La crise en Ukraine a fait exploser les prix des denrées alimentaires dans le monde entier. Alors que plus de 161 millions de personnes dans 42 pays souffrent déjà d’une faim aiguë, cette situation aggrave des crises déjà dévastatrices en raison d’une multitude de facteurs : conséquences de la pandémie de Covid-19, impacts du changement climatique ou encore conflits locaux. Il faut d’urgence soutenir les populations exposées et transformer nos systèmes alimentaires.
Crise ukrainienne : une inflation fulgurante du prix des denrées agricoles
Au-delà de ses répercussions immédiates sur les populations locales et sur la paix internationale, le conflit en cours en Ukraine met en péril la sécurité alimentaire de nombreuses populations à travers le monde.
L’Ukraine et la Russie sont des acteurs importants des exportations alimentaires mondiales. Les deux pays sont des producteurs et exportateurs majeurs de denrées telles que le blé (environ 30 % des exportations mondiales), l’orge (environ 32%), le maïs (environ 17%) mais aussi des produits à base de tournesol comme les grains, les huiles ou les tourteaux (plus de 50%) (source). Par ailleurs, la Russie représente 15% des exportations mondiales d’engrais azotés et 17% des engrais potassés (source).
Dès que la crise a éclaté, les exportations en provenance de ces deux pays ont drastiquement diminué, provoquant un tarissement des denrées disponibles et surtout, par effet d’anticipation, un emballement des marchés agricoles mondiaux. Le marché à terme sur le blé de Chicago, influent dans le secteur, a augmenté de 50 % en quelques jours (source), tandis que certaines prévisions estiment que la hausse générale des denrées alimentaires pourrait atteindre 20 %.
Un impact désastreux sur la sécurité alimentaire de nombreux pays
Alors que la crise de la Covid-19 avait déjà révélé la fragilité du système alimentaire mondial face aux chocs extérieurs, la situation en Ukraine et en Russie a aujourd’hui un impact considérable sur certains pays déjà en proie à la faim.
Cette hausse soudaine liée à la situation en Ukraine intervient alors même que les prix alimentaires mondiaux étaient déjà très élevés, avec une augmentation des prix du blé de 80% entre avril 2020 et décembre 2021. Et de nouvelles hausses de prix sont probables dans les prochains mois, tant au niveau des denrées alimentaires que des engrais et de l’énergie.
Pour les personnes vivant dans des pays qui dépendent des exportations de blé, et pour l’ensemble du système alimentaire mondial, cette situation est potentiellement catastrophique. Ce niveau insoutenable des prix du marché a de grandes chances d’intensifier les crises de la faim dans les pays de la Corne de l’Afrique (Ethiopie, Somalie, Kenya), du Moyen-Orient (Yémen, Syrie) ou encore dans le Sahel (Mali, Burkina Faso). Une augmentation des prix qui risque d’être ressentie de manière plus aiguë encore par celles et ceux qui supportent déjà le plus le poids de la faim : les femmes, les enfants et les populations vulnérables.
En outre, 13 pays à faible ou moyen revenu dépendent directement des importations russes et ukrainiennes de produits alimentaires et d’engrais pour nourrir leurs populations, dont certaines sont déjà confrontées à des conditions proches de la famine. Près de 50 pays dépendent de l’Ukraine et de la Russie pour plus de 30% de leurs besoins en importations de blé.
La crise ukrainienne montre une nouvelle fois les limites du système alimentaire mondial
Ces dernières années, le monde a connu des récoltes record de production de céréales. On estime que près de 3 milliards de tonnes de céréales seront produites en 2022. L’augmentation de la production mondiale n’est donc pas la solution car les agriculteurs produisent déjà plus que nécessaire pour nourrir l’ensemble de la planète.
Oxfam a déjà mis en lumière le fait que les crises de la faim sont liées à l’impossibilité pour les populations d’accéder à de la nourriture, et non pas à un problème de quantité.
Les inégalités, la pauvreté et les conflits, couplés aux effets catastrophiques la pandémie de Covid-19 sur la stabilité des systèmes alimentaires, sont les principaux moteurs de la faim.
Ce qui doit être fait
- Sauver des vies immédiatement : Il est urgent que les gouvernements augmentent le financement de l’aide alimentaire et de l’agriculture pour éviter des catastrophes imminentes, notamment en répondant aux appels du Programme Alimentaire Mondial.
- Respecter les engagements : Les gouvernements donateurs ne doivent pas rediriger l’aide, les ressources ou les engagements politiques déjà pris en faveur des crises existantes.
- Réguler les marchés : Les gouvernements doivent éviter les restrictions aux exportations, la transparence des marchés doit être accrue et de nouvelles règles doivent être mises en œuvre pour empêcher la spéculation financière.
- Transformer les systèmes alimentaires. Plutôt que perpétuer le modèle industriel dominant (cultures spécialisées, recours intensif aux engrais de synthèse et aux pesticides) qui rend les agricultures locales vulnérables et accentue les dégradations environnementales, il faut soutenir l’agriculture paysanne et agroécologique, et renforcer la place des femmes dans l’agriculture.
- Garantir la sécurité alimentaire dans les politiques commerciales. Les règles du commerce international devraient soutenir le développement des systèmes alimentaires locaux et éviter la concurrence déloyale des grands conglomérats agro-industriels.
- Développer une protection sociale universelle. Il faut que tous les Etats déploient des mesures de protection sociale pour soutenir leur population, et en priorité les plus vulnérables. Les mesures doivent inclure des transferts inconditionnels d’argent ou de nourriture de large ampleur.