5 raisons de soutenir l’initiative citoyenne européenne sur les vaccins

Le vaccin contre la COVID-19 est là ! Mais pas pour tout le monde. Depuis des mois, les pays riches commandent des millions de doses de vaccin auprès des laboratoires pharmaceutiques. L’Union européenne a commandé suffisamment de doses pour vacciner deux fois sa population, le Canada cinq fois. S’il est normal que ces pays cherchent à protéger leurs populations, ceci ne doit pas se faire au détriment du reste de l’humanité car les capacités de production de vaccin à l’échelle mondiale sont limitées. Pour sortir d’une crise qui touche l’ensemble de la planète, la coopération doit donc l’emporter sur la compétition. Garantir un accès juste et équitable à des vaccins sûrs et transparents est le grand défi de 2021.

Oxfam est engagée dans ce combat et chacun.e d’entre nous peut se mobiliser en soutenant la grande initiative citoyenne européenne lancée en novembre dernier pour que notre santé passe avant les profits des laboratoires.

L’initiative citoyenne européenne : Pas de profit sur la pandémie

Qu’est-ce qu’une initiative citoyenne européenne ?

Les citoyens et citoyennes de l’Union européenne ont le droit de s’adresser directement à la Commission européenne via une initiative citoyenne européenne (ICE) afin de proposer une modification législative concrète. Pour qu’une initiative soit prise en considération par la Commission, l’Initiative doit récolter les signatures d’un million de citoyens dans au moins un quart des Etats membres de l’UE. Ce mécanisme instauré lors du Traité de Lisbonne vise ainsi à faire participer les citoyen.n.e.s au plus près du fonctionnement démocratique de l’UE.

Pourquoi une initiative citoyenne européenne sur les vaccins ?

Le 30 novembre dernier, une ICE a ainsi été lancée par diverses organisations du continent : ONG, syndicats, associations de soignant.es, partis politiques, mouvements étudiants. Avant même que les campagnes de vaccination aient débuté en Europe, la question du manque de transparence autour des contrats passés par la Commission européenne avec les entreprises pharmaceutiques posait déjà problème.

De plus, depuis plusieurs mois, Oxfam et ses alliés alertent sur le fait que les pays les plus riches sont en train d’accaparer les futures doses au détriment d’une grande partie de la population mondiale : en septembre, 51% de ces doses avaient déjà été commandées par les pays les plus riches représentant à peine 13% de la population mondiale.

Cinq raisons pour soutenir l’initiative citoyenne européenne

N° 1 : Protéger tout le monde à égalité

Le 18 janvier dernier, le directeur de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) tire la sonnette d’alarme : alors que les pays s’activent sur le front de la vaccination, à peine 25 doses de vaccin ont été administrées dans les pays à faible revenu. Ce qu’Oxfam craignait en septembre est devenu réalité : un système à double vitesse qui laisse des millions de personnes sans accès aux vaccins. Si l’on continue sur cette dynamique, les pays les plus pauvres ne pourront tout simplement pas vacciner leurs populations avant 2022. Et dans beaucoup de pays, à peine une personne sur dix sera vaccinée d’ici la fin 2021.

 

Etat des lieux de la vaccination dans le monde selon le décompte tenu par Bloomberg à la date du 21 janvier 2021

Donner l’accès aux vaccins à tous ceux qui en ont besoin n’est pas seulement une question de justice et d’égalité, mais c’est aussi une question de bon sens face à une épidémie qui est planétaire. Nous ne mettrons fin à la crise qu’une fois que la propagation du virus sera contrôlée partout dans le monde. L’émergence de nouvelles souches de virus ces dernières semaines – comme au Royaume-Uni et en Afrique du Sud – est un avertissement : tant que des poches de virus perdureront dans le monde, la menace d’une reprise épidémique sous de nouvelles formes est un risque pour tout le monde.

N° 2 : Garantir la transparence et restaurer la confiance

Beaucoup de méfiance s’est exprimée ces derniers mois autours de vaccins qui représentent pourtant un de nos meilleurs espoirs pour sortir de la pandémie. La rapidité sans précédente dans leur développement et ce souvent sur la base de nouvelles technologies innovantes a pu provoquer des questionnements légitimes d’une partie de la population. S’il faut féliciter les nombreux chercheurs et chercheuses à travers le monde qui ont permis cette avancée scientifique majeure, il faut répondre aux doutes avec la plus grande des transparences.

Or, la Commission européenne qui a reçu le mandat de la part des Etats membres de l’UE de négocier avec les entreprises pharmaceutiques l’achat de doses de vaccin se cache derrière une opacité dangereuse. Nous exigeons la transparence sur les contrats signés avec les laboratoires, sur la détermination des prix de vente et sur les résultats de la recherche et des essais cliniques. Condition sine qua non pour restaurer la confiance avec les citoyens et les citoyennes.

 

N° 3 : Eviter que certains tirent des profits de la pandémie

Depuis le début de la crise sanitaire, les Etats à travers le monde ont mobilisé près de 10 milliards de dollars d’argent public pour financer la recherche et le développement des vaccins et autres traitements contre la COVID-19. Sanofi, la grande entreprise pharmaceutique française, a ainsi reçu 200 millions d’euros de l’Etat français et 2,1 milliards des Etats-Unis pour la mise au point d’un tel vaccin.

Mais il y a très peu de contrôle et de conditions demandées en échanges de tous ces milliards. Les laboratoires restent libres de fixer leur prix sur la vente des doses de vaccin qui vont de 3 dollars à plus de 30 dollars la dose. L’entreprise américaine Pfizer, dont le vaccin mis au point avec l’Allemand BioNTech fut l’un des premiers à être administré, pourrait ainsi faire une marge bénéficiaire de 60 à 80% ! Alors que des millions de personnes meurent du COVID-19 et que jusqu’à 500 millions d’individus dans le monde pourraient sombrer dans la pauvreté dues aux conséquences économiques de la pandémie, de tels profits seraient indécents.

N° 4 : Privilégier la coopération sur la compétition

Face à un défi commun, seule une réponse commune basée sur la coopération la plus large pourra nous permettre de surmonter cette crise. Pourtant les règles de la concurrence entre les grandes entreprises pharmaceutiques ne sont pas remises en cause malgré le besoin urgent de coopération. Cette concurrence est permise par le système des brevets et des droits de propriété intellectuelle qui garantissent aux laboratoires qui mettent au point traitements ou vaccins le monopole sur leur production, leur commercialisation et la fixation de leur prix. Ainsi aujourd’hui malgré les besoins énormes en termes de production de doses de vaccin, seul Pfizer a le droit de produire son vaccin aux seules fins de garantir ses bénéfices.

C’est ce même système qui pendant des années a empêché des millions de personnes séropositives ou atteintes du SIDA d’avoir accès aux traitements pouvant sauver leurs vies. Ce système de concurrence stérile et mortifère doit être remis en cause pour permettre à tous les pays qui disposent des capacités de pouvoir produire ces vaccins. Et ce d’autant plus que leur mise au point a été en grande partie possible grâce à l’argent public. De telles démarches ont été entamées par l’Inde et l’Afrique du Sud au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour suspendre les accords sur la propriété intellectuelle. Mais les pays riches, Union européenne en tête, s’y opposent depuis des mois. Depuis l’été dernier l’OMS a également mis au point la plateforme C-TAP pour permettre la mutualisation des droits de propriété intellectuelle. Mais aucun laboratoire n’a pour le moment volontairement accepté d’y participer. Les bénéfices des laboratoires valent-ils réellement plus que nos vies et notre santé ?

 

N° 5 : Accélérer la vaccination

Depuis le début de la campagne de vaccination en France le 27 décembre dernier, beaucoup d’observateurs ont critiqués les lenteurs et les retards. A peine un mois après, des pénuries de doses dans certaines régions sont déjà constatées. Face à une demande qui est globale, des pénuries sont à craindre dans les prochains mois car rappelons-le, les capacités de production à l’échelle planétaire sont limitées.

La mutualisation des droits de propriété intellectuelle aurait pour bénéfice d’augmenter fortement ces capacités de production et ainsi de potentiellement accélérer les campagnes de vaccination en France, en Europe et dans le reste du monde.