4 choses à savoir sur le rapport d’Oxfam sur le CAC40 et sa méthodologie

oxfa

Le lundi 22 juin, Oxfam France et Le Basic ont publié un nouveau rapport sur le partage des richesses au sein du CAC 40, démontrant comment, depuis 10 ans, la richesse générée par les entreprises du CAC40 n’a pas été équitablement répartie entre leurs parties prenantes (PDG, salariés, actionnaires, etc) et n’a pas été suffisamment investie dans la transition écologique. Ce travail de recherche, et les analyses portées par Oxfam à travers celui-ci, ont fait l’objet de différentes questions sur la méthodologie utilisée et de possibles biais provoqués par celle-ci. Oxfam répond à toutes les questions sur ce travail de plus de huit mois, réalisé en lien avec de nombreux experts et économistes.

Périmètre, période étudiée, indicateurs, etc., nous expliquons tout en détails !

Certaines entreprises que vous étudiez ne sont pas dans le CAC 40, ni en 2009, ni en 2018. Pourquoi ?

La composition du CAC 40 change chaque année en fonction de l’évolution des courbes de bourse françaises. Pour analyser l’évolution du partage de la valeur ajoutée, des écarts de salaires, de la part des bénéfices reversés aux actionnaires, il est nécessaire d’analyser un échantillon fixe d’entreprises qui soit assez grand pour être représentatif. L’échantillon utilisé par Oxfam France représente les 40 entreprises ayant passé au moins 6 ans au sein du CAC 40 entre 2009 et 2018. La pertinence et la représentativité de cet échantillon ont été validées par un collège de chercheurs, d’économistes et de syndicats avec lesquels Oxfam a travaillé lors du rapport.

Commencer l’étude en 2009 biaise-t-il les résultats ?

Certaines critiques, notamment celles de l’Institut Molinari, estiment qu’il faudrait prendre l’année 2008 comme point de départ, notamment sur les versements aux actionnaires. Ce choix serait extrêmement biaisé car il s’agit du sommet de la bulle financière précédant la crise : en utilisant 2008 comme point de départ, l’Institut Molinari fait artificiellement diminuer l’explosion des dividendes.

Surtout, nous démontrons dans le rapport que, sur le temps long, il n’y a aucun doute : hors crise, les entreprises dédient une part de richesse toujours plus grande à leurs actionnaires.  Afin de prendre en compte le temps long, le rapport d’Oxfam analyse le versement de dividendes jusqu’en 2002. Résultats : les versements aux actionnaires ont augmenté de 260% entre 2002 et 2018.

Evolution des versements aux actionnaires du CAC40 entre 2003 et 2018. Source : "CAC40, des profits sans lendemain", Oxfam & Le Basic, juin 2020.
Evolution des versements aux actionnaires du CAC40 entre 2003 et 2018. Source : "CAC40, des profits sans lendemain", Oxfam & Le Basic, juin 2020.

Remonter aussi loin dans l’analyse sur l’ensemble des indicateurs (part de bénéfices versés aux actionnaires, écarts de salaires, présence des femmes dans les instances de direction) n’est pas tout simplement pas possible. En effet les grandes entreprises ne publient des comptes consolidés selon une norme unifiée que depuis 2008, année de la crise. Après des consultations avec des chercheurs et des économistes, l’année 2009 est apparue comme le point de départ le plus solide en termes de données permettant une analyse comparative, tout en permettant un temps d’analyse assez long.

Afin de prendre en compte une dynamique du partage des richesses hors crise, nous avons également publié des résultats sur la période 2010-2018. Les tendances sont identiques, à savoir, des grandes entreprises qui bénéficient des baissent d’impôts et des taux d’intérêts pour augmenter leurs actionnaires, au détriment d’une politique de réduction des inégalités et d’un investissement permettant de prendre réellement le virage de la transition écologique.

Evolution de la distribution de la valeur ajoutée entre 2010 et 2018. Source : Oxfam & Le Basic, "CAC40 : des profits sans lendemain", juin 2020.
Evolution de la distribution de la valeur ajoutée entre 2010 et 2018. Source : Oxfam & Le Basic, "CAC40 : des profits sans lendemain", juin 2020.

Après tout c’est normal si les actionnaires sont aussi bien rémunérés, ils prennent des risques.

La prise de risque des actionnaires du CAC 40 est à remettre en perspective. Sur la période 2009-2018, 40% des entreprises du CAC 40 ont continué de verser des dividendes alors même qu’elles affichaient des déficits. Plus largement, depuis 2009, 85% des entreprises du CAC 40 ont déjà versé des dividendes supérieurs à leurs bénéfices, puisant ainsi dans leurs réserves pour payer leurs actionnaires. Les dividendes apparaissent donc largement déconnectés de la performance économique.

Engie notamment a versé 6 fois plus de dividendes qu’elle n’a réalisé de bénéfices depuis 10 ans. Suivent STMicroelectronics et Arcelor qui ont versé à leurs actionnaires une somme correspondant respectivement à 5,7 et 2,5 fois leurs bénéfices cumulés entre 2009 et 2018.

En pleine crise du coronavirus, alors que l’Etat est au chevet d’une majorité des entreprises du CAC 40, les actionnaires s’apprêtent à recevoir entre 35 et 41 milliards d’euros de versements aux actionnaires, c’est 60 à 70% des dividendes prévisionnelles.

Mais les actionnaires se sont aussi des petits épargnants, des salariés, et pas seulement la caricature du riche « gros » actionnaire.

La part des salarié.e.s actionnaires représentait 3,3% de l’actionnariat du CAC 40 en 2018. L’ensemble des salarié.e.s actionnaires possédaient moins qu’un seul homme : Bernard Arnault, qui représentait à lui seul 4,3% de l’actionnariat du CAC 40.

Les grandes familles possèdent une part de plus en plus importante du CAC 40. En 2018, 4 familles possédaient 10% du CAC 40, soit 4 fois plus que l’Etat français.

Le nombre d’actionnaires individuels français a été divisé par 2 depuis 2008. La part des petits épargnants a chuté de 15%, la part des très gros épargnants a augmenté de 54%.

L’Autorité des marchés financiers (AMF) décrit d’ailleurs le portrait-robot de l’actionnaire français comme un homme, âgé et très aisé : 67% des actionnaires individuels français possédaient un portefeuille supérieur à 75 000 euros.

Le portrait robot de l'actionnaire du CAC40, selon l'Autorité des marchés financiers.
Le portrait robot de l'actionnaire du CAC40, selon l'Autorité des marchés financiers.

Tout savoir sur notre méthodologie 

Notre étude porte sur un échantillon de 40 entreprises ayant passé plus de la moitié de leurs exercices financiers au sein du CAC 40 entre 2009 et 2018. Elle a été réalisée à partir des données publiées chaque année dans leur rapport annuel et des données comptables déposées aux greffes des tribunaux de commerce disponibles au sein de la base de données Diane-Orbis.
La conception de la méthodologie et l’analyse des données ont été élaborées dans un dialogue avec des experts du monde académique, de l’entreprise, et des syndicats.
Comme lors de notre étude de 2018, la base de données est 100% publique. Cette année, nous avons développé un site dédié pour en simplifier l’usage et l’appropriation : https://lebasic.com/cac40-2020/
Toutes les annexes du rapport sont disponibles sur ce lien également, dans l’onglet à droite :
  • Annexe 1 : Note méthodologie
  • Annexe 2 : Partage de la valeur ajoutée par secteur d’activité du CAC 40 entre 2009 et 2018
  • Annexe 3 : Taux de redistribution annuel des bénéfices aux actionnaires et écart de salaires annuel des entreprises du CAC 40 entre 2009 et 2018