Un G7 placé sous le signe de la lutte contre les inégalités

8 ans après le sommet de Deauville, la France accueille de nouveau le G7, placé cette année sous le signe de la lutte contre les inégalités. Climat, aide au développement, justice fiscale, égalité femmes-hommes…la France et ses homologues seront-ils à la hauteur de la crise des inégalités qui bouleverse le monde ?

Le G7 ou groupe des 7 est un sommet international qui se tient chaque année réunissant les chefs d’État et les gouvernements des sept pays parmi les plus riches du monde : l’Allemagne, le Canada, les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne, l’Italie et le Japon.

Originairement crée à la suite du premier choc pétrolier en 1974, le G7, puis le G8 et de nouveau le G7 (suite à la sortie de la Russie) a pour vocation de créer une concertation entre tous ces pays pour apporter une réponse commune aux différents enjeux mondiaux actuels : la paix et la sécurité, le commerce, l’égalité homme-femme, la lutte contre le terrorisme, le développement, l’éducation, la santé, l’environnement et le changement climatique.

Cette année, le G7 aura lieu du 23 au 26 août à Biarritz. Mais ce sommet se prépare en amont toute l’année au cours de réunions ministérielles et de sherpas.  Les premières ont pour vocation de faire se rencontrer les ministères des différents pays du G7 (écologie, éducation, finance, affaires étrangères etc.) afin de prendre des décisions sur leur champ d’intervention. Les réunions sherpas, quant à elles, sont des réunions chargées d’approfondir les discussions sur les thèmes-clé de la présidence du G7. Autour du G7, gravitent des organisations internationales comme la Commission européenne, mais aussi des groupes d’engagements tel que le Women 7, le Business 7 ou le Youth 7 qui sont conviés à certaines sessions du G7 pour donner leurs recommandations.

La présidence du G7 tourne chaque année. Cette responsabilité ne se limite pas seulement à l’organisation du sommet : en assurant la présidence du G7, le pays détermine les grandes priorités qui seront au cœur des discussions.

Cette année, le G7 aura pour thème la lutte contre les inégalités. Le Président de la République a également fait savoir que la justice climatique et l’égalité de genre seront au cœur de ce rendez-vous politique international.

Oxfam se réjouit de voir ces thèmes mis à l’agenda, tout en rappelant que les dernières annonces du Président de la République n’ont pas été à la hauteur des mobilisations citoyennes sur les thèmes du climat et des inégalités.

Alors que le pays hôte du G7 donne le « la » des débats, voici les demandes qu’Oxfam porte auprès de la Présidence française :

Un G7 résolument féministe

En 2018, la Présidence canadienne avait promu l’égalité de genre comme centre de gravité du G7. Lors de la journée mondiale des droits des femmes, Emmanuel Macron avait fait un pas dans le sens d’une plus grande intégration des problématiques de genre dans sa politique internationale.

Aujourd’hui, ces progrès doivent être concrétisés par :

  • Un renforcement de la lutte contre les inégalités économiques : dans le monde du travail, les femmes sont les premières touchées par la précarité, en France comme à l’étranger. Elles doivent également faire face à la « double journée de travail », étant en charge de la majorité des tâches domestiques, ce qui constitue une barrière à l’emploi. Face à cela, les pays du G7 doivent s’engager pour les services publics et la protection sociale. Enfin, ces pays doivent œuvrer pour un environnement de travail sûr, sans violence ni harcèlement sexuel.
  • Une aide internationale féministe. Par exemple, les pays du G7 doivent mettre sur la table des financements ambitieux pour une initiative qui permette aux femmes du Sahel – région prioritaire de ce G7 – un accès aux services essentiels, notamment la santé et les droits sexuels et reproductifs, ainsi que des moyens de s’adapter aux changements climatiques.

Pour une aide publique au développement qui cible les inégalités dans les pays pauvres

Concrètement, les pays du G7 doivent faire plus et mieux en termes de solidarité internationale. Cela fait 50 ans que les pays riches se sont engagés à dédier au moins 0,7% de leur RNB au développement des pays pauvres, or au sein du G7, seul le Royaume-Uni a atteint la cible. La France stagne à 0,44%. Si l’on veut s’attaquer aux inégalités mondiales, il faut pouvoir se donner les moyens d’y parvenir avec une aide publique au développement (APD) à la hauteur. Emmanuel Macron a promis d’affecter 0,55 % du RNB à notre APD d’ici la fin de son mandat. Une première étape vers les 0,7% si attendus ?

Mais pour répondre à la crise des inégalités, l’APD doit se ré-orienter et répondre à ce défi majeur. Pour Oxfam, une APD qui lutte contre les inégalités doit avoir pour but l’autonomisation des pays bénéficiaires, en mobilisant leurs ressources domestiques et en les aidant à mettre en place une fiscalité plus juste. Mais l’APD doit aussi être investie en priorité vers les secteurs qui favorisent au mieux l’égalité, en particulier les services publics de santé et d’éducation, ou encore la protection sociale. C’est aussi une aide qui appuie les sociétés civiles locales permettant ainsi de renforcer les systèmes démocratiques et le pouvoir citoyen. L’APD française doit donc être à la hauteur à la fois en terme de quantité mais aussi de qualité !

Une indispensable piqûre de rappel sur la nécessité d’une fiscalité juste  

L’impôt a pour mission première de redistribuer les richesses : il est indispensable au bon fonctionnement d’un Etat car il permet le financement de l’éducation, du territoire et  du développement. Ce système de redistribution a par exemple permis à 5 millions de personnes en 2017 de sortir de la pauvreté.

Mais on continue d’observer des défaillances dans notre système économique créant une sous-imposition des personnes les plus riches et des multinationales. Oxfam demande une fiscalité juste, en premier lieu en s’accordant sur une réforme des règles fiscales internationales car celles issues du début du XXe siècle ne répondent plus à la réalité des échanges économiques.

Aujourd’hui, les grands géants du numériques (dont les GAFA : Google, Amazon, Facebook et Apple) évitent l’imposition via des transferts de bénéfices entre leurs propres filiales. Oxfam demande donc au G7 de soutenir comme solution temporaire la taxe sur les géants du numérique adoptée par la France et de promouvoir la notion d’établissement stable virtuel comme base de l’impôt sur les entreprises, pour que les multinationales ne puissent plus contourner l’impôt.

Le G7 doit également instaurer un taux d’impôt minimum effectif des entreprises, c’est-à-dire la création d’un seuil d’imposition efficace sur les entreprises quelle que soit leur taille.

Enfin, il faut reconnaitre la nécessité de mettre un terme à la course au moins-disant fiscal des multinationales, une pratique courante qui consiste à choisir comme lieu d’implantation juridique les pays qui offrent le taux d’imposition sur les sociétés le plus bas. Course dans laquelle la France semble s’engager, par la baisse en 2017 du taux d’impôt sur les entreprises.

Mesurer et évaluer les efforts de réduction des inégalités

La pauvreté est fortement liée aux inégalités homme-femme, qui se traduit par des violences de genre, les difficultés d’accès à la santé (notamment la santé sexuelle et reproductive) ou encore un manque d’équité dans l’application des droits fondamentaux. La sensibilisation au genre dans les budgets d’un Etat peut se traduire par le fait de privilégier les types de services qui réduisent les inégalités homme-femme ou encore en soutenant les femmes en tant qu’agents dans les services publics.

Oxfam demande également aux pays du G7 d’améliorer les collectes de données effectuées par les instituts nationaux de statistiques (tel que l’Insee), ces données statistiques publiques servant de base aux décisions politiques sur la lutte contre les inégalités. Cette amélioration peut passer par la mise en place d’une initiative pilote pour suivre les tendances de la richesse et des revenus des 1% et 0,1% les plus riches.

Enfin, le G7 de Biarritz doit acter une révision de l’ODD 10. D’ici 2030, les Etats membres de l’ONU se sont engagés  à atteindre dix-sept objectifs de développement durable (ODD). L’ODD 10 a pour but de réduire les inégalités dans les pays et d’un pays à l’autre. Il est nécessaire de réviser ses indicateurs d’efficacité et de s’accorder sur l’objectif que la richesse des 10% les plus riches n’augmente pas plus vite que celle de 40% les plus pauvres.

Défendre la justice climatique

A la lumière du rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) d’octobre 2018, les pays du G7 doivent aligner leurs politiques climatiques sur l’objectif de 1,5°C de réchauffement global.

Pour atteindre cet objectif et corriger les inégalités climatiques, le G7 doit honorer l’engagement international d’attribuer 100 milliards de dollars par an de financements climat aux pays en développement d’ici 2020. 50 % de cette somme doit aller à l’adaptation au changement climatique. Il est également indispensable que la France double sa contribution au Fonds Vert en 2019 (comme l’a annoncé l’Allemagne) et qu’elle se fasse uniquement sous forme de dons.

Au G7 de Biarritz, il est indispensable que la France ne se serve pas de l’irresponsabilité des Etats-Unis comme excuse pour se dédouaner de ses engagements climatiques !

La justice climatique ne pourra être effective que si les banques arrêtent leurs financements en direction des énergies fossiles pour les flécher vers le développement des énergies renouvelables. Dans ce cadre, les pays du G7 doivent enjoindre les banques de développement (tel que la Banque Européenne d’Investissement ou encore l’Agence Française de Développement) à aligner leurs activités sur l’accord de Paris sur le climat de 2015. Pour ce faire, ces banques s’engageront à développer une méthodologie solide et à adopter une transparence dans leurs investissements.

Enfin, Oxfam demande une feuille de route concrète pour atteindre l’engagement du G7 de mettre fin aux énergies fossiles d’ici 2025.

Oxfam sera présente au G7 de Biarritz pour défendre ses demandes, ainsi qu’au sein de l’Alter G7, et compte sur la Présidence française du G7 pour être à la hauteur de ses ambitions.

Notes

Rapport d’Oxfam, avril 2019 « la France doit mettre la lutte contre les inégalités au cœur de son action internationale »