L’après Ebola : quelle voie pour le relèvement ?

L’épidémie du virus Ebola a coûté la vie à plus de 11 000 personnes et dévasté des communautés entières sur les plans économique et psychosocial, principalement en Guinée, au Liberia et en Sierra Leone. Passés les bonnes intentions et les discours de circonstances, il faut tirer les enseignements de cette crise et réagir.

Le principal enseignement de cette crise a été l’incapacité des systèmes de santé à faire face et à contrôler la propagation de l’épidémie. Bien avant cette crise, l’accès aux services de santé, à l’eau potable et à des installations sanitaires sûres était déjà insuffisant, et les statistiques sanitaires des trois pays parmi les plus alarmantes du monde. Les populations les plus pauvres, qui ont été les plus sévèrement touchées par le virus, avaient un accès extrêmement réduit à la santé.

Il est donc indispensable d’investir sur le long terme pour bâtir des systèmes de santé résilients, et ce, en agissant sur les six composantes des systèmes de santé identifiés par l’OMS : le personnel de santé, les infrastructures, les informations sanitaires, les produits médicaux essentiels, le financement et la gouvernance. 

Renforcer les structures de santé

Pour renforcer les structures de santé, les gouvernements nationaux, avec le soutien des bailleurs internationaux, doivent investir dans des infrastructures accessibles et adaptées aux besoins de la population, notamment les populations rurales les plus éloignées et garantir du personnel de santé en plus grand nombre et mieux formé.

Il faut également que les vaccins et les médicaments soient disponibles et à des prix abordables, y compris les copies génériques de médicaments brevetés.

Enfin, l’épidémie aurait pu être évitée avec un système d’informations et de surveillance efficace qui puissent fournir les données nécessaires pour la planification, l’affectation des ressources, ainsi que la surveillance et l’évaluation des politiques et programmes de santé.

Toutes ces recommandations demandent de la volonté politique, de l’expertise, mais surtout des financements. Où les trouver ?

Financer la santé

Depuis plusieurs dizaines d’années, en Afrique de l’Ouest, la santé a été négligée et chroniquement sous-financée. Ni le Sierra Leone, ni la Guinée n’ont atteint l’objectif adopté lors de la conférence d’Abuja d’allouer au moins 15% du budget public à la santé. Seul un investissement majeur et de long-terme pourra garantir des systèmes de santé résilients et l’accès à la santé pour tous. Selon les calculs d’Oxfam, le déficit de financement annuel qui doit être comblé pour atteindre l’universalité des soins de santé primaires, (en se basant sur le chiffre de 86 dollars par tête) est d’environ de 419 millions de dollars pour le Sierra Leone, de 279 millions pour le Libéria et de 882 millions pour la Guinée [1].

Le 10 juillet dernier, les trois pays les plus touchés, les pays donateurs et les institutions des Nations Unies se sont réunis à New York pour dresser ensemble la « voie du relèvement » après Ebola. Les promesses de financements issues de cette conférence sont un signal encourageant pour les trois pays les plus touchés par le virus Ebola : plus de 3,25 milliards de dollars promis, dont une contribution de la Commission Européenne à hauteur de 450 millions d’euros et de 150 millions d’euros de la France. Cette conférence ne doit pas reproduire les erreurs des précédentes conférences de reconstruction, où une fois l’attention médiatique estompée, une grande partie des fonds promis n’ont jamais été versés aux pays.

Le financement par l’impôt, à travers la mobilisation de ressources nationales, constitue également le système le plus équitable et le plus durable pour mobiliser et distribuer des fonds en faveur du secteur de la santé. Il permettra de mettre fin au paiement direct par les usagers, méthode qui punit les personnes les plus pauvres.

Mettre en place des systèmes de santé de qualité et équitable est indispensable pour éviter de nouvelles catastrophes humaines. Pour ce faire, les gouvernements nationaux doivent refaire de la santé une priorité politique. La voie à dresser pour le relèvement après Ebola ne serait-elle pas la voie de la couverture sanitaire universelle ?