Les inégalités : terreau de la colère des gilets jaunes

Les revendications des gilets jaunes sont multiples, disparates parfois contradictoires et certains de leur mode d’expression très contestables. Mais les manifestants et celles et ceux qui les soutiennent partagent une colère commune : les inégalités en France sont devenues insupportables car elles enferment les plus pauvres dans la précarité sans perspective d’en sortir.

Les inégalités ne sont pourtant pas une fatalité

Au-delà de la question de la taxation du carburant et du rejet d’un impôt auquel ils estiment  contribuer sans constater d’amélioration de leur qualité de vie en retour, c’est bien un profond sentiment d’injustice qui s’exprime. Le sentiment que la minorité des plus aisés ne payent pas autant d’impôt qu’elle devrait, pendant qu’une majorité paye le prix fort. Le sentiment que les politiques publiques ne permettent pas d’améliorer les conditions de vie des plus pauvres et de réduire les inégalités.

Oxfam dresse ce constat des inégalités depuis des années et pousse les responsables politiques à agir contre ce fléau qui menace la lutte contre pauvreté, mine la cohésion sociale et nuit à la prospérité de tous. Les inégalités ne sont pas une fatalité, il existe des solutions pour les combattre. En France, trois mesures prioritaires permettraient de répondre à la colère actuelle :

  • Rétablir un impôt sur la fortune (ISF) et stopper l’augmentation des impôts injustes comme la TVA et la CSG ;
  • Réduire significativement les écarts de salaires au sein des entreprises ;
  • Prendre des mesures décisives contre l’évasion fiscale – manque à gagner considérable pour financer des services publics de qualité – en commençant par établir une liste crédible des paradis fiscaux.

Réforme fiscale : les pauvres en paient l’impôt cassé

La France n’échappe pas à la crise mondiale des inégalités. Le fossé entre les plus riches et les plus pauvres est profond. 10 % des Français les plus riches détiennent plus de la moitié des richesses du pays. La France est le pays au monde où les entreprises cotées en bourse reversent la plus grande part de leurs bénéfices en dividendes aux actionnaires et le deuxième pays au monde avec la plus forte progression des millionnaires en 2018.

La réforme fiscale mise en œuvre par Emmanuel Macron fin 2017 ne va faire qu’accélérer cette tendance, en réduisant dans des proportions inédites les impôts des Français les plus aisés et des grandes entreprises.

Il y a un an, Oxfam publiait en effet un rapport sur l’impact de la réforme fiscale sur les inégalités et révélait que les 10 % les plus riches devraient bénéficier d’une hausse de revenus au moins 18 fois plus importante que les 10 % les plus pauvres, pendant que les contributions fiscales des entreprises seraient largement réduites alors que leurs bénéfices explosent.

La suppression de l’ISF (impôt sur la fortune), la mise en place de la « flat tax » (plafonnement de la taxation du capital à 30 %), l’augmentation de la CSG, la réduction de l’impôt sur les sociétés, sont des mesures qui bénéficient uniquement aux Français très aisés et qui privent l’Etat de ressources essentielles pour investir dans des services publics de qualité :

  • La suppression de l’ISF coûtera au moins 3,2 milliards d’euros chaque année à l’Etat, c’est plus de 8 fois le montant de la baisse des APL (aides au logement).
  • La mise en place d’un prélèvement forfaitaire unique (PFU) sur le capital (ou flat tax) devrait coûter 4 milliards d’euros à l’Etat, soit presque autant que la baisse annuelle prévue dans le budget du logement à l’horizon 2019.
  • La baisse de l’impôt sur les sociétés de 33 % à 25 % pourrait à terme diviser par deux les recettes de l’impôt sur les sociétés et coûter entre 15 et 17 milliards d’euros par an à l’Etat français.

Nous montrions aussi une augmentation forte et continue depuis 20 ans des impôts dit régressifs –   la TVA et de la CSG – car touchant en plus forte proportion les ménages les plus pauvres, et dans le même temps une réduction considérable des impôts progressifs –  comme l’impôt sur les sociétés, et la suppression des tranches supérieures de l’impôt sur le revenu.

En savoir plus sur le rapport Réforme fiscale : les pauvres en paient l’impôt cassé.

Les 1% des plus riches : de loin les grands gagnants de la politique fiscale actuelle

Le diagnostic d’Oxfam a été confirmé par une étude récente de l’Institut des politiques publiques (IPP). Le graphique ci-dessous est saisissant. Les ultras-riches – les 1 % –  sont de loin les grands gagnants de la politique fiscale d’Emmanuel Macron. Et à l’extrémité, les ménages les plus modestes sont les grands sacrifiés : familles monoparentales (des femmes travailleuses pauvres essentiellement), étudiants dont un sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, chômeurs, petits retraités, etc. que l’on condamne à ne pouvoir sortir de leur précarité.

La lutte contre les inégalités : grande cause d’Emmanuel Macron. Vraiment ?

Le système fiscal est l’un des outils les plus efficaces à disposition des Etats pour réduire les écarts de richesses. Pour cela il faut que fiscalité soit progressive : chacun doit contribuer à sa juste part, plus vous êtes riche, plus vous pouvez être mis à contribution et plus vous devriez l’être. Ainsi on revient au rôle premier de l’impôt : redistribuer les richesses entre les plus riches et les plus pauvres, financer des services publics de qualité, indispensables dans la lutte contre les inégalités, et sortir 8,8 millions de personnes de la pauvreté.

Les grandes entreprises ont également un rôle à jouer pour réduire les inégalités. Il est indispensable que les grandes entreprises partagent mieux les richesses qu’elles créent entre dirigeants, salariés et actionnaires. Les versements record de dividendes, les écarts vertigineux de salaires et l’évasion fiscale alimentent gravement une spirale infernale des inégalités.

Enfin, la justice fiscale c’est s’attaquer efficacement à l’évasion fiscale, manque à gagner considérable – entre 60 et 80 milliards d’euros par an en France –  pour assurer des services publics essentiels comme la santé, l’éducation, les transports. Quand les multinationales et les grandes fortunes ne paient pas leur juste part d’impôts, l’impact n’est pas seulement financier, il est également humain.

Face à la colère et à la mobilisation des gilets jaunes, des solutions concrètes existent pour lutter contre les inégalités

Le Gouvernement se trouve désormais à un tournant et doit faire le choix d’une politique fiscale et de décisions économiques au service du plus grand nombre, des plus pauvres, des classes moyennes, des zones rurales, des territoires d’Outre-mer et non d’une infime minorité !

Oxfam formule aujourd’hui trois demandes prioritaires auprès du Gouvernement et du président de la République :

  • Rétablir un impôt sur la fortune (ISF) et stopper l’augmentation des impôts injustes comme la TVA et la CSG ;
  • Réduire significativement les écarts de salaires au sein des entreprises ;
  • Prendre des mesures décisives contre l’évasion fiscale – manque à gagner considérable pour financer des services publics de qualité – en commençant par établir une liste crédible des paradis fiscaux.

Rejoignez notre mobilisation en signant notre pétition demandant à Emmanuel Macron d’agir contre les inégalités !