La transparence en action : enquête sur le secteur extractif au Kazakhstan

La coalition Publiez Ce Que Vous Payez (PCQVP) dont Oxfam est membre, et ses partenaires au Kazakhstan rendent publics 18 mois d’enquête sur les deux projets pétroliers et gaziers géants de Kashagan et Karachaganak.

Le rapport « Transparence, participation et redevabilité au Kazakhstan : Etude du cas du secteur extractif » montre comment ces deux projets dans lesquels des multinationales pétrolières européennes ont investi présentent peu d’avantages pour le public tandis que les communautés locales affirment que leur santé et l’environnement local ont souffert.

Alors que l’accès du public à l’information est limité, PCQVP et ses partenaires ont également pu constater que les projets sociaux et d’infrastructures financés par les multinationales exploitantes semblent d’une utilité contestable et sont entourés d’un manque cruel de consultation des populations concernées. Quant aux militants locaux, ils craignent pour leur sécurité personnelle.

Communiqué de presse

Deux projets impliquant plusieurs géants pétroliers et gaziers

Ces deux projets sont opérés par le biais de groupements (ou consortiums) d’entreprises impliquant de nombreux acteurs kazakh et internationaux :

  • « Karachaganak », est un projet onshore (à terre) qui est exploité conjointement par Shell et ENI pour le consortium Karachaganak Petroleum Operating (KPO).
  • « Kashagan » est unprojet offshore (en mer) qui est exploité par le consortium North Caspian Operating Company (NCOC) dont TOTAL est l’un des partenaires, avec notamment Shell.

Le rapport s’appuie sur l’utilisation des données contenues dans les rapports de paiements aux gouvernements, les rapports de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), et un dialogue direct avec le gouvernement kazakh et les compagnies pétrolières.

Découvrir le rapport

Une transparence (très) limitée

Contribuant à 35% des recettes publiques, le secteur extractif kazakh reste très opaque pour ses citoyens – bien que le pays soit membre de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE).

Les contrats ne sont pas publics, limitant la compréhension des clauses fiscales s’appliquant aux projets – alors même l’obligation de publier les contrats dans ce secteur est en passe de devenir la norme mondiale.

La multiplicité des acteurs, des pays concernés et l’absence d’une application harmonisée des différentes règles en matière de transparence reste une entrave majeure. Si TOTAL rend publics ses paiements relatifs au projet de Kashagan, et les autres partenaires s’y refusent : Shell ne les publie pas, quant à Chevron et Exxon, ils ne sont quant à eux tenus à aucune publication la règlementation aux Etats Unis – pourtant décidée en 2010 – n’ayant toujours pas été mise en œuvre.

L’opacité vient aussi du fait que plusieurs partenaires, comme KPO, ou NCOC et de nombreuses filiales participantes sont enregistrées aux Pays Bas, paradis fiscal notoire. Cela entrave l’accès aux informations financières sur les sociétés impliquées dans les projets et soulève des préoccupations en matière d’évasion fiscale potentielle.

Des projets coûteux aux bénéfices incertains

À ce jour, le Kazakhstan semble n’avoir tiré au mieux que de faibles bénéfices économiques des projets de Kashagan et Karachaganak Leurs opérateurs et leurs consortiums semblent déduire des coûts inhabituellement élevés avant calcul des bénéfices pétroliers dont le gouvernement tire une part de ses recettes – selon le modèle des accords de partage de production, très courants dans le secteur pétrolier. En conséquence, les contrats ne procurent que des retombées économiques limitées au pays – remettant en question la pertinence de ces opérations au moment où l’urgence d’une transition énergétique équitable à faible émission de carbone s’intensifie.

L’analyse des données – partielles – des rapports des paiements aux gouvernements permet de formuler certaines observations :

  • Seulement 16,4% des recettes brutes du projet de Karachaganak sont collectées par l’Etat ;
  • La part de la production revenant au gouvernement, dans le cadre du projet de Kashagan serait autour de 2 à 3% – des ratios en deçà des moyennes du secteur.

Le contrat du projet de Karachaganak fait notamment l’objet d’un litige entre les compagnies et le gouvernement, qui a rejeté en 2019 une proposition de règlement à l’amiable à plusieurs milliards de dollars.

Mais les coûts ne sont pas que financiers : notre enquête révèle également comment certains préjudices environnementaux liés au projet de Karachaganak (comme la pollution des eaux de surface locales, ou des pertes de biodiversité) ne sont pas systématiquement réparés.

Nos recommandations pour l’amélioration du dialogue

Le gouvernement kazakh doit rendre la publication des contrats obligatoire. Ayant déjà pris publiquement position en faveur de la transparence des contrats, TOTAL peut contribuer de façon positive à ce dialogue.

Le gouvernement kazakh doit également renforcer le contrôle des coûts de ces projets, évaluer l’impact fiscal de l’implantation de certaines filiales aux Pays Bas. Au niveau local, le contrôle des projets sociaux et d’infrastructures doit être renforcé afin de s’assurer que ceux-ci sont apportent une utilité réelle aux populations locales.

L’Union Européenne a également un rôle à jouer : l’application disparate de ses règles en matière de transparence sur les paiements aux gouvernements, entre différentes compagnies européennes – ne crée pas les conditions de leur effectivité.

Découvrir le rapport