Les ministres européens de l’économie et des finances réunis ce matin à Bruxelles ont exprimé des déclarations extrêmement décevantes sur la taxation des géants du numérique et la taxe européenne sur les transactions financières, deux dossiers sur lesquels les attentes de la société civile étaient fortes.

Taxe GAFA : un accord de façade pour sauver les apparences

Les ministres européens de l’économie et des finances ont échoué ce matin à trouver un accord sur la taxe GAFA qui demanderait aux géants du numérique de payer une taxe minimum sur leurs activités. A la place, la France et l’Allemagne ont présenté une proposition édulcorée qui consiste à taxer uniquement le chiffre d’affaires sur les publicités.

Pour Quentin Parrinello, porte-parole d’Oxfam France : « Alors que les gouvernements européens s’étaient engagés à avancer concrètement sur le dossier des GAFA, le compromis proposé par la France et l’Allemagne est un accord de façade pour sauver les apparences. Il vide complètement la taxe de sa substance et permettra à un grand nombre d’entreprises du numérique de continuer à échapper à l’impôt dans les pays où ils font pourtant des chiffres d’affaires record. C’est un coup d’arrêt majeur pour la justice fiscale en Europe.

A l’heure où les inégalités continuent de s’accroitre dans des proportions vertigineuses et où les services publics font face à des coupes budgétaires majeures, comment peut-on accepter de voir s’évaporer de telles sommes d’argent ? Quand les multinationales ne paient pas leur juste part d’impôts, ce sont les citoyens qui en paient le prix, et en particulier les femmes et les filles qui sont les plus impactées par la réduction des services publics.

« Il est désormais urgent que l’Union européenne travaille avec les autres gouvernements – et notamment les pays en développement – pour trouver une solution de long terme pour réformer notre système fiscal qui n’est plus adapté à l’économie du 21ème siècle. La France peut prendre le leadership de cette grande réforme ! » exhorte Quentin Parrinello, porte-parole d’Oxfam France.

TTF européenne : une relance en trompe l’œil

Les ministres européens des finances ont indiqué aujourd’hui vouloir reprendre le travail sur un projet de taxe sur les transactions financières, mais en privilégiant une taxe réduite, sur le modèle français, et en affectant ses recettes au budget de la zone euro. En outre, en élargissant la discussion au sein de l’Eurogroup plutôt qu’entre un nombre plus réduit de pays, qui avaient souhaité aller de l’avant, les ministres européens renoncent en fait à parvenir à un accord sur ce dossier, en s’exposant encore davantage aux blocages de pays explicitement hostiles à la TTF comme les Pays-Bas, le Luxembourg ou l’Irlande.

Oxfam dénonce fortement cette décision qui est un revers pour toutes les organisations et pour les centaines de milliers de citoyens mobilisés depuis des années pour une TTF ambitieuse.

Pour Robin Guittard, porte-parole d’Oxfam France : « L’option de taxe sur la table est une version au rabais, avec une assiette réduite, et une affectation au budget européen et non à 100 % pour le climat et la solidarité internationale. Alors que la COP24 s’ouvre aujourd’hui en Pologne, nous attendons qu’à la suite de cette annonce, la France prenne le leadership sur la mise en œuvre immédiate de la TTF en faveur des grands défis que sont les changements climatiques et la solidarité internationale. »

« En ces temps de contestations sociales et fiscales, nos dirigeants se doivent d’être à l’écoute, alors que la TTF reste une mesure non seulement de justice fiscale mais est aussi très populaire chez les citoyens européens. La TTF doit être conservée avec son intention d’origine : cela serait un message fort envoyé aux peuples européens, et une affirmation pleine d’espérance dans un contexte social qui en a cruellement besoin. Et il faut parvenir à un accord dès le début de 2019, et non se contenter d’effets d’annonce sur la énième relance du processus » précise Robin Guittard.

Contacts presse :

Sur la taxe GAFA : Pauline Leclère – 07 69 17 49 63 – pleclere@oxfamfrance.org

Sur la taxe sur les transactions financières : Robin Guittard – 06 28 49 01 43 – rguittard@oxfamfrance.org

Notes aux rédactions :

Sur la taxe GAFA

  • La Commission Européenne a proposé une directive portant sur un impôt de court terme pour les entreprises du numérique, basé sur leur chiffre d’affaire et sur la location géographique de leurs usagers. Elle a suggéré une taxe de 3% sur le chiffre d’affaire pour les grandes sociétés du numérique ayant un chiffre d’affaire global d’au moins 750 millions d’euros et avec des recettes européennes de plus de 50 million d’euros. La proposition de la Commission ciblait le chiffre d’affaires portant sur trois types d’activités : la publicité en ligne, les plateformes commerciales et la monétisation des données.
  • Ces nouvelles règles étaient une réponse aux stratégies d’évasion fiscale qui consistent pour les compagnies à installer leur siège dans des Etats avec de faibles taux d’imposition de sociétés, plutôt que de payer des impôts là où elles font leurs profits. Elles se seraient principalement appliquées aux grosses entreprises du numérique, incluant les dénommées GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon).
  • L’Union Européenne a aidé à la réalisation de certains progrès notamment au travers de formes d’imposition plus progressives ces dernières années. Mais les Etats Membres ont sans cesse échoué à se mettre d’accord sur les réformes les plus essentielles, telles que sur les propositions d’harmoniser les règles fiscales au sein de l’Union Européenne (assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés ou « ACCIS ») ou augmenter la transparence fiscale pour les multinationales (Reporting public pays par pays ou « public CBCR »).
  • Le rapport de la mission d’information commune sur l’optimisation et l’évasion fiscales rendu en mars 2018 présidée par M. Jean-François Parigi député LR, avec pour rapporteure Mme Bénédicte Peyrol, députée LRM, recommande qu’en cas d’enlisement des négociations européennes sur la taxation des GAFA, la France introduise unilatéralement une définition d’un établissement stable numérique.

Sur la taxe sur les transactions financières

  • Lettre ouverte de la société civile européenne aux 10 ministres des finances de la coopération renforcée, publiée le 30 novembre 2018 : Ne faites pas dérailler la Taxe Robin des Bois, remettez le projet sur les rails!
  • Les 10 pays de la coopération renforcée, au sein de laquelle était menée la négociation resserrée jusqu’à l’année dernière, sont : Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, France, Grèce, Italie, Portugal, Slovaquie et Slovénie. En 2016 un accord avait été trouvé pour une taxe sur les différentes transactions financières (actions, obligations et dérivés) qui rapporterait 22 milliards d’euros par an. Le modèle français de TTF qui est désormais débattu ne taxe que les actions et rapporte en France un peu moins d’1,5 milliards d’euros par an.
  • Les besoins de développement des pays pauvres, notamment à travers la réalisation des Objectifs de Développement Durable des Nations Unies, sont estimés à 2 500 milliards de dollars par an jusqu’en 2030. Des besoins colossaux que le TTF pourrait soutenir.
  • 52% des Français sont en faveurs d’une TTF européenne : http://ec.europa.eu/commfrontoffice/publicopinion/index.cfm/Survey/getSurveyDetail/instruments/STANDARD/yearFrom/1974/yearTo/2017/surveyKy/2143