Réforme des retraites : ne pas augmenter les inégalités

Jusqu’à présent, ce quinquennat est marqué par des choix politiques, notamment fiscaux, en faveur des plus aisés. Ils ont une conséquence majeure : les inégalités repartent à la hausse. La réforme des retraites actuellement en discussion pourrait accentuer cette tendance, notamment en risquant d’aggraver les inégalités femmes-hommes. Dans ce contexte, Oxfam soutient les mobilisations citoyennes pacifiques appelant à lutter résolument contre les inégalités.

 

Le système de retraite français est-il efficace ?

La première question à se poser : a-t-on besoin d’une réforme des retraites ? Malgré les différentes réformes passées, la France est le seul pays de l’OCDE où le niveau de vie des retraités est comparable à celui des actifs.

Mais notre système ne corrige pas, par exemple, les fortes inégalités entre les femmes et les hommes existantes sur le marché du travail. Pire même, il les exacerbe : les femmes touchent en moyenne des pensions inférieures de 42% à celles des hommes, l’écart se réduit à 26% si on compte la pension de réversion. En allongeant la durée du travail pour toucher une retraite à taux plein (ou en imposant une décote pour carrière incomplète), la réforme pénalisera les carrières hachées, qui concernent statistiquement le plus souvent des femmes.

La règle d’or budgétaire est une injustice sociale

Au-delà des paramètres techniques spécifiques, c’est probablement son cadrage budgétaire qui constitue la limite principale de cette réforme : imposer d’emblée un budget constant (la fameuse « règle d’or ») alors que plus de personnes en seront bénéficiaires à l’avenir, cela induit forcément une baisse des pensions de retraites.

Pourtant, il existe d’autres mesures politiques pour réduire les inégalités existantes : demander aux hauts revenus de cotiser davantage au régime universel de retraites, augmenter les pensions minimums ou encore attaquer le problème à la racine en réduisant les écarts de salaires, particulièrement entre les femmes et les hommes.

Mettre davantage à contribution les très hauts revenus

Les 1% les plus riches cotisent proportionnellement moins sur l’ensemble de leurs revenus, alors qu’ils profitent plus longtemps du système de retraite : en effet il faut rappeler qu’il existe aujourd’hui un écart de 13 ans entre l’espérance de vie des plus riches et des plus pauvres, selon l’INSEE. Le gouvernement doit tenir compte de cette inégalité s’il veut que la réforme soit juste.

Il faut de la transparence sur l’impact sur les inégalités

Sans une évaluation détaillée de l’impact des mesures proposées par le gouvernement, il est impossible d’évaluer l’efficacité des dispositifs proposés touchant les plus vulnérables (pension minimum à 1000 euros) et les femmes (bonification de 5% des points par enfants). De nombreuses questions demeurent également sur la prise en compte de la pénibilité et de l’espérance de vie.

 

Les femmes, pénalisées par cette réforme des retraites

L’écart de pensions à la retraite, une illustration des inégalités femmes-hommes

En décembre 2018, Oxfam avait tiré la sonnette d’alarme sur cette spirale de la pauvreté touchant les femmes au travail dans son rapport « Pauvreté au travail : les femmes en première ligne ».

Oxfam appelle à des arbitrages qui bénéficieront aux plus vulnérables, et en particulier qui permettront de corriger les inégalités femmes – hommes. En France, l’écart de pensions entre les femmes et les hommes reste très important : tous régimes confondus, il est de 42 % pour les pensions de droit direct, contre 24 % pour les salaires. Autre inégalité, les femmes sont contraintes de partir en moyenne plus tard à la retraite que les hommes.

En France, l’écart de pensions entre les femmes et les hommes reste très important : tous régimes confondus, il est de 42 % pour les pensions de droit direct, contre 24 % pour les salaires. Autre inégalité, les femmes sont contraintes de partir en moyenne plus tard à la retraite que les hommes.

Les inégalités femmes-hommes face au système de retraite, le reflet d’un système économique

C’est là le résultat d’un système économique qui perpétue et aggrave les inégalités, en cantonnant les femmes dans les métiers les plus précaires  et les moins valorisés économiquement (nettoyage, aide à la personne, santé l’hôtellerie-restauration). Quelques chiffres illustre parfaitement ces inégalités flagrantes :
  • Les femmes occupent 78% des emplois à temps partiel.
  • 75% des personnes qui souhaitent travailler plus sont des femmes.
  • 70% des CDD et des intérims sont occupés par des femmes
Ce système économique les pénalise également dans leur progression professionnelle lorsqu’elles prennent un congé maternité. Les femmes de 39 ans à 49 ans, qui n’ont pas connu d’interruption de carrière, gagnent en moyenne 23% de plus que celles qui ont temporairement cessé de travailler pour des raisons familiales.
Ainsi, les inégalités de salaires et les carrières « hachées » que subissent les femmes se répercutent déjà sur les pensions qu’elles touchent à leur retraite, avec le système actuel. La réforme des retraites va accroitre cette injustice car, désormais, il faudra avoir eu une carrière continue pour toucher le fameux minimum retraite à 85% mis en avant par le gouvernement.

La réduction des inégalités doit être au cœur de la réforme des retraites

Alors que plusieurs études mettent en évidence un potentiel impact négatif de la réforme des retraites sur certaines mères de famille , Oxfam appelle le gouvernement à mettre la réduction des inégalités au cœur de la réforme des retraites, et, comme pour toute nouvelle mesure législative ou budgétaire, à évaluer en amont l’impact des différents scenarii sur les inégalités.

Pour un système de retraite juste, durable et solidaire

Parmi les paramètres à envisager pour une réforme juste et durable des retraites, Oxfam appelle notamment à :
  • Publier une évaluation détaillée de l’impact de la réforme sur différents types de ménages.
  • Augmenter la pension minimum.
  • Accorder des ressources budgétaires plus importantes afin de ne pas mener une réforme à moyens constant.
  • Supprimer la décote pour carrière incomplète et revenir à un calcul de la pension basé sur les dix meilleures années.
  • Augmenter l’effort de solidarité des très hauts revenus.
 Au-delà de la réforme des retraites stricto sensu, Oxfam reste mobilisée pour demander au gouvernement faire de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre toutes les discriminations fondées sur le genre, un axe transversal de toutes les politiques publiques.
Nous avions formulé plusieurs recommandations à ce sujet dans notre rapport « Pauvreté au travail : les femmes en première ligne ».