de nouvelles richesses ont été produites entre décembre 2019 et décembre 2021. 26 000 milliards de dollars (63 %) ont été captés par les 1 % les plus riches, alors que le reste de l’humanité n’a capté que 16 000 milliards de dollars (37 %).

Au niveau mondial, les milliardaires se sont enrichi·es de 2 600 milliards de dollars depuis la pandémie, malgré une légère réduction de leur fortune en 2022 après les gains sans précédent enregistrés en 2021. La fortune des plus riches du monde augmente à nouveau en novembre 2022.

La Banque mondiale a annoncé que l’objectif d’éradication de l’extrême pauvreté à l’horizon 2030 ne pourra probablement pas être atteint et que « la réduction de l’extrême pauvreté était au point mort » dans un contexte où les inégalités mondiales risquent de connaître leur plus forte augmentation et où la lutte contre la pauvreté dans le monde a connu son plus grand recul depuis la Seconde Guerre mondiale. La Banque mondiale définit l’extrême pauvreté comme le fait de vivre avec moins de 2,15 dollars par jour.

Oxfam utilise le seuil de pauvreté de 6,85 dollars pour calculer le nombre de personnes (2 milliards) qui pourraient sortir de la pauvreté grâce à un impôt annuel allant jusqu’à 5 % de la fortune des multimillionnaires et des milliardaires du monde entier.

Au 30 novembre 2022, Bernard Arnault possédait 179 milliards d’euros. Selon les données du Crédit Suisse, corrigées de l’inflation et converties en euros, les 30% des Français-e-s les plus précaires possèdent une fortune cumulée de près de 150 milliards d’euros.

A raison d’un gain au loto de 2 millions d’euros par jour, et sachant qu’il y a un peu plus de 38 000 jours entre le 11 novembre 1918 et le 16 janvier 2023, date de sortie du rapport, le gain cumulé représenterait 76 milliards d’euros, soit moins de 43% de la fortune de Bernard Arnault.

Selon Allianz, en 2022, la facture annuelle des ménages français concernant le gaz, l’électricité et l’essence s’élèvera à 2800 euros en moyenne. A raison de 30 millions de ménages en France selon l’INSEE, cela donne une facture de 84 milliards d’euros (ou 168 milliards d’euros pour deux ans).

Les témoignages de l’impact de l’inflation sont issus du rapport annuel du « Secours Catholique » intitulé « Etat de la pauvreté en France 2022, à l’épreuve des crises » publié en novembre 2022. Les noms ont été changés.

L’estimation du déficit de financement des retraites est basée sur les travaux du Conseil d’Orientation des Retraites. Ce dernier estime que le deficit représentera en moyenne 0,5 points de PIB sur les prochaines années (entre 0,2 et 0,8 points), soit 12 milliards d’euros.

Retrouvez les 15 mesures du manifeste fiscal publié par Oxfam France permettant de dégager 65 milliards d’euros de recettes par an pour financer les services publics et notre modèle social.