A la rencontre d’Amadou Kanouté, un partenaire d’Oxfam au Sénégal

 

Amadou Kanouté [1] travaille pour CICODEV Afrique, une organisation sénégalaise partenaire d’Oxfam.
De passage à Paris, Amadou nous présente les missions de son association, plus particulièrement dans le domaine de la santé, et ses liens avec Oxfam.

 

 

Quelles sont les missions de l’association CICODEV ?

CICODEV Afrique, l’Institut panafricain pour la Citoyenneté, les consommateurs et le développement, est une association internationale de droit sénégalais, créée en 2007 et basée à Dakar. J’en suis membre fondateur et directeur exécutif.

Notre travail consiste à protéger, éduquer, informer et représenter les consommateurs dans cinq programmes prioritaires : la sécurité alimentaire et nutritionnelle, l’accès à l’eau, l’assainissement et l’hygiène, l’accès à l’énergie durable, l’accès universel aux télécommunications et l’accès à la santé. Nous avons pris le parti de travailler essentiellement à la protection des intérêts des plus vulnérables et défavorisés. Nous travaillons également sur des programmes transversaux : l’accès à l’information et la transparence budgétaire.

Quelle est la situation concernant l’accès aux soins et à la santé au Sénégal ?

Au Sénégal, 80 % de la population du pays n’est pas couverte contre le risque maladie. C’est à dire que 10 millions de personnes ne sont pas à mesure de se soigner si jamais elles tombent malades, pour des raisons financières ou encore par manque d’infrastructures sanitaires ou de personnel. Ces inégalités sont la conséquence de choix politiques et d’arbitrages budgétaires qui se font au détriment des zones rurales et des quartiers périurbains où résident les citoyens les plus défavorisés et les moins influents.

Le niveau d’éducation, la culture et le genre sont également responsables des inégalités dans l’accès à la santé. Les femmes et les enfants par exemple, malgré leur poids démographique (52 % de la population du Sénégal est constitué de femmes) en sont les principales victimes.

Le Sénégal a souhaité mener une politique ambitieuse en matière de protection sociale en santé. Quel a été votre rôle, notamment dans la mise en place de la couverture maladie universelle (CMU) ? 

Depuis 2012 le nouveau gouvernement a fait le choix d’une politique de protection sociale très ambitieuse, en instaurant notamment les « bourses de sécurité familiale » [2] ou encore la carte « Égalité de chances » pour la prise en charge sanitaire des personnes handicapés. Mais la mesure phare a bien évidemment été l’adoption de la couverture maladie universelle (CMU).

Notre priorité a donc été de lancer un plaidoyer afin de pérenniser la CMU et de la rendre irréversible, quelques soient les nouvelles priorités gouvernementales. Quatre grands objectifs ont été définis : la vulgarisation de la CMU afin que les plus démunis se l’approprient, l’adoption d’une loi afin de pérenniser cette mesure au Sénégal, la prise en charge cohérente et intégrée de la mère et de l’enfant sur le plan sanitaire et nutritionnel et enfin le financement adéquat de la CMU et de la santé. Pour en savoir plus.

La couverture maladie universelle – Le 20 septembre 2013, Macky Sall, président du Sénégal, a lancé officiellement la couverture maladie universelle (CMU), l’une de ses promesses de campagne. La CMU a pour objectif de garantir une couverture maladie à au moins 75 % de la population d’ici 2017. La mise en œuvre de la CMU repose principalement sur les mutuelles de santé communautaire et vise à atteindre les populations les plus éloignés des services de santé, à savoir le secteur informel et les habitants des zones rurales.

Quels progrès avez-vous constaté grâce à l’action de CICODEV ?

Une agence, créée par l’Etat, a mené de grandes campagnes de communication pour vulgariser la CMU et promouvoir l’émergence et la consolidation de mutuelles de santé. Un projet de texte de loi a été élaboré et attend d’être présenté à l’Assemblée nationale et le budget du ministère de la Santé pour 2016 a connu une hausse de 11,54 % par rapport à 2015, même si le Sénégal est encore loin de l’engagement d’Abuja [3] d’allouer 15 % de son budget à la santé. Enfin le gouvernement a lancé un processus de réflexion pour la mise en place d‘une stratégie de financement pérenne et d’une prise en charge cohérente et harmonisée de la santé pour la mère et l’enfant.

Quel est l’intérêt pour vous de travailler en partenariat avec Oxfam France ?

Le Sénégal, comme la majeure partie des pays africains, dépend encore en grande partie de l’aide publique au développement (APD) pour financer et construire des systèmes de santé forts et résilients et donc de pays partenaires comme la France. Malheureusement, alors que l’aide mondiale consacrée à la santé est en hausse, l’aide française pour la santé, elle, est en baisse. Ensemble avec Oxfam, nous pouvons pousser la France à mieux aider ses partenaires sur le financement de la santé en privilégiant, dans sa politique d’aide au développement, l’accompagnement des pays en développement, dont le Sénégal, dans la mobilisation des ressources domestiques pour financer les services sociaux comme la santé.