L’empreinte carbone en cinq questions

Les 25 dernières années ont été marquées par une croissance sans précédent des émissions de gaz à effet de serre. Entre 1990 et 2015, elles ont augmenté de près de 60% dans le monde, provoquant une intensification des phénomènes météorologiques extrêmes et aggravant la crise climatique. Les populations les plus vulnérables, qui pourtant ne contribuent que très peu à ces émissions, sont les plus durement touchées par leurs conséquences.

Parmi les moyens d’identifier les principales sources d’émission de gaz à effet de serre (GES) et de mettre en place les solutions les plus adaptées pour contribuer efficacement à leur diminution : le calcul de l’empreinte carbone, qui permet de mesurer l’impact de notre consommation sur le climat.

 

Qu’est-ce que l’empreinte carbone ?

Définition :

L’empreinte carbone est la mesure de la quantité de gaz à effet de serre émise par une activité humaine, en fonction de sa consommation en énergie et en matières premières. Il peut s’agir de l’empreinte d’une personne, d’une organisation ou d’un territoire, ou bien encore d’un processus de fabrication ou d’un secteur économique.

 

Le calcul de cette empreinte, qui s’effectue généralement en tonnes, porte sur trois gaz à effet de serre : le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4) et le protoxyde d’azote (N2O), qui représentent 97 % des six GES pris en compte par le protocole de Kyoto. Le terme « carbone » a été choisi car le dioxyde de carbone est le principal GES contribuant au réchauffement climatique.

Des enfants devant un palmier au sol suite au cyclone Kenneth
En 2019 le cyclone Kenneth a frappé le Mozambique, 6e pays le plus pauvre au monde et dont les émissions de gaz à effet de serre sont 55 fois moins élevées qu'aux Etats-Unis. Crédit : Tommy Trenchard/Oxfam

D’où viennent les émissions de l’empreinte carbone ?

L’empreinte carbone prend en compte les émissions liées à la production, mais aussi à la consommation de biens et de services, qu’il s’agisse de celle des ménages ou des entreprises.

Elle est donc composée d’émissions directes, que nous produisons dans le cadre d’un usage particulier (combustion d’énergie pour le chauffage du logement ou le transport), et indirectes, c’est-à-dire résultant de la fabrication de biens et de services que nous consommons.1

Ainsi, contrairement aux inventaires nationaux, qui ne comptabilisent que les émissions de GES ayant lieu sur un territoire donné, l’empreinte carbone intègre également les émissions associées aux biens, services et matières premières importés de l’étranger et consommés sur ce territoire.

L’empreinte carbone de la France2

En 2019, l’empreinte carbone de la France était estimée à 663 millions de tonnes de CO2, soit environ 10 tonnes par habitant et par an. C’est le double de la moyenne mondiale.

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Depuis 1995, cette empreinte a augmenté de 7%. Elle est composée pour 74% de CO2.

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70% des émissions proviennent de trois postes principaux : le logement (28%), le transport (24%) et l’alimentation (18%).

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Les émissions associées aux importations représentent un peu plus de la moitié (54 %) de l’empreinte. Ces émissions « importées » ont augmenté de 72% depuis 1995.

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Les activités économiques sont à l’origine de 62% de l’empreinte carbone de la France, tandis que les émissions directes des ménages (chauffage des logements, transport) y contribuent à hauteur de 38%.

A quoi sert de calculer l’empreinte carbone ?

Le calcul de l’empreinte carbone permet de mesurer l’impact d’un produit, d’un service ou d’une organisation sur le climat de notre planète, d’établir quelles sont les activités les plus polluantes et d’identifier les principales sources d’émissions de gaz à effet de serre associées à ces activités.

Elle aide à définir les stratégies et les solutions les mieux adaptées pour réduire l’impact de certaines activités sur le changement climatique, et participer plus efficacement à la diminution des émissions de gaz à effet de serre et aux objectifs de « neutralité carbone ».

La neutralité carbone est un état d’équilibre à atteindre entre les émissions de carbone d’origine humaine et leur absorption de l’atmosphère par des « puits de carbone », dont les principaux sont les sols, les forêts et les océans. Elle est présentée comme une nécessité pour limiter la hausse des températures à 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle, et l’un des objectifs majeurs de l’Accord de Paris.

 

Tous les pays de l’Union Européenne, dont la France, se sont fixés l’objectif d’être « neutre en carbone » à l’horizon 2050.

La « compensation carbone », une fausse solution

Parmi les outils disponibles pour atteindre la neutralité carbone et éviter de dépasser le seuil de réchauffement de 1,5°C figurent les programmes dits de « compensation carbone », des projets permettant de séquestrer ou de réduire des émissions de CO2, tels que les programmes de reforestation par exemple. Plusieurs scénarios envisagent ainsi la conversion de larges espaces de terre pour planter des arbres ou des cultures pour stocker du carbone.

Or, cette approche risque d’aggraver la faim et les accaparements de terres. Il existe d’autres alternatives d’utilisation des terres pour maintenir les températures en-dessous de 1,5°C, telles que l’agroécologie et l’agroforesterie, qui n’exacerberont ni la faim ni la pauvreté. Ces actions doivent être prises en parallèle des réductions d’émissions dues aux énergies fossiles.

Une femme dans une rivière au Bangladesh péchant le poisson.
En 2019, le cyclone Bulbul touche durement le Bangladesh. De nombreuses familles se retrouvent sans rien à manger. Ici, Rahela Bibi essaye de pécher des poissons pour sa famille. Crédit : FabehaMonir/Oxfam

Quels sont les pays qui polluent le plus ?

Les pays qui émettent actuellement le plus de CO2 par habitant sont situés dans la péninsule arabique, comme le Qatar par exemple, qui émet un peu plus de 37 tonnes par personne.3

Au-delà de la répartition géographique, les plus riches de la planète ont un impact disproportionné sur le climat : des inégalités extrêmes en matière d’émissions de CO2 qui représentent un obstacle majeur au maintien du réchauffement de la planète en dessous de 1,5 °C, tel que défini dans le cadre de l’Accord de Paris.

Chiffres :

  • L’empreinte carbone des 10% les plus riches, qui est d’environ 23,5 tonnes par personne, est plus de 30 fois plus élevée que celle des 50% les plus pauvres.
  • 10% des foyers les plus riches consomment dans le monde environ 45% de toute l’énergie associée au transport terrestre.
  • Près de la moitié des émissions des 10% les plus riches sont imputables à la consommation des citoyennes et citoyens nord-américain-e-s et de l’Union Européenne.

Afin de limiter le réchauffement planétaire à 1,5°C, la moyenne mondiale des émissions par habitant-e devrait être d’environ 2,1 tonnes/an d’ici 2030. Or, selon les estimations d’Oxfam, l’empreinte carbone par habitant-e des 10 % les plus riches est plus de 10 fois supérieure à l’objectif fixé et celle des 1% les plus riches 35 fois plus élevée.

La colossale empreinte carbone des banques et grandes entreprises françaises

Après avoir mesuré l’impact sur le climat de 6 banques françaises, dont l’empreinte carbone représente près de 8 fois les émissions de GES de la France entière, Oxfam France a pu calculer l’empreinte des plus grandes entreprises françaises et leur trajectoire climatique.

Cette étude révèle qu’en moyenne, l’empreinte carbone des entreprises du CAC40 s’élève à 4,1 tonnes de CO2 à chaque fois qu’elles réalisent 1000 euros de chiffre d’affaires. Quatre entreprises – BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole et Total – ont, chacune prise séparément, une empreinte carbone supérieure à celle de la France.
Au rythme actuel, ces émissions colossales nous mènent tout droit vers un réchauffement climatique de +3,5°C qui aurait des conséquences dévastatrices.

 

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Comment réduire l’empreinte carbone ?

Si les restrictions liées à la pandémie de Covid-19 ont mis une grande partie du monde à l’arrêt et entraîné une baisse des émissions, la tendance globale elle ne change pas. A moins que les émissions ne chutent considérablement, le budget carbone mondial sera complètement épuisé à l’horizon 2030.

Bien que des solutions individuelles existent et soient absolument nécessaires (comme de consommer des produits locaux et moins de viande, privilégier le covoiturage et éviter au maximum de prendre l’avion, isoler son logement…), Oxfam France milite surtout pour que les Etats adoptent des mesures plus ambitieuses et se tiennent à leurs engagements, en particulier les pays les plus développés.

La France doit prendre sa part de responsabilité

La France en particulier, dont l’empreinte carbone est deux fois plus importante que celle de la moyenne mondiale et qui a déjà émis, au 17 mars 2021, l’intégralité des gaz à effet de serre qu’elle devra émettre en une année, en 2050, pour respecter son objectif de neutralité carbone, doit prendre sa part de responsabilité, notamment dans le cadre de la relance de son économie après la pandémie de Covid-19.

Elle doit s’atteler au développement d’une économie plus juste, qui tienne compte des limites de notre planète : investir dans les services publics et les secteurs sobres en carbone, encourager le développement des énergies renouvelables et celui de l’agroécologie, renoncer à baisser les impôts des grandes entreprises polluantes, prendre des mesures contraignantes pour obliger le secteur privé à aller vers la décarbonation. Ce sont les conditions sine qua non pour faire face à la crise climatique et enrayer le creusement des inégalités.

Notes :

[1] Par exemple, lorsque nous utilisons une voiture, les émissions directes proviennent des gaz qui sortent du pot d’échappement. Les émissions indirectes concernent, elles, les gaz à effet de serre émis lors de la fabrication et éventuellement de l’importation de cette voiture.

[2] Source : ministère de la Transition écologique, L’empreinte carbone de la France, décembre 2020

[3] Source : Global Footprint Network

[4] Le budget carbone mondial définit la quantité maximale de dioxyde de carbone pouvant être émise dans l’atmosphère afin de limiter la hausse de la température moyenne dans le monde à 1,5 °C.