À la découverte du Sahel, la porte entre deux Afriques

En Afrique, le Sahel n’est pas une région aux frontières fixées par le droit, comme un Etat. Ici, c’est la nature qui fait loi : la bande sahélienne s’étend de l’océan Atlantique à la Mer Rouge, du Sénégal au Soudan en passant par le Mali et le Burkina Faso. Cette région africaine, particulièrement connue pour ses saisons sèches, n’en est pas moins un vivier économique et humain sous-estimé.

Le Sahel, qu’est-ce que c’est ?

Où se trouve le Sahel ?

Le mot Sahel (Es-Sahel) désigne « rivage » ou encore « bordure » en arabe. C’est l’espace de transition qui sépare au nord le désert du Sahara, et au sud la zone soudanienne. Il s’agit d’une région africaine qui inclut, au sens large, 10 pays : le Burkina Faso, le Cameroun, la Gambie, la Guinée, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Nigéria, le Sénégal et le Tchad. Mais ceci constitue la définition large du Sahel, puisqu’elle inclut aussi les pays qui sont « effleurés » par la bande sahélienne au Sud (comme pour la Gambie, le Nigeria ou le Cameroun). Lorsque nous parlons du Sahel, nous nous fixons sur 6 pays centraux : le Sénégal, le Mali, le Niger, le Tchad, le Burkina Faso et la Mauritanie. De ces 6 pays, 5 se sont rangés derrière une même bannière, le G5 Sahel, pour conduire la lutte anti-terroriste dans la région (à l’exception du Sénégal, qui n’en fait pas partie).

La région du Sahel, le passage entre deux Afriques

Le Sahel est un très grand territoire : une bande de 5 500 kilomètres de longueur (soit la superficie de 5 fois et demi la France) sur 400 à 500 kilomètres de largeur (l’équivalent d’un Paris – Lyon !) qui représente une superficie totale d’environ 3 millions de mètres carrés.

La région du Sahel présente donc un riche dégradé climatique marqué par le désert : de l’aride au semi-aride en passant par la savane, c’est une zone complexe et en mouvement constant. La saison sèche, qui dure de 8 à 9 mois selon les régions, rythme la vie pastorale sédentaire et nomade, et mène les éleveurs de bétails à se déplacer très régulièrement : c’est ce qu’on appelle la transhumance. En effet, la proximité avec le désert du Sahara a une grande influence sur le mode de vie des habitants de la région. Autrefois, c’était pour éviter de souffrir de la chaleur excessive que les groupes humains ont migré vers le sud, dans l’actuel Sahel, afin de fuir la sécheresse. Aujourd’hui, la zone désertique tend à s’étaler toujours plus au sud, posant nombres de difficultés pour les populations, puisque l’occupation de cet espace est globalement liée au climat. 75 % de la population de la région vivent dans les zones humides et sub-humides, 20 % dans la zone semi-aride (sahélienne) et 5 % dans les zones arides.

Les atouts du Sahel

Un potentiel humain et naturel exponentiels

Le Sahel abrite de véritables trésors, outre sa grande richesse culturelle. Cette région regorge d’importantes richesses naturelles, énergétiques et culturelles qu’une jeunesse bien formée peut aider à mettre en valeur. En effet, la population des 6 pays du Sahel (Sénégal, Tchad, Niger, Mali, Burkina Faso, Mauritanie) pourrait passer de 135 millions de personnes en 2015 à 330 millions en 2050 si les taux de natalité actuels se maintiennent.

Par ailleurs, cette région dispose d’importantes ressources telles que :

  • Une population de plus en plus jeune en moyenne au fil des années
  • Des ressources minières très importantes en métaux précieux, en gaz…
  • Des sources d’eau douces encore inexploitées, et un accès à la mer par la Mauritanie et le Sénégal

A cela vient s’ajouter un riche héritage culturel et historique qui peut générer du tourisme. La zone sahélienne regroupe certains des plus grands aquifères du monde, sans compter l’accès à l’océan par la côte sénégalaise. Dans le domaine minier par exemple, le sous-sol malien renferme des gisements d’or, de phosphate, de sel gemme, de pétrole, de calcaire, de bauxite, de fer, de manganèse, de gypse, d’uranium et de marbre. La présence de pétrole et de métaux rares dans les sous-sols du Sahel (notamment au nord du Niger et du Mali) érige donc la région en « hub énergétique » de plus en plus convoité par les grandes puissances. La Chine, par exemple, a depuis une décennie beaucoup investi en Afrique et dans la zone sahélienne, de même que certains pouvoirs émergents.

Une jeunesse et une culture saheliennes à promouvoir

Le Sahel comprend une dizaine de pays africains, et constitue une source inépuisable de traditions, d’arts et de croyances. Dès les XIème et XIIème siècles, cette région était une plaque tournante pour les marchands notamment, puisqu’elle faisait le lien entre l’Afrique du Nord et le littoral ouest-africain. Des royaumes notoires s’y sont constitués, comme les Mossi, Songhaï, Kanem-Bornou, Bambara. Les peuples qui habitent cette zone sont également très divers, nomades ou sédentaires : les Touaregs, les Peuls, les Toucouleurs…

Par ailleurs, le Sahel est passé de 17 millions d’habitants en 1950 à 81 millions en 2012, soit une multiplication par 5 en 60 ans. Les projections moyennes font état de 117 millions d’habitants prévisibles en 2025, puis 208 millions en 2050. De plus, au Sahel, les personnes âgées de moins de 25 ans représentent près de 65% de la population totale, ce qui en fait l’une des régions les plus jeunes au monde. Les jeunes ont par ailleurs joué un rôle politique déterminant dans les évolutions politiques de certains pays sahéliens, notamment au Sénégal et au Burkina Faso. Aussi, il est urgent de faire de cette région, actuellement l’une des plus pauvres du monde, l’une des plus justes et inclusives pour les générations futures.

Les enjeux qui traversent le Sahel

Des crises multiples, sur fond d’inégalités criantes

Le Sahel est une région riche en potentiel humain et de développement, mais elle fait malheureusement face à une crise multidimensionnelle. Les inégalités profondes qui séparent certaines strates des populations nourrissent de nombreuses crises et conflits dans la région : politique, de déplacements forcés, humanitaire, économique, environnementale, climatique, alimentaire et sécuritaire.

On distingue deux grandes crises humanitaires régionales, dans le Sahel central et dans le bassin du lac Tchad. Aujourd’hui, la crise du Sahel central est celle qui se détériore le plus rapidement au monde. Aujourd’hui, 20% de la population sahélienne, soit 24 millions de personnes ont besoin d’une assistance humanitaire d’urgence en termes d’abris, d’accès à l’eau, à la nourriture et à des moyens d’existence, aux soins de santé, à l’éducation et à une protection effective et non-discriminée.

Depuis la pandémie, les conditions de vie des plus démunis se sont encore dégradées. Au Sénégal, en Mauritanie, au Burkina Faso, au Mali et au Niger, la moitié de la population vit avec moins de 2 dollars par jour. En effet, le Sahel connaît une croissance démographique élevée, et les indicateurs de développement humain (IDH) sont insuffisants. Quatre pays sahéliens (le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Tchad) sont classés parmi les dix derniers pays en termes d’IDH. L’IDH est calculé à partir de plusieurs indicateurs, tels que :

  • l’espérance de vie à la naissance, car elle est significative des conditions de vie à venir des individus (alimentation, logement, eau potable…) et de leur accès à la médecine ;
  • le niveau d’éducation, qui détermine l’autonomie tant professionnelle que sociale de l’individu ;
  • le revenu national brut par habitant, révélateur du niveau de vie des individus et ainsi de leur accès à la culture, aux biens et services, aux transports…

Les IDH de certains des pays du Sahel figurent parmi les plus faibles du monde. Aggravée par les conséquences économiques de la pandémie de COVID-19, la guerre en Ukraine et le changement climatique, certains pays comme le Burkina Faso se trouvent dans une situation de crise alimentaire intenable.

Une présence française au Sahel controversée

Avant d’exposer l’état de la présence française actuelle au Sahel, il est nécessaire de préciser que plusieurs de ces pays d’Afrique de l’Ouest ont été des territoires colonisés par la France avant qu’ils n’obtiennent leur indépendance (Sénégal, Mali, Burkina, Mauritanie).

Début 2012, des groupes djihadistes prennent plusieurs villes au nord du Mali et parviennent à envahir Kidal, Gao et Tombouctou dans le but de renverser le Président Amadou Toumani Touré. La situation s’étant fortement détériorée, la France lance le 11 janvier 2013 l’opération Serval en déployant jusqu’à 5000 soldats dans le but d’enrayer la progression des djihadistes dans la région. La même année, une mission de maintien de la paix de l’Organisation des Nations Unies (ONU), la MINUSMA, est créée. L’opération Serval devient en 2014 l’opération Barkhane : plus important déploiement de troupes françaises en opération extérieure, beaucoup plus de soldats sont envoyés sur le terrain et le matériel mobilisé est colossal. L’opération Barkhane s’inscrit dans une logique de partenariat avec cinq pays du Sahel, le G5 Sahel comprenant : le Mali, le Burkina Faso, la Mauritanie, le Niger et le Tchad (seul le Sénégal est manquante). Si la France a obtenu plusieurs victoires, la situation se détériore très rapidement au Mali par exemple, où le président malien Ibrahim Boubacar Keïta est renversé par un putsch après plusieurs mois de crise politique irrésolue. En juin 2021, le président de la République Emmanuel Macron annonce un retrait progressif des troupes françaises tout en maintenant une petite portion des forces effectives sur place avant que la France ne décide finalement d’y mettre un terme en février 2022.

Après le constat d’échec établi par les conséquences de l’intervention française au Sahel, Oxfam propose une approche inclusive et citoyenne pour repenser la politique sahélienne de la France en questionnant l’inadéquation des réponses apportées, alors que la situation sécuritaire ne cesse de se dégrader dans la région.

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