En réaction à l’annonce par les dirigeants du G7 du déblocage de 4,5 milliards de dollars pour lutter contre la crise alimentaire mondiale, Guillaume Compain, chargé de campagne sécurité alimentaire chez Oxfam France, déclare :

« Face à la pire crise alimentaire depuis une génération, le G7 n’a pas pris la mesure de l’enjeu et risque de laisser des millions de personnes dans des situations dramatiques de faim et de famine. Au 28 juin, le Programme Alimentaire Mondial évoque en effet le chiffre de 866 millions de personnes risquant de souffrir de la faim cette année. Nous avons besoin de mesures conséquentes pour soutenir la résilience alimentaire des populations les plus touchées, et ces 4,5 milliards de dollars sont loin du compte ».

Le G7 aurait dû prendre des mesures beaucoup plus ambitieuses

Pour Guillaume Compain, « le G7 aurait pu faire beaucoup mieux pour lutter contre la crise actuelle : annuler les dettes des nations les plus pauvres, taxer les surprofits des entreprises du secteur agro-alimentaire et énergétique et s’attaquer aux causes profondes de la faim comme les inégalités économiques et la dégradation du climat. Les dirigeants du G7 n’ont rien fait de tout cela ».

Comme l’explique Oxfam, pour chaque dollar d’aide accordé, les pays pauvres doivent rembourser deux dollars à leurs créanciers, souvent des banques de Paris ou de Londres qui réalisent d’énormes bénéfices. Le G7 aurait dû annuler ces dettes pour permettre aux pays de dépenser leur argent pour nourrir leur population plutôt que des grands groupes financiers. Les bénéfices des entreprises ont grimpé en flèche pendant la période COVID-19 et le nombre de milliardaires a plus augmenté en 24 mois qu’en 23 ans, tandis que les entreprises du secteur de l’énergie et de l’alimentation réalisent des bénéfices énormes, avec désormais 62 nouveaux milliardaires de l’alimentation. Le G7 avait l’occasion de taxer les grands gagnants de ces crises.

Pour Oxfam, les personnes et les entreprises qui ont profité de la flambée des prix de l’énergie et des denrées alimentaires depuis le début de la pandémie, et maintenant de la Guerre en Ukraine, doivent être mises à contribution afin de s’attaquer collectivement à l’insécurité alimentaire et à la faim dans le monde.

Mieux coordonner la réponse internationale et engager les ressources suffisantes

Selon Guillaume Compain, « Il est assez ironique de constater que lorsque le G7 s’était réuni au même endroit en 2015, il s’était engagé à sortir 500 millions de personnes de la faim. Sept ans plus tard, ce sont au contraire 251 millions de personnes supplémentaires qui connaissent la faim dans le monde ».

Oxfam insiste pour que l’Alliance mondiale pour la sécurité alimentaire (GAFS) lancée par le G7 collabore étroitement avec les agences onusiennes reconnues pour leur rôle dans la gouvernance internationale de l’alimentation et de l’agriculture, notamment le Comité de la Sécurité Alimentaire mondiale (CSA).
En outre, le G7 doit financer l’appel humanitaire mondial de 46 milliards de dollars, qui n’est abondé qu’à hauteur de 20 % aujourd’hui. Les pays du G7 doivent combler fortement et promptement ce déficit de financement de 37 milliards de dollars.

Notes aux rédactions :

  • L’Afrique de l’Ouest est actuellement confrontée à sa pire crise alimentaire de la décennie, avec 27 millions de personnes souffrant de faim aigue. Ce chiffre pourrait passer à 38 millions – un niveau sans précédent – si des mesures urgentes ne sont pas prises.
  • En Afrique de l’Est, on estime qu’une personne meurt de faim toutes les 48 secondes en Éthiopie, au Kenya et en Somalie, pays ravagés par la sécheresse, car les actions sont restées trop lentes et trop limitées pour empêcher la crise de la faim de s’aggraver. Le déficit pluviométrique de la dernière saison dans ces trois pays a été le plus grave depuis au moins 70 ans.
  • Au Yémen et en Syrie, des conflits prolongés ont anéanti les moyens de subsistance des populations. Au Yémen, plus de 17 millions de personnes, soit plus de la moitié de la population, n’ont pas assez de nourriture et certaines zones du pays connaissent des conditions proches de la famine. Six Syriens sur dix, soit 12,4 millions de personnes, ont du mal à accéder à un repas quotidien. De nombreuses familles ont ainsi recours à des mesures extrêmes pour s’en sortir : s’endetter pour acheter de la nourriture, retirer les enfants de l’école pour les faire travailler et réduire le nombre de repas par jour. Le mariage précoce des jeunes filles pour éviter de nourrir une bouche supplémentaire est une autre stratégie d’adaptation qui s’est multipliée.
  • Le dernier rapport de la FAO sur l’Etat de la sécurité alimentaire dans le monde (page 10) montre que 615 millions de personnes avaient faim en 2015, tandis que le PAM évoque au 28 juin 866 millions de personnes qui pourraient souffrir de la faim cette année. Le différentiel entre ces deux chiffres est de 251 millions. Lors de leur dernière réunion en Allemagne en 2015, les membres du G7 avaient fait la déclaration suivante dans leur communiqué : « Dans le cadre d’un vaste effort impliquant nos pays partenaires et les acteurs internationaux, et en guise de contribution significative au Programme de Développement pour l’après-2015, nous visons à sortir 500 millions de personnes de la faim et de la malnutrition dans les pays en développement d’ici 2030. »
  • Selon le service de suivi financier du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), il existe un déficit de financement de 37 milliards de dollars pour les appels humanitaires actuels.
  • Selon le rapport Ceres2030 : Sustainable Solutions to End Hunger, qui présente un plan décennal pour éradiquer la faim, 330 milliards de dollars supplémentaires seraient nécessaires sur 10 ans pour atteindre cet objectif. Le déficit de financement des pays donateurs sur cette période est quant à lui évalué à 140 milliards de dollars, soit 14 milliards de dollars par an. Si l’on ajoute les 37 milliards de dollars de l’appel humanitaire mondial et ces 14 milliards de dollars, on obtient un total de 51 milliards de dollars que les pays donateurs devraient fournir cette année. La part du G7 dans l’aide publique au développement globale étant d’environ 65%, par an, on est en droit d’attendre du G7 un engagement d’environ 33 milliards de dollars. A Elmau, les membres du G7 n’ont pourtant promis que 4,5 milliards de dollars, ce qui laisse un déficit de financement de 28,5 milliards de dollars.

Contact presse :

Guillaume Compain | Chargé de campagne sécurité alimentaire – Oxfam France | gcompain@oxfamfrance.org | +33 (0)6 85 26 01 08