Les entreprises du CAC40 oublient la transition écologique

La crise du coronavirus est venue mettre en lumière toutes les failles du modèle économique des grandes entreprises du CAC40. Quelques semaines seulement ont suffi à remettre en cause ce modèle qui, en privilégiant le court-terme, oublie celles et ceux qui créent la richesse mais aussi l’urgence environnementale. Pourtant, les entreprises et les actionnaires pourraient bien être les grands perdants de la crise climatique.

Entreprises du CAC40 : les indicateurs boursiers en seule ligne de mire

Sous la pression des actionnaires majoritaires, les entreprises cotées privilégient toujours plus la satisfaction des attentes du marché boursier. Depuis des années, cette course au résultat de court terme empêche les entreprises d’entamer une véritable transformation de leur modèle économique.

L’exigence de dividendes : des versements déconnectés des réalités économiques

Les attentes des gros actionnaires ont poussé les entreprises du CAC40 à prendre en compte un horizon de plus en plus court. Première exigence de ces actionnaires : les versements croissants de dividendes qui, comme la crise l’a démontré, sont totalement déconnectés des réalités économiques. Alors que le monde entier était mis en pause en ce début d’année 2020 et que la menace d’une crise économique était plus forte que jamais, la majorité des entreprises du CAC40 a tout de même maintenu les versements de dividendes. Entre 35 et 41 milliards d’euros devraient ainsi être versés cette année aux actionnaires, soit 60 à 70% de ce qu’elles avaient prévu de verser cette année ! La mobilisation de la société civile a permis de mettre en lumière ce problème et de faire pression sur plusieurs entreprises qui ont baissé ou annuler les versement de dividendes, mais ce n’est pas suffisant ! La faute à un gouvernement français qui se contente d’appeler à la « modération » des entreprises, avec des mesures trop timides et non contraignantes.

Pire, notre dernier rapport « CAC40 : des profits sans lendemain ? » révèle que, sur ces dix dernières années, de nombreuses entreprises ont continué à verser des dividendes, même en cas de déficit. Un quart des entreprises étudiées ont ainsi versé plus de dividendes à leurs actionnaires que l’ensemble de leurs bénéfices générés entre 2009 et 2018.

 

Entre 2009 et 2018, les versements aux actionnaires ont augmenté de 70%. Dans le même temps, l’investissement réalisé a baissé de 5%.

Un temps de détention des actions toujours plus court, qui traduit l’essor de la spéculation boursière

Aux exigences de dividendes toujours plus importants s’ajoute un second levier de pression : le risque de fuite de capitaux. Ces dernières années, le temps de détention des actions n’a cessé de se raccourcir, passant de 4 ans en moyenne, à moins de six mois en 2015.

Face à cette diminution du temps de détention, les entreprises sont de plus en plus vulnérables aux fluctuations des cours de la Bourse, dus par exemple à des reventes massives d’actions à la baisse. Elles accordent alors une importance disproportionnée aux indicateurs boursiers, au détriment des impacts économiques, sociaux et environnementaux de leur activité.

La transition écologique, grande oubliée de ce modèle économique

Dans cette course à la maximisation des profits et à la satisfaction des gros actionnaires, la transition écologique semble bien loin dans les préoccupations des grandes entreprises du CAC40. L’investissement, condition sine qua non pour cette transition écologique, a même baissé de 5% depuis 2009 ! Il est pourtant essentiel pour atteindre les objectifs fixés par l’Accord de Paris et ainsi limiter le réchauffement climatique.

Les grandes entreprises doivent, plus que jamais, prendre leurs responsabilités et transformer leur modèle économique en profondeur, afin de le rendre plus durable et plus résilient. Dans notre dernier rapport CAC40, nous révélons que si la part des bénéfices versés aux actionnaires en 2018 avait été encadrée à 30%, cela aurait permis de couvrir 98% des besoins en investissement dans la transition écologique des entreprises du CAC40. Cet encadrement fixé à 30% est notamment porté le collectif #NousSommesDemain, un collectif composé d’entrepreneur.se.s engagé-e-s, dont Veja, Biocoop ou la Camif.

 

Le coût de l’inaction pourrait se révéler particulièrement élevé pour les entreprises, qui risquent de subir de plein fouet les conséquences du changement climatique. Les actionnaires pourraient également être les grands perdants des événements climatiques. En exigeant des retours rapides sur investissement, ils empêchent l’entreprise d’envisager un horizon soutenable sur le long terme. Le risque de voir le nombre d’actifs échoués exploser est alors important : ces actifs fortement carbonés sont appelés à être pénalisés par la transition vers une économie bas-carbone, et pourraient être ainsi fortement dépréciés, faisant perdre de la valeur à l’entreprise et, in fine, aux actionnaires.

BlackRock, le premier gestionnaire d’actifs au monde et parmi les plus gros détenteurs d’actions du CAC40, a ainsi perdu 90 milliards de dollars ces dix dernières années pour avoir investi dans des entreprises du secteur des énergies fossiles.

Les solutions pour l’entreprise de demain, plus durable

Les entreprises du CAC40 sont désormais à la croisée des chemins. Si la crise du Covid-19 a mis en lumière les défaillances de notre modèle économique actuel, il est temps de passer aux actes concrets.

Les entreprises doivent se désengager de la pression des gros actionnaires et mettre leur outil productif au service de la réalisation d’objectifs ambitieux sociaux et environnementaux. Il est plus que jamais nécessaire de dégager des moyens financiers et d’investir dans la transition écologique, pour l’intérêt général mais aussi pour la capacité de l’entreprise à exister sur le long terme.

Nous appelons le gouvernement français à :

  • Encadrer la part des bénéfices versés aux actionnaires : les moyens financiers dégagés doivent abonder un fond de développement dédié à financer les futurs investissements en matière de transition écologique et sociale. 
Un plafond de versement de dividendes à 80% des bénéfices réalisés aurait permis de dégager 7,5 milliards d’euros par an depuis la crise de 2008.
  • Lutter contre la spéculation financière, en étendant la taxe française sur les transactions financières aux activités les plus spéculatives, notamment le trading haute-fréquence, et en œuvrant pour l’adoption d’une taxe similaire au niveau européen.
  • Instaurer un bonus-malus écologique et social pour réorienter les financements vers des objectifs sociaux et environnementaux.