Vaccin contre la COVID-19 : où en est-on ?

Juin 2020. Alors que la France sort difficilement de deux mois de confinement pour contrer le COVID-19, le président Emmanuel Macron affirme à la sortie du sommet de l’Alliance pour le vaccin contre le COVID-19 l’urgence d’un futur vaccin comme bien public mondial, accessible à toutes et tous gratuitement.

Novembre 2020. Cinq mois plus tard, le monde a franchi la barre symbolique du million de morts du Covid-19 et des millions de personnes sont de nouveau confinées. L’urgence d’un vaccin se fait plus que jamais sentir. Mais où en est-on ? Sommes-nous sur la bonne voie pour en faire un bien public mondial ?

Vaccin contre le Covid-19 : quand le chacun pour soi prend le pas sur la coopération

Un bien public mondial, vraiment ?

Que veut dire Emmanuel Macron quand il appelle à faire du futur vaccin contre le COVID-19 un bien public mondial ? Selon une définition officielle, on entend par ce terme une « ressource, bien ou service bénéficiant à tous et à toutes, dont l’exploitation ou la préservation peuvent justifier une action collective internationale ». Ainsi, l’ambition de la France serait que le vaccin COVID-19 soit une ressource partagée, fruit d’une réelle coopération internationale. Mais, comme nous allons le voir, nous sommes malheureusement encore loin du compte.

La réponse multilatérale à la pandémie s’est pourtant rapidement organisée dans le cadre de l’Organisation mondiale de la Santé, et ce à l’initiative notamment d’Etats comme la France. Une plateforme de coordination a été mise en place sous les sigles ACT-A (pour Access to Covid-19 tools – Accelerator, ou en français : Accélérateur pour l’accès aux outils contre la Covid-19) dont le but est d’accompagner le développement en commun des outils nécessaires pour répondre à l’urgence sanitaire et notamment la coordination autours des outils de diagnostics, des traitements ou encore du fameux vaccin.

Car si le virus frappe tous les pays du monde sans distinction, de toute évidence, nous ne sommes pas outillés de la même manière pour y faire face. D’où l’importance d’ACT-A : permettre une mise en commun non seulement des ressources, mais aussi des capacités de production afin de donner à tous les pays les mêmes chances de protéger efficacement leur population. Une démarche précieuse puisqu’aujourd’hui, l’immense majorité des entreprises pharmaceutiques à même de développer le fameux sésame, se trouvent dans les pays riches. La collaboration au sein d’ACT-A, bien qu’imparfaite, est donc essentielle. C’est la seule approche collective qui nous est actuellement offerte pour le développement, le financement et la production de ces vaccins. Avec un objectif fondamental : la vaccination des populations prioritaires selon un principe d’équité mondiale.

Les expert.es de l’OMS ont calculé que 38 milliards de dollars sont nécessaires à la réalisation des objectifs de la plateforme ACT-A, notamment celui de vacciner 20% de la population mondiale d’ici à la fin 2021. Mais à l’heure actuelle, seuls 4 milliards ont été mis sur la table par les Etats, et la plupart des pays riches se refusent à participer pleinement à ACT-A, préférant négocier de façon bilatérale – et sans transparence – avec les entreprises pharmaceutiques pour se procurer les fameux vaccins.

Les pays riches monopolisent les futurs vaccins contre le Covid-19 avant même qu’ils n’existent

En parallèle du lancement de la plateforme ACT-A, les pays riches, Etats-Unis en première ligne, se sont lancés tête la première dans une course effrénée aux vaccins afin de sécuriser un maximum de doses pour leurs populations. Oxfam estime ainsi que quelques pays riches, représentant seulement 13% de la population mondiale, auraient d’ores et déjà sécurisé plus de la moitié des doses des cinq vaccin-candidats au développement le plus avancé. Se faisant, ils contribuent à exacerber une logique compétitive déjà sous-jacente au monde pharmaceutique, hypothéquant la vie de millions de personnes à travers le monde. Le laboratoire distribuait fin juin 4 milliards d’euros de dividendes à ses actionnaires, tout en mettant en place un plan de départs volontaires représentant 1700 emplois en Europe.

Face à une telle dynamique, l’Union européenne (UE) a emboîté le pas aux pays comme les Etats-Unis et le Royaume Uni. La Commission européenne a ainsi signé trois énormes contrats de préachat de vaccins avec la firme britannique AstraZeneca, le duo franco-britannique Sanofi-GSK et le groupe américain Johnson & Johnson à hauteur de 300 millions de doses pour les deux premiers et 400 millions de doses pour le troisième. Des discussions avec d’autres laboratoires sont actuellement en cours, dans la plus grande opacité et ce, malgré les sommes colossales d’argent public impliquées.

Faux discours et double jeu ?

Que ce soit au niveau français comme européen, difficile d’y voir clair tant paroles et actes semblent contradictoires. Si Emmanuel Macron appelle à faire du vaccin un « bien public mondial » et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, dénonce le « nationalisme vaccinal », les dirigeants européen.ne.s semblent surtout faire le jeu des grands laboratoires pharmaceutiques en se refusant à leur imposer de nouvelles règles du jeu.

Et les clauses négociées comme dans l’accord avec Sanofi-GSK mentionnant que les Etats membres « pourront donner les doses réservées aux pays à revenu faible et intermédiaire » sont largement insuffisantes. Cette approche privilégiant la charité à la solidarité ne permettra pas d’apporter une réponse à la hauteur des enjeux.

Covid-19 : exigeons un vaccin accessible à toutes et tous !

L’urgence de mutualiser les brevets

Si rien ne change, et au vu des capacités de production actuelles, Oxfam a calculé que près de deux tiers de la population mondiale (61%) n’aura pas accès à un vaccin avant au moins 2022 – et retardant d’autant l’espoir de mettre fin à la pandémie. En effet, à l’heure actuelle, aucune entreprise pharmaceutique n’a les capacités de produire suffisamment de vaccins pour tout le monde. Une entreprise comme Moderna, biotech américaine dont le vaccin est actuellement en phase d’essai clinique, n’est par exemple en mesure de produire que 475 millions de doses de vaccin, couvrant à peine 6% de la population mondiale.

La production à grande échelle d’un vaccin contre le COVID-19 ne sera rendue possible que si les entreprises pharmaceutiques acceptent de coopérer, notamment en partageant leurs savoirs et recherches plutôt qu’en persistant dans cette course aux profits. Il est urgent de mutualiser les droits de propriété intellectuelle sur les futurs vaccins pour augmenter les capacités de production, notamment dans les pays en développement.

Comme l’expliquait Oxfam il y a quelques mois, les droits liés à la propriété intellectuelle sont utilisés par les grands groupes pharmaceutiques dans le but de faire monter les prix des médicaments, profitant de droits exclusifs pour produire ces derniers pendant plus de vingt ans. Si ces pratiques sont justifiées par la nécessité d’assurer des retours sur investissement de la recherche, une grande partie de la recherche et du développement provient en réalité de fonds publics. C’est souvent le cas pour les recherches les plus innovantes où le risque d’échec est élevé, et c’est le cas pour la recherche actuelle contre le coronavirus.

Imposer des contreparties et tenir tête aux laboratoires pharmaceutiques

La France propose le partage de la propriété intellectuelle sur une base volontaire. Mais laisser notre avenir au bon vouloir de grandes multinationales n’est pas seulement immoral, cela ne fonctionne pas ! La preuve : à l’heure actuelle aucun laboratoire pharmaceutique n’a accepté de se prêter au jeu de la mutualisation des brevets, préférant défendre mordicus leurs privilèges même si cela signifie jouer avec la vie de millions d’hommes, de femmes et d’enfants.

Alors que des millions d’argents publics sont déversés sur les grands laboratoires pharmaceutiques pour les aider à mettre au point un futur vaccin et que de juteux contrats de préachat de doses sont scellés, il faut de toute urgence imposer des contreparties de transparence et de partage de la propriété intellectuelle.

Ce n’est que grâce à un tel effort que des vaccins sûrs pourront être produits à grand échelle à un prix juste. La fixation de ce prix juste doit également passer par une transparence des coûts de production et des coûts de recherche et développement supportés par les laboratoires pharmaceutiques. L’assurance de l’innocuité des vaccins et de leur sécurité auprès de l’opinion publique implique quant à elle une transparence vis-à-vis des résultats des essais cliniques.

Oxfam se mobilise pour un #VaccinPourTous, pas pour les profits des big pharmas

Nous devons rester vigilants et demander plus de transparence de la part des entreprises pharmaceutiques

Depuis le début de la pandémie, les expert-e-s en santé d’Oxfam à travers le monde sont mobilisé.es pour s’assurer que futur vaccin soit réparti en fonction des besoins et non en fonction de l’épaisseur d’un portefeuille. En septembre, nous alertions déjà sur l’accaparement des futurs doses de ce vaccin par une minorité de pays riches.

Cette vigilance de tous les instants est primordiale. Les contrats avec les grandes entreprises pharmaceutiques se multiplient, sans aucune transparence pour les citoyens et citoyennes. Cette opacité est problématique car elle favorise les laboratoires pharmaceutiques qui peuvent alors imposer leurs prix, sans aucune redevabilité citoyenne.

Ensemble, restons mobilisé-e-s pour un vaccin contre le Covid-19 accessible à toutes et tous !

Au printemps, vous avez été plus de 40 000 personnes à travers le monde – dont 30 000 en France – à signer la pétition d’Oxfam pour un vaccin universel et gratuit. Cet effort de mobilisation est fondamental. Elle nous permet de faire entendre, ensemble, notre voix auprès des décideurs politiques et de demander à ce que la France se mobilise véritablement sur la scène internationale pour un #VaccinPourTous.

Une nouvelle occasion de nous mobiliser se présente aujourd’hui ! Une initiative européenne vient tout juste d’être lancée. Son objectif ? Réunir 1 million de signatures afin de forcer l’Union Européenne à être transparente sur les contrats qu’elle passe avec les entreprises pharmaceutiques, et demander des contreparties comme la mise en commun des brevets. Oxfam est de la bataille et nous avons plus que jamais besoin de vous pour faire entendre votre voix !

Mais la pression doit aussi porter sur les entreprises pharmaceutiques. Face à cette crise, leur rôle est immense. En septembre, Oxfam France écrivait au PDG de Sanofi au nom de survivant.e.s du COVID-19 en demandant à ce que la santé de la population mondiale devienne la priorité, avant leurs profits. Dans les prochains mois, nous continuerons à dénoncer les agissements égoïstes des grands laboratoires pharmaceutiques, dès que cela sera nécessaire.

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Aller plus loin : revoir notre webinaire consacré aux mobilisations citoyennes en faveur d’un juste accès au vaccin