Négociations du Traité sur le Commerce des Armes : bien triste mi-temps

Nicolas Vercken, responsable plaidoyer d'Oxfam France sur les conflits et la protection des civils est à New York pour suivre les négociations finales du Traité sur le commerce des armes.

Ce vendredi 13 juillet, nous atteignons déjà la moitié de la négociation finale sur le Traité sur le Commerce des Armes (TCA). A la mi-temps de ce match crucial en marge duquel se jouent des milliers de vies, les perspectives ne sont malheureusement pas réjouissantes. Tout d'abord, le déroulement formel des négociations a pris énormément de retard. Ban Ki Moon a du attendre plus de deux jours entiers pour ouvrir solennellement la conférence : il a fallu trouver – aux forceps – un accord pour que le Vatican et la Palestine s'asseyent au 1er rang de la salle tandis que l'Union européenne restait au fond. Puis au moins une journée a été consacrée à des discussions sur la répartition du travail en deux sous-comités thématiques, et une autre journée à l'ouverture ou non aux ONG des différentes réunions, alors que le mandat de la conférence prévoit clairement que celle-ci doit se dérouler de manière "ouverte et transparente". Au final, ce n'est qu'aujourd'hui, alors qu'il reste 10 jours de discussion, que les "négociations" commencent officiellement, mais uniquement sur le préambule et les objectifs du traité. Les échanges substantiels sur l'essence même du TCA, à savoir quelles armes et quels types de transferts seront couverts par le traité, les règles et précautions à appliquer à chaque transfert d'arme, ainsi que le mécanisme de mise en œuvre et les mesures de transparence, n'ont pour l'instant pas permis de dégager de lignes directrices suffisamment claires et consensuelles pour mettre un véritable projet de traité sur la table. Les efforts systématiques et coordonnés d'un tout petit groupe de pays (Cuba, Iran, Corée du Nord, Syrie, Egypte et Algérie) pour bloquer les débats de fond via des manœuvres dilatoires sans fin, et pour tenter de maintenir la société civile à l'écart des débats, ne peuvent que rendre pessimiste sur l'issue potentielle de la conférence. Mais nous ne pouvons pas nous résigner à assister impassibles à ce ballet diplomatique funeste, cynique et jusqu'à présent stérile. Parce que de nombreux artistes à travers le monde et des Prix Nobel de la Paix ont appelé de leurs vœux un tel traité depuis bien longtemps. Parce que des centaines d'ONG à travers le monde œuvrent sans relâche à l'aboutissement d'un TCA fort. Parce que ces derniers mois des centaines de milliers de citoyens à travers le monde – et des dizaines de milliers en France – ont clairement exprimé leur attente d'un TCA ambitieux à même de changer la donne et de sauver des vies. Parce que le décompte macabre des dizaines d'innocents qui tombent chaque jour sous les balles à Homs ou ailleurs est une nouvelle attaque portée à notre "humanité". Alors nous allons continuer d'analyser les différents textes et propositions sur la table, de porter des contre-propositions et de faire valoir nos arguments tant humanitaires que juridiques. Nous allons continuer de rencontrer inlassablement les représentants des différents Etats et tenter de les convaincre de modifier un mot ici et de déplacer une virgule là. Nous allons continuer d'alerter les médias et d'informer l'opinion publique internationale de ce qui se trame actuellement dans les coursives de ce bâtiment climatisé et presque sans fenêtre qui longe l'East River. Et nous allons continuer de faire en sorte que les cris des femmes, des enfants et des hommes meurtris dans leur chair à Goma, Gao ou Homs par des transferts d'armes irresponsables puissent porter jusqu'aux oreilles de diplomates qui dans deux semaines à peine remettront leur copie. Et devront nous rendre des comptes.

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